Avec "Rebecca", et "joies matrimoniales", ce film montre les progrès accomplis par Hitchcock depuis sa première mise en scène en 1922... Si on n'est pas scotché à son siège par l'intrigue, on n'est impatient de connaître le dénouement et on ne s'ennuie pas une seconde...
Le grand Alfred n'aimait pas les acteurs et le faisait savoir... A l'exception de Cary Grant toutefois, et c'était bien le