Jusque là, j'ai été bienveillant avec les Star Wars produits par Disney. J'ai beaucoup aimé le Réveil de la Force, j'ai été très agréablement surpris par Rogue One et j'ai apprécié les Derniers Jedi. Et pourtant, j'étais à l'origine de cette bande de radicalisés qui a hurlé au blasphème lors de l'annonce du rachat de Lucasfilm par Mickey et qui a crié à l'hérésie lorsqu'il a été fait table rase de l'ancien univers étendu pour laisser place à la Nouvelle Trilogie. Mais comme on dit, il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis : j'ai été séduit dès le Réveil de la Force. Les Star Wars de Disney ont su me convaincre malgré leurs défauts.


Et puis il y a eu Solo. Solo, c'est un projet qui m'a fait tremblé dès le début : proposer un film sur la jeunesse du plus grand contrebandier de la Galaxie était un paris aussi audacieux que risqué. Han Solo est un des personnages préférés des fans, c'est un véritable mythe, et qui plus est un mythe incarné par Harrison Ford. Un Harrison Ford qui ne serait pas de la partie du fait de son âge, ce qui est une énorme perte. Et puis on ne touche pas aux mythes sans conséquences.
Solo était donc un projet qui me laissait dubitatif, et les déboires autour de la production, du tournage n'ont fait que me renforcer dans mon idée. Et les premières images et trailers n'ont pas arrangé les choses.


Malgré tout, je suis quand même allé le voir, le premier jour, en première séance de la journée. Parce que je suis fan de Star Wars.
Et le film ne m'a pas déçu puisqu'il est comme je l'imaginais : triste et terne, sans saveurs. Aussi bien d'un point de vue cinématographique que d'un point de vue de fan de Star Wars.


Je n'ai rien de particulier contre le réalisateur, Ron Howard, puisque c'est un juste faiseur, et un faiseur plutôt efficace (même si j'ai récemment été déçu par ma redécouverte d'Apollo 13). Mais là, je n'ai pas aimé la réalisation. Le film est d'une tristesse visuelle déroutante : tout est terne et gris, tout a l'air d'être filmé en contre-jour. Et ça ne met pas en valeur les décors et les costumes plutôt chouettes qui ont été créés, l'équipe artistique de Lucasfilm faisant du très bon boulot.
Mis à part ça, il n'y a pas grand chose de créatif. La mise en scène se contente de rendre compte de l'avancée de l'intrigue, et il n'y a pratiquement de plans qui claquent (là où le Réveil de la Force, Rogue One et les Derniers Jedi avaient de très beaux visuels). Il ne reste que quelques scènes sympathiques à regarder. De plus, la mise en scène ne fait ressentir aucune émotion. Les personnages ne m'ont pas touché, il ne m'ont pas laissé beaucoup d'impression, la faute aussi a une écriture un peu faible.


Et c'est là qu'on en vient au contenu. Le film raconte la jeunesse de Han Solo, de son départ de Corellia à son mythique raid de Kessel en 12 parsecs. Un histoire qui a déjà été vue dans l'ancien univers étendu, mais qui pouvait surprendre comme Rogue One m'avait surpris avec le vol des plans de l’Étoile de la Mort (et pourtant ce n'était pas le pitch le plus original du monde). Si la rencontre entre Han Solo et Chewbacca a beau être originale, le reste ne l'est pas. Et lorsque le film ose des trucs, c'est un peu nul.
Les personnages sont incarnés par de bons acteurs (Emilia Clarke et Donald Glover), mais il manque quelque chose pour les rendre attachants, iconiques. La faute à la mise en scène paresseuse, à l'écriture molle et à des twists bateau. Et puis il y a Han Solo, qui a le défaut de ne pas être incarné par Harrison Ford et qui n'est jamais charismatique : c'est simple, je ne reconnais pas le personnage. Ou L3 le droïde, juste énervante. Les antagonistes ne sont pas bien glorieux non plus puisqu'ils ne sont pas marquants, sans nuances et que l'on a du mal à se représenter leur dangerosité.
Des personnages, seuls sortent du lot Chewbacca, parce que j'aime bien la manière dont il est présenté et parce que le film lui donne un peu d'importance, et Lando Calrissian, charmeur, roublard et sapé comme jamais (Lando, quoi).


