Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

Nous sommes le 25 décembre 2020, je visionne Soul comme j’ai ouvert mes cadeaux : avec enthousiasme et voracité.


Pete Docter, qui a fait entre autres Vice-Versa, Monstres et Compagnie, et Là-Haut, est à la réalisation de ce Pixar que j’attends de pied ferme depuis le premier teaser.


Voici, sans spoiler si tu as vu la bande annonce, ce qu’il faut savoir de l’histoire :


Joe Gardner (Jamie Foxx en VO / Omar Sy en VF) est professeur de musique dans un collège qui rêve de devenir un grand pianiste de jazz. Ses cheveux grisonnants montrent d’entrée de jeu que l’occasion qu’il attend depuis longtemps de percer dans le milieu tarde à se présenter. Manque de chance, le jour où il parvient à se faire remarquer par la grande saxophoniste Dorothea Williams qui lui propose une place dans son groupe, son âme est malencontreusement séparée de son corps.


Sur le tapis roulant menant au Grand Après (l’au-delà), il se révolte tellement contre le fait d’avoir eu la chance de sa vie soufflée sous son nez que naît chez lui une idée fixe : retourner sur Terre et jouer ce concert. Il déchire le tissu de cette réalité matricielle entre deux mondes, et atterrit accidentellement dans le Grand Avant (un « en-deça » dans lesquelles les bébés âmes se forment une personnalité avant d’être autorisées à aller sur Terre).
Pour mener à bien son plan d’exfiltration, il endosse le rôle de « Mentor » et accepte de guider une jeune âme, 22, (Tina Fey en enfant terrible, un régal) dans sa recherche d’elle-même.
De là naît une association de malfaiteurs entre l’âme qui veut retourner sur Terre, et la jeune âme qui, bien au contraire, ne veux pas du tout et sous aucun prétexte avoir affaire à la vie terrestre.
J’arrête ici le résumé pour vous laisser découvrir la suite, qui mérite de ne pas être spoilée.


Voir ce film est une bonne expérience.


Il est musical, mais sans être excessivement plein de chansons comme Coco. Prenez les scènes de La La Land dans lesquelles on voit Sebastian au piano quitter de plus en plus la réalité pour ne faire plus qu’un avec la musique qu’il joue, et faites-en un film d’animation. La B.O. signée Trent Reznor et Atticus Ross accompagne, bluffe, ou émeut sans jamais agacer ou lasser. Elle est souvent jazz, mais pas jazz-aspirine.


Les éléments disparates de son univers visuel fonctionnent bien cousus ensemble : on passe d’une animation assez réaliste devenue classique chez Pixar, à un monde fait d’âmes éthérées mais compactes, au design des Jerry et des Terry, personnages qui transcendent le réel, dessinés en 2D avec une seule ligne continue, le tout parfois dans la même image, et ça passe tout seul.


Le casting est de qualité, avec Jamie Foxx (ou Omar Sy en VF) et Tina Fey ( Camille Cottin) dans les rôles principaux, et ce jusque dans des apparitions comme celles de Graham Norton en hippie-pirate de la Zone, ou de Daveed Diggs (aka Lafayette et Jefferson dans Hamilton) (HIIIIIIIIIII) en hater IRL du barbier du coin. (Kamoulox si tu n’as pas encore vu le film).


Questionnement à chaud : le premier public visé par ce Pixar est-il les enfants ?


D’abord, dans le choix du personnage et de l’intrigue qu’il déroule, le film surprend. Certes, ce n’est pas le premier personnage âgé chez Pixar, mais là où le héros de Là-Haut reste accessible aux enfants par son côté accompagnateur d’excursion ronchon, Joe Gardner s’éloigne davantage des sentiers battus.


Le film nous montre l’évolution d’un personnage victime de son idée fixe : faire de sa passion un métier. Or, ce que le film lui apprend, c’est que lorsque nous nous prenons de passion pour quelque chose, ce quelque chose n’est pas ce qui est essentiel à notre être. Une passion nourrit l’âme, mais elle n’en est pas un trait essentiel. Autrement dit, un métier n’est pas un destin, une passion n’est pas un destin. Et ça, une série de mises en abîme va permettre au héros de le comprendre. Et ce constat d’avoir manqué sa vie s’épuisant dans l’attente n’est pas une problématique qui va concerner le public le plus jeune.


Ensuite, le film aurait pu se casser la figure en abordant une question qui continue de provoquer l’alopécie précoce des métaphysiciens depuis les balbutiements de la philosophie : qu’est-ce qu’une âme ? est-ce que ça existe ? d’où ça vient ? est-ce que ça se mange ? Joli pari pour un film d’animation, qui signe ici un univers qui n’a rien à envier à Vice-Versa. D’une question épineuse, les créateurs ont une fois de plus réussi à fabriquer une réponse plausible, bienveillante, adorable et tendre. Après Coco (« Qu’est-ce qui se passe quand on meurt ? ») et Vice-Versa (« Comment ça marche, les émotions et la mémoire ? »), Soul propose à son tour une réponse digne de ses devanciers.


Finalement, si on met de côté Joe Gardner, les plus jeunes pourront s’identifier à deux autres personnages : 22, paumée dans son orientation et n’adhérant pas aux tuteurs qu’on lui propose, et Connie, une jeune tromboniste de 12 ans qui assume moyennement une passion jugée naze par les Kévins de son collège.


A l’image de Toy Story 3, se retrouveront avant tout dans Soul les enfants qui ont grandi, mais les plus jeunes ne sont pas laissés sur le carreau : c’est là qu’est la force des longs-métrages qui ont fait les lettres de noblesse du studio.


Bref, c’est un bon film, poétique dans ses détails, sérieux dans son propos et qui fait de toi une meilleure personne.


Et les bons films, mesdames et messieurs de chez Disney, j’aimerais bien qu’ils fassent aussi vivre les cinémas de mon cœur qui auraient bien besoin de vous pour mettre le nez hors de l’eau quand on pourra enfin sortie les nôtres de nos masques.



-



BONUS : les titres auxquels vous avez échappé.


-La La L’âme.


-Soul-agement.


-Vice Versâme.


-Kaméhaméhâme.

Bloarg
8
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le 25 déc. 2020

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Bloarg

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