J'ai regardé le documentaire, puis j'ai été dans la salle de bain pour me doucher... Et tout est remonté d'un coup, j'ai chialé, l'émotion.
C'est étrange de se sentir si proches d'inconnus que l'on entrevoit si brièvement au travers d'un reportage... Tant de résonances par rapport à mon propre vécu...

Le harcèlement scolaire on en parle depuis relativement peu de temps en France, je me souviens qu'avant de le subir, je n'en avais jamais entendu parler... C'est au bout de plusieurs années que j'ai découvert le terme sur internet. Je ne pensais pas que ce phénomène touchait autant de gens avant de lire tous ces témoignages sur les forums et avant d'y ajouter le mien.

============3615mylife the beginning==========
Tu peux zapper pour aller à la conclusion sinon, j'ai fait un peu long en voulant pourtant faire court et c'est pas foncièrement intéressant puis bon je sais pas si je vais assumer demain...

En primaire j'étais « normale », timide mais intégrée, j'avais des amis, j'adorais l'école.
Le collège m'a complètement détruit.
Il suffit d'un rien : être différente, plus faible, plus sensible.
J'étais grosse, avec des lunettes, pas habillée à la mode, timide, intello.
Sacré bagage pour affronter l'age cruel, celui ou on apprend que la vie est une pute.
Au début c'était juste 2 filles, juste des insultes, puis ça a progressé, ça s'est amplifié, j'ai fait une dépression, j'ai perdu les amis qu'il me restait du primaire, j'étais seule face aux brimades.

En tant que harcelé, tous les moments de la journée sont attendus avec appréhension.

8h, le réveil sonne, tu sors de tes cauchemars pour vivre ceux de la vraie vie. Tu penses à la journée qui t'attends, t'as une boule au ventre qui te fait mal, t'as pas envie d'y aller putain mais aujourd'hui t'as pas le choix.
Tu pars, en te rapprochant du collège, tu te fais insulter par 2 personnes que tu connais pas, tu les ignores, tu sais que c'est le meilleur moyen pour qu'ils se lassent. Ce ne seront que les premiers, des dizaines d'autres suivront dans la journée parce que tout le monde te connait. Ils s'éloignent, tu ralentis à l'approche du collège car tu es en avance et tu ne veux surtout pas l’être. Être en avance implique de devoir attendre à l'entrée, soit seule en ayant peur d’être jugée par les autres comme une sans amie, soit rejoint par les « autres » pour se moquer de toi.
Tu fais donc en sorte d'arriver un peu de retard ou juste à l'heure. Une fois en classe, si tu as de la chance tu peux être tranquille. Si tes bourreaux s'ennuient et se sentent d'humeur joueuses, elles se placeront soit devant soit derrière toi.
Devant elles peuvent te voler tes affaires, prendre ton cahier pour y écrire des insultes, ou le faire directement sur la table. Derrière elles peuvent mettre de l'encre sur ton manteau, t'envoyer des saletés, te donner des coups dans le dos avec leurs règles, équerres, compas ou bien te tirer/couper les cheveux.

Mais le moment que tu redoutes le plus, c'est la cantine, 1h30 c'est très long. Malheureusement tu n'es pas externe donc tu n'as pas le droit de quitter l'établissement, tu n'as pas la carte verte, tu peux parfois arriver à esquiver mais c'est rare et à force les pions te connaissent comme la fille qui sèche le plus.
Y a des jours ou t'es tranquille, d'autres ou les bourreaux te chercheront.
Tu peux ne pas manger à la cantine pour avoir un moment de tranquillité plus long avant qu'elles aient mangés ( et puis t'es grosse donc ça te fait pas de mal de sauter un repas. ) ou décider de manger en prenant certaines précautions. Soit tu fais en sorte d'arriver dans les premiers, soit dans les derniers.
Dans le premier cas, tu vas dans le coin caché en espérant qu'il reste des places sinon t'es obligé d'aller seule à une grande table, tu manges très vite, tu sors avant que les autres n'arrivent, tu peux aller te cacher dans un endroit peu fréquenté en espérant qu'elles ne te chercheront pas aujourd'hui.
Si elles te rejoignent avant que tu aies fini de manger, elles peuvent te voler tes desserts, ou les exploser. Te balancer du sel ou de l'eau sur la tête. Elles viennent manger à ta table pour te rabaisser et peuvent t'obliger à rester.

Si tu vas à la cantine dans les derniers, tu seras tranquille pour le repas mais tu ne pourras pas les esquiver si elles t'attendent à la sortie et la cantine te vire de force 30 minute avant la fin de la pause.