Il y a néanmoins une chose qui m'a beaucoup énervé dans ce film (et attention spoiler en approche), sans qu'elle soit vraiment liée au reste (tout simplement parce que c'est absurde, mal amené et inutile) :


L'apparition de Dark Maul, à la fin, qui se révèle être le maître de Qi'ra. La résurrection de ce personnage dans la série animée The Clone Wars est une aberration que je n'ai jamais pu digérer, et la voir portée au cinéma me met un peu en rage. Surtout quand le film est particulièrement médiocre.


En tout, je pense que ce qui m'a gêné dans Solo, outre l'absence de souffle, la tristesse visuelle et la paresse créative, c'est bien la perte du mythe.
Comme chacun sait, Star Wars est un mythe puisque la saga prend ses racines dans les mythologies du monde entier, c'est là une de ses forces. Star Wars est ainsi devenu un mythe moderne. Or Solo n'a aucune puissance mythologique, contrairement à la Nouvelle Trilogie (qui s'intéresse de près à la Force) ou à Rogue One (le thème épique de la rébellion contre la tyrannie et le sacrifice pour une cause juste). Et ce n'est pas parce qu'il n'est jamais fait mention de la Force durant tout le film (ce qui est logique, hein), mais parce qu'il ne sait jamais où se placer : si il reprend quelques gimmicks de western spaghetti, ce n'est pas un western cosmique, et si il aborde le thème du banditisme, de l'arnaque et du braquage, ce n'est pas vraiment un film de gangsters galactiques. Ce caractère indéfini ne lui donne aucune aura, aucune force.


Et c'est là que je commence de nouveau à craindre pour Star Wars. Si le Réveil de la Force, Rogue One et les Derniers Jedi m'avaient conquis, Solo me rappelle le fait que rien n'est encore gagné, que l'on risque encore la médiocrité. Et je pense que Disney devrait carrément revoir sa politique vis à vis de la saga : en décidant de sortir un film chaque année, ils transforment une saga mythique en un objet de consommation banal et ils prennent le risque de produire des œuvres bâclées ou sans âme. Or Star Wars est une saga qui a une âme, et une puissance mythique puisqu'elle a acquis un statut culte et parce qu'elle parle à toutes les générations (les vieux qui étaient là en 1977, les comme moi qui ont vu la sortie de la Prélogie, et les plus jeunes qui grandissent avec la Nouvelle Trilogie). Star Wars a une puissance universelle, tant par son propos et ses thématiques que par le fait que la saga fédère trois générations sous une même bannière et parce qu'une communauté de fans passionnée s'est constituée autour d'elle. Star Wars mérite de bons films, soignés, créatifs, audacieux et sachant se faire désirer, pas des œuvres tristes, ternes et sans charme comme Solo, sorties annuellement. Star Wars ne mérite pas de devenir comme les films Marvel, c'est à dire une sorte de feuilleton popcorn dont un nouvel épisode sort tout les deux mois.


Au final je ne ressens aucune haine pour ce film, qui est tel que je l'imaginais. Juste un peu de tristesse et des doutes pour l'avenir.

Baheuldey
4
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs films de l'univers Star Wars

Créée

le 23 mai 2018

Critique lue 1.1K fois

20 j'aime

4 commentaires

Baheuldey

Écrit par

Critique lue 1.1K fois

20
4

D'autres avis sur Solo - A Star Wars Story

Solo - A Star Wars Story
Walter-Mouse
5

Qui a éteint la lumière?

Légère entorse à la règle. Kathleen Kennedy rompt temporairement sa promesse de ne lancer des films indépendants dérivés de l'univers Star Wars qu'à partir de sujets originaux pour consacrer son...

le 23 mai 2018

127 j'aime

28

Solo - A Star Wars Story
Grimault_
4

Quand l'insipide devient amer.

Solo : A Star Wars Story est enfin sorti, après un tournage chaotique et une campagne marketing douteuse, à l’image d’un projet dès son annonce indésirable que l’on était en droit de redouter. Si le...

le 27 mai 2018

112 j'aime

34

Solo - A Star Wars Story
Tonto
8

Mémoires d'un Han

Dans les méandres de la planète Corellia, où la population a été asservie aux ordres de l’Aube écarlate, organisation au service de l’Empire, un jeune homme, Han (Alden Ehrenreich) tente de s’évader...

le 24 mai 2018

79 j'aime

32

Du même critique

Dune
Baheuldey
8

Les Bâtards de Dune

Le Dune de David Lynch est un film bâtard. Il est tiraillé la vision d'artiste de Lynch et la volonté de Dino De Laurentis de faire des dollars, entre un statut de navet et de film culte, entre...

le 5 juil. 2015

8 j'aime