Maintenant, ici, ou ailleurs.
Il est plutôt rare d'avoir du cinéma d'auteur made in US, mais heureusement Sofia Coppola est là depuis plusieurs années pour combler le manque en provenance de ces contrées. On l'avait applaudi pour Virgin Suicides, puis Lost in Translation, et finalement légèrement boudé avec Marie-Antoinette. Pour sa défense il sera bon de rappeler que ce dernier était un film à gros budget, domaine dans lequel elle ne s'épanouit pas, étant bien plus à l'aise dans les microcosmes à trois sous.
Bonne nouvelle, Somewhere est un retour direct au genre dans lequel on l'aime, et même s'il n'égale pas ses premiers films pour ce qui est des dialogues, se démarque par un style narratif qui illustre parfaitement l'expression « les actes sont plus forts que les mots ».
Lumière, et ensuite deux minutes où l'on voit une Ferrari faire des tours de circuits. On s'ennuie, mais immédiatement l'idée générale suinte littéralement de l'écran, et en devient presque palpable. Sofia veut nous faire ressentir l'ennuie du protagoniste, tout en réussissant habillement à nous faire trouver un intérêt dans cet ennui.
Johnny Marco (Stephen Dorff) est un acteur relativement connu, mais est blasé par tout. Que ça soit par sa voiture de luxe, ses soirées arrosées ou encore les strip-teases quotidiens exécutés dans sa chambre par deux superbes jumelles. Cependant l'arrivée de sa fille de 11 ans, Cleo (Elle Fanning), sera le déclic qui le poussera à reprendre sa vie en main.
Sofia nous passionne, et démystifie le stardom, et on sent presque la mise en abyme, Stephen Dorff n'ayant pas l'air d'avoir été choisi par hasard. Rappelons le, Stephen avait crevé l'affiche grâce à son interprétation du sale petit fumier dans Blade, il y a un dizaine d'années, avant de sombrer dans des productions de plus en plus piteuses, dont le très mauvais Alone in the Dark. Stephen revient donc ici dans un rôle qui le remet sur le devant de la scène, et nous bluffe bien plus que l'on aurait pu s'y attendre. Elle Fanning n'en est pas en reste, et suit des traces bien meilleures que celles laissées par sa grande soeur (Dakota).
Bref, Somewhere est une véritable réussite en ce début d'année, et réussit à se montrer hypnotique et passionnant, malgré sa quasi absence de dialogues, qui sont cependant soutenus par une bande-son de très bon choix (en particulier grâce à la présence de Phoenix, figurant déjà sur les BO des précédents films de Sofia), ainsi que des décors et plans toujours dirigés de main de maître.
Pour conclure, si vous êtes prêts à vous immerger dans une farandole de non-dits toujours soutenus par une poésie imagée et envoûtante, microcosme de plaies ouvertes et instants magiques, il serait un crime de passer à côté. Somewhere peut également se prévaloir d'être l'antithèse d'un idéal qui croyait aller plus loin et plus vite en appuyant toujours plus fort sur le champignon.
Mention spéciale pour la scène du masque de gomme que font les maquilleurs à notre protagoniste, masque étouffant, scène claustrophobique, personnage suffoquant, illustration suprême d'un homme pétrifié dans une machine dont il ne peut — mais voudrait — s'extirper.