Si elles te trouvent c'est l'éclate, à midi c'est varié, t'as droit à toutes sortes de traitements, c'est un peu le best of de la journée quoi.

Il y a aussi les récrées, plus faciles à esquiver de part leur courte durée. Tes bourreaux te prennent ton sac de force, ils le vident dans la cour, devant tous les autres élèves et t'es obligée de ramasser tes affaires comme un chien auquel on jette un bâton.
T'as souvent un pion ou 2 qui s'y ballade et assiste à la scène mais osef, c'est pas leur taf de gérer de ça hein puis c'est qu'un jeu, on rigole.
Ceux qui s'en foutent c'est une chose, mais le pire c'est que l'un d'entre eux soit pote avec elles.
Leur parole contre la tienne qui n'a aucune valeur, tu seras collée à leur place à plusieurs reprises.
Y aussi des profs qui te charrient parfois. Y en a qui prennent un malin plaisir à t'envoyer au tableau alors que tu vas te faire huer par la classe. Ils voient que tu trembles, que tu es terrifiée, mal dans ta peau mais ils osef.


« T'es une merde. Ta mère regrette sûrement de pas avoir avorté. Tu ressembles à rien. Même la chirurgie esthétique ne pourrait pas sauver ta gueule. Tu devrais te suicider. Tu ressembles à une vache. T'as pas d'amies. T'as des habits moches. Tu sais pas te coiffer. Personne ne t'aimera jamais. T'as pas honte de vivre ?  »

Et quand on te répète tous les jours que t'es une merde, tu y crois, tu en deviens une. T'as plus aucune volonté, t'es juste un putain de zombie. T'as personne à qui en parler, ta mère est en dépression, tu parles pas à ton père, tu veux pas en rajouter avec tes histoires, tu n'as plus d'amis depuis longtemps, les adultes se foutent de ta gueule aussi, ils doivent penser que tu le mérites et en fait... Bah oui tu dois le mériter après tout sinon quelqu'un réagirait mais c'est pas le cas, tu es une merde, tu mérites d’être traitée comme telle, non ?

Dans le passé quand tu rentrais chez toi, c'était fini, au moins t'étais tranquille, ce n'est plus le cas maintenant avec les nouvelles technologies.

J'ai eu la chance de le vivre à l'époque ou c'était le début d'internet et ou les appels/sms étaient payant à la consommation, pas en illimités. Donc ouais je recevais des sms et des appels méchants mais c'était dans une proportion bien moindre de ce à quoi est confronté un gosse aujourd'hui. Y avait un skyblog sur les « cas sociaux » comme moi, y avait des photos de moi, des articles qui parlaient de ce qu'on m'avait fait aujourd'hui. Et les commentaires de tous ces inconnus « ahaha bien fait pour elle » « lol mdr » « Vu sa gueule, elle devrait se suicider » « J'aurais aimé être là pour voir ça ! » etc

Quand tu rentres chez toi le soir, tu pleures en silence dans ton lit, t'as tellement envie de crever, d'en finir mais t'as pas le courage de passer à l'acte. T'as peur de te faire trop mal en ratant, parce que oui tu rates tout, pourquoi tu réussirais ton suicide ?
Quand tu vois un bus ou un métro, t'as envie de te jeter dessous, c'est toujours ta première pensée mais t'as peur de te retrouver juste handicapée, t'as tellement peur putain. Quand tu passes sur un pont, t'as envie de sauter, de te noyer. Et si je prenais des médocs ? Mais y a trop de chance que ça rate, on a rien de fort à la maison, c'est pas du doliprane qui va te tuer...
Se couper les veines alors ? T'as un couteau, t'es assise dans la salle de bain, le temps passe mais t'ose pas, t'es trop faible putain.
Et puis ta mère, t'es son seul enfant, comment elle réagirait ? Elle s'en remettrait jamais, t'as pas le droit de lui faire ça. Heureusement que t'es trop lâche pour faire une tentative. Trop lâche pour vivre, trop lâche pour mourir, c'est malin.

Je séchais beaucoup les cours, c'était facile. Tout ce que le collège faisait c'était envoyer des lettres d'absences, la belle affaire.
Parfois j'étais convoquée mais au final on parlait pas, il se passait rien, on me disait juste que ça mettait mon avenir scolaire en péril mais mon avenir...  J'en avais rien à foutre, j'en voulais pas, j'arrivais à peine à supporter le présent alors me parler d'avenir, envisager que je serais toujours en vie dans 5 ans ? Pour moi c'était pas une option, j'espérais ne plus l’être.
Un jour j'ai le souvenir d'avoir fini par craquer devant la cpe, j'ai éclaté en sanglot, j'ai évoqué un peu la chose mais ça n'a rien changé non plus, la vie a repris son cours.

La société et l'éducation nationale m'ont toujours donné le sentiment d’être en tort, si on me traitait comme ça, c'est parce que je le méritais, parce que j'étais pas comme les autres, parce que je faisais pas d'effort pour m'intégrer, parce que j'étais anormale.

J'avais honte d'exister, honte de ne pas être capable de me défendre. Et c'est là qu'est le problème, les victimes ont toujours honte et peur des représailles. ( j'ai le souvenir de quand je me défendais trop, le lendemain je prenais le double de mon traitement habituel, on me reprochait d'agresser mon agresseur ahah la blague. )

J'ai développé une phobie scolaire et sociale suite à cela, il a fallu que je réapprenne les codes sociaux de base me permettant la communication avec autrui et aujourd'hui encore il me reste beaucoup de chemin à faire.

========3615mylife the end==========

En parler c'est une excellente chose, il faut apprendre aux jeunes à faire preuve de tolérance, leur ouvrir l'esprit, leur mettre dans la tête les conséquences que peuvent avoir leur comportement. Rassembler au lieu de diviser, c'est le rôle que devrait avoir l'école.
Au lieu de vouloir former des petits robots, tous dans le même moule... Cultiver la différence, ne pas classer les élèves, les mettre dans des cases... C'est bateau à dire mais bon. Informer les parents aussi, la plupart pensant que « ce ne sont que des jeux d'enfants, il faut se forger un peu voyons, c'est pas grave »
Ils n'imaginent pas une seconde les proportions que cela peut prendre. Et quand on entend ça en tant que jeune, on se dit qu'ils ont raison, qu'on est juste faible, qu'on doit encaisser... Alors qu'en fait non, il faut en parler, il faut appeler à l'aide mais à qui?

J'ai beaucoup d'admirations pour ceux qui ont témoignés dans cette émission, d'autant que c'est une expérience encore fraîche dans leur esprit donc d'autant plus difficile... Une émission m'avait proposé de témoigner, je l'ai considéré mais refusé. A ce jour je n'ai même pas été capable d'en parler à mes parents, et je ne le ferai jamais. Ils ne comprendraient pas, je n'arriverais pas à leur faire comprendre tout du moins, je donnerais juste une image de ratée, pour pas changer... Pour eux je séchais les cours parce que j'étais paresseuse et intelligente donc les cours m'ennuyaient. Tout en sachant que j'étais pas vraiment un modèle de popularité, ils ne se doutent pas de ce que je prenais dans la gueule, au sens littéral comme figuré et puis bon il y avait d'autres problèmes...

Donc je dis chapeau, d'assumer face à ses proches et face au public, de contribuer à en parler, d'utiliser son expérience à bon escient, bravo à vous.
Et une grosse pensée aux familles de ceux qui n'ont pas tenu le coup, qui sont partis.

Je pense qu'il aurait aussi été intéressant d'aborder le point de vue des « harceleurs » et des « suiveurs », non pas pour les mettre sur un bûcher, ni justifier leur comportement mais mais pour mieux comprendre ce qui pousse les gens à agir et la vision qu'ils ont par rapport à leur passé. Leurs actes n'étant finalement que conditionnés par l’environnent extérieur, c'est ce dernier qu'il faut absolument changer...

J'espère que ce n'est que la première étape d'un long processus et qu'un vrai soutien et suivi sera accordé aux élèves en difficultés mais... j'ai du mal à y croire, manque de moyens et c'est tout un système qu'il faudrait réformer... Ça se fait pas du jour au lendemain surtout avec tous les bras cassés qui se retrouvent dans l'éducation.
Une moitié étant là dedans par dépit, comment ces abrutis là sont censés éduquer les jeunes s'ils s'en tapent ?
Pourtant y a des signes qui sont plutôt faciles à repérer, y a des cas flagrants, d'autres plus subtiles mais un élève qui se réfugie dans le mutisme c'est pas bon signe.
Un élève qui devient absentéiste d'un seul coup, c'est pas bon signe.
La posture, le physique, l’attitude... Le gamin qui est toujours dernier choisi dans les groupes, trop souvent seul, regard triste...
Tant d'indices pourtant pas si compliqués à détecter.
Mais faut croire que tant que le gamin s'est pas suicidé, c'est pas grave hein, c'est si facile de se déresponsabiliser alors que la plus grande partie du harcèlement se passe dans un établissement scolaire sous les yeux de tout le monde.

Bref, faut en parler, faut former, faut agir. Rendez vous dans 20 ans voir si y a eu des évolutions.
angel25
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le 18 févr. 2015

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