Je n’avais jamais entendu parler de Sorgoi Prakov avant qu’un de mes contacts (Nihilist Holocaust) ne m’en parle. Il a longtemps cherché, dernièrement surtout, à m’inciter à le voir. Ca ne me tentait pas vraiment, même s’il avait mis 10. Ca m’avait l’air à première vue d’être un de ces films underground et trash comme tant d’autres, sans grand intérêt.
Mais sur SensCritique, nombreuses sont les critiques à mettre 8, 9 ou 10 à Sorgoi Prakov…
Je voyais mal en quoi ça pouvait être aussi génial, mais à force d’insistance de la part de mon comparse, j’ai décidé de voir ce qu’il en était.


J’ai lancé le film sans en savoir grand chose, à part ce que j’ai pu voir avec cette affiche mal photoshoppée et le début de la bande-annonce. J’avais juste regardé vite fait histoire de voir à quoi ça ressemblait, et je dois dire que l’aspect mockumentaire avec ce Borat bis m’avait intrigué.
Comme le personnage de Sacha Baron Cohen, Sorgoï est un reporter d’un pays fictif d’Europe de l’est, qui filme son voyage à l’étranger, avec un dispositif rappelant celui d’Antoine De Maximy : une caméra fixée à la tête et une autre attachée à son torse en steadycam.
Avec son air benêt et son accent, ce Candide toujours souriant et plein de bonne volonté s’avère plutôt attachant.
Il est tellement niais que ça fait marrer, mais il y a tout de même de nombreux passages sans grand intérêt.
La mise en scène est suffisamment bien foutue et les acteurs assez naturels pour maintenir l’illusion du documentaire, au point que je n’ai su distinguer au début quelles sont les personnes que croisait le héros qui étaient dans la confidence ou non.
En revanche, j’ai plus de mal à croire au film que monte Sorgoï au jour le jour, puisqu’il ne montre pas grand chose de la ville qu’il visite ou de ses habitants ; il reste tout le temps très en surface, ne montrant que de brefs bouts d’interaction, mais jamais aucun dialogue ne s’installe.
Le reporter demande juste à deux reprises à des gens quel est leur "european dream", mais il n’en fait même pas un fil rouge.
Paradoxalement, alors que le montage est dynamique et évite qu’on s’ennuie, le film paraît quand même long, parce qu’il ne se passe pas grand chose.


Quoi qu’il en soit, l’esprit du film jusque là diffère tellement du ton donné par l’affiche qu’on attend de voir à quel moment les choses vont mal tourner, et comment.
Finalement, Sorgoï se retrouve juste exposé à la drogue et à la violence des quartiers sensibles parisiens. Il aurait pu y avoir un propos sur la société qui corrompt un esprit innocent, quoique ça aurait été facile. Mais en fait, bon nombre des problèmes de Sorgoï surviennent parce qu’il est victime de sa propre connerie (perte de sa veste après prise trop importante de drogue, perte du passeport dont il se débarrasse lui-même).
Il finit SDF, il doit voler pour vivre, et puis soudain il se met à jouer avec son caca et à tuer des gens. Ca n’arrive pas aussi soudainement dans le film, mais uniquement parce que la progression se fait avec lenteur, ce qui ne veut pas dire pour autant qu’il y a des éléments déclencheurs.
La descente dans la folie de Sorgoï s’appuie sur d’énormes raccourcis ; il existe beaucoup de SDF, mais tous ne se tournent pas vers le meurtre et ne dessinent pas des cœurs avec leurs excréments, et heureusement.
Alors pourquoi Sorgoï ? Qu’est-ce qui le fait basculer davantage dans la démence ? Bah rien, je ne vois pas dans ce que vit ce personnage quoi que ce soit que n’a pas dû vivre n’importe quelle personne, saine d’esprit également à la base, et qui se retrouve soudain à la rue.
Et ironiquement, même après le premier meurtre, l’ennui persiste, on a encore ces scènes d’errances et de divagations sans grand intérêt.


J’aurais compris l’engouement pour ce film s’il y avait une exploration psychologique à la hauteur, mais Sorgoï Prakov fait finalement dans la provocation facile.
J’ignore si le réalisateur prétendait vraiment à livrer un propos, mais je n’espère pas, car le film s’enfonce encore plus dans la bêtise, la facilité et la gratuité par la suite.
Le héros retourne à l’état sauvage et enchaîne juste les meurtres.
(et puis l’arme utilisée par Sorgoï est ce couteau rétractable, clairement en plastique, qu’on trouve dans tous les magasins de farces et attrapes… sérieusement, ils ont pas trouvé mieux ? J’ai cru que c’était vraiment censé être un faux au début, mais non).


C’est le genre de film qui va être défendu par ceux qui veulent encourager le cinéma de genre en France, simplement parce qu’il se fait trop rare.
Si le film est bon, c’est quand même mieux.

Fry3000
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le 20 juin 2016

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Wykydtron IV

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