Soul
7.4
Soul

Long-métrage d'animation de Pete Docter et Kemp Powers (2020)

I sometimes wish I'd never been born at all

Comment expliquer ce film ? Comment définir ce qui nous traverse la tête, en le visionnant et à sa toute fin ? Comment écrire une critique assez bonne pour donner envie à tous ceux et toutes celles qui la liront de regarder ce film-là, aujourd'hui, ce soir ?


On ne peut que ressentir de la gratitude envers Pete Docter et son co-réalisateur Kemp Powers de nous offrir, en cette fin 2020, et 10 ans après Là-Haut, un nouveau joyau Pixar, un film qui fait vibrer, rire et pleurer.


Car Soul est un film qui donne envie d'ouvrir sa porte, de sortir de chez soi, et de vivre. De se contenter du bonheur devant nos yeux au lieu de désirer un de ses mirages. De remercier le monde d'être en vie, de profiter de la brise, de la vue des feuilles qui tombent, des nuages qui passent, du plaisir qui perlent dans les yeux des autres après un petit geste, après t'avoir rendu heureux, pour un court instant, mais assez que pour n'avoir rien envie de plus.


Joe Gardner (transcendé par la voix de Jamie Foxx) est professeur de musique à New York, et a l'impression d'être passé à côté de sa vie. Il aurait voulu vivre de la musique, comme jazz-man, sur scène. Quand on lui en donne enfin la possibilité, il croit rêver : à lui, enfin, il lui arrive ce pourquoi il était né. Il danse, il crie, il exprime sa joie et... tombe dans un trou et meurt. Enfin, pas tout à fait... car mourir, maintenant, si près de son désir le plus fou, il ne veut pas. Son âme, passée "de l'autre côté", va alors rebrousser chemin pour rejoindre... le monde d'avant, celui des âmes qui s'apprêtent à rejoindre la Terre et vivre leur vie. Là-bas, Joe Gardner deviendra le mentor d'une nouvelle âme.


Soul est un film baigné de musique et de spiritualité, dans lesquel on ne se noie pourtant jamais. C'est un film philosophique qui ne se prend jamais au sérieux. On parle de sens, d'objectif de vie, de passions tournant à l'obsession et de mort, mais jamais le récit n'est alourdit pas ces considérations, que du contraire. En avant toute, comme ces petites âmes rondes et bleues qui s'apprêtent à faire un tour sur Terre, le réalisateur nous plonge dans l'action, vers une course effrénée à la recherche d'un purpose, de la raison pour laquelle nous sommes nés.


Avec d'un côté une âme d'une personne supposée morte mais voulant vivre, et de l'autre celle d'une âme pas encore née mais ne souhaitant pas vivre, le film tourne autour de la dynamique créée par ce duo d'âmes non conventionnel, qui se transformera au cours de l'histoire entre une relation symbiotique entre un chat et un homme. Les gags créés par cet échange à la frankenstein fonctionnent du tonnerre et ne peuvent que donner droit à des scènes classiques de comédie d'animation.


La musique est évidemment partie prenante de la nouvelle oeuvre de Pete Docter. Tantôt jazz, tantôt électro-éthérée (Trent Reznor et Atticus Ross sont derrière les manettes), elle permet de passer d'un monde à l'autre, la première représentant plutôt le rythme endiablée de New-York, vécu à travers les codes culturels afro-américains tandis que la seconde ambiance ce monde "d'avant la vie", de nuages roses et de formes non définies, accompagnées des Moires antiques remastérisées en mode 2.0 (avec la voix idéale, celle de Richard Ayoade, acteur principal de The IT crowd).


L'univers esthétique est nettement découpé, encore une fois, entre Big Apple, pleine de couleur vivace, d'atmosphères, de sensations différentes, et la vie d'avant, partagée entre le rose et le noir, entre les âmes et la mort. Pixar n'avait plus atteint ce niveau esthétique dans la construction d'un univers cinématographique depuis Toy Story 3. Nous sommes fascinés tant par la frénésie urbaine que par les contrastes rouges, bleues et noires d'une salle de concert de jazz plongée dans la pénombre, par les coloris barbe à papa du début du monde que par la froideur intergalactique de l'entre-deux, avant de mourir.


L'animation graphique créée présente des personnages ronds, mais avec un vrai supplément d'âme, la tendance à la rondeur numérique humaine ayant infiltrée tout le cinéma d'animation, suivant les conseils du bon ami Pixar. Ici, l'empathie fait partie intégrante de ce monde composé de petites bulles bleues, humains en devenir, et de ce bonhomme fantomatique s'affolant pour ne pas mourir, pour enfin pouvoir briller sur scène. Le film baigne d'ailleurs dans un climat général de gentillesse, comme en équilibre méditatif, l'esprit zen, malgré le petit comptable Terry qui cherche à rendre les comptes (mortels) justes.


Soul, c'est donc tout ça à la fois : un concept, une musique, un rythme, une recherche de sens, l'humour, la poésie. C'est Disney et Pixar. C'est la musique électro et le jazz. C'est un chat dingue et ronronnant à la fois. C'est un homme qui parle avec la voix d'une femme. C'est l'envie d'être en vie et savoir qu'on va mourir. C'est tout ce qu'on aurait raté si on avait pas été né.

Cambroa
10
Écrit par

Créée

le 26 déc. 2020

Critique lue 379 fois

3 j'aime

Cambroa

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