Solo aurait dû être une série Netflix en douze épisodes, au croisement entre the Expanse et Firefly, quintessence d'une SF foutraque assumée, portée par ses personnages et leurs interactions plutôt que par des rebondissements qui ne tirent pas les premiers, eux, usés qu'ils sont jusqu'à la ficelle (celle-là même qui tient lieu de scénario).
Il nous aurait épargné les séquences d'action illisibles, le rythme à la 24 heures chhrono et la progression coupée à la hache-laser.
Ron Howard n'est pas un réalisateur de blockbusters, et on ne lui en demandait pas tant - c'est-à-dire "si peu". Son Solo de bric et de broc ne convainc que quand les personnages prennent enfin le pas sur les péripéties et jouent à cache-cache avec les archétypes qu'ils incarnent.
Passé un démarrage calamiteux, qui enchaîne les séquences déliées pour avancer vite, très vite, trop vite, sans rien prendre le temps d'installer ni s'intéresser à autre chose qu'au chronomètre, on renverse la machine et on soupire de soulagement.
Oh, on est toujours dans Star Wars, on ne va pas vous proposer du cinglé Shakespearien non plus (encore que), mais le film s'écarte (gentiment) du manichéisme agaçant de la saga pour jouer (timidement) avec ses propres codes, préférant recourir à ceux du western spaghetti et des James Bond d'antan.
Dès lors, si le métrage manque de l'envergure "pompier" des épisodes canoniques, c'est presque un soulagement pour le spectateur gavé d'effets stroboscopiques devenus franchement redondants - et par-là même : lourdingues.
Anti-Rogue One par excellence, Solo ne possède ni sa force esthétique, ni son sérieux désespérant, il n'éblouit jamais et pourtant, il se suit avec d'autant plus de plaisir qu'il est moins prévisible, moins linéaire et moins académique que son prédécesseur (toutes proportions gardées). Plus libre, au fond. Plus fun. Il était temps.
Plutôt que de se la jouer respectable, il trace son épopée anecdotique avec la désinvolture d'un bandit de grand chemin qui aurait encore du lait autour des oreilles, cherchant à raconter trop en trop peu de temps, sans que rien n'ait plus d'importance que le cheminement de ses personnages principaux, dont on se fiche pas mal du devenir, du moment qu'ils deviennent, qu'ils ne restent pas figés dans leurs rôles de posters 3D à la gloire d’icônes des années 80.
Quelques très belles scènes viennent même parfois donner de la consistance à ce Terrence Hill de l'espace - qui met tardivement en exergue le principal défaut de cette saga mythique : l'inconsistance d'un univers dont seules les très grandes lignes ont jamais été posées noir sur blanc.
On voudrait y croire, mais de Lucas à Howard, aucun réalisateur ni aucun scénariste ne nous en a jamais donné les moyens, préférant jouer aux cadavres exquis avec une licence qui, il est vrai, s'y prête tout particulièrement.
Mais le cadre évolue, dans le prolongement de l'épisode VIII, et c'est autant une nécessité qu'un motif de satisfaction. La Disneyisation du Star Warsverse est encore jeune, mais ce Solo constitue peut-être un premier pas de côté, une première tentative (maladroite, certes, mais louable) de sortir le propos de son carcan étouffe-Jawa, suivant ainsi les traces hésitantes du Marvel Cinematic Universe.
Au-delà de tous ses défauts (dont la plupart son imputables à la saga elle-même), ce Solo n'est pas le film à grand spectacle attendu, il peine même à être un film à spectacle tout court.
Mais n'en est paradoxalement que plus divertissant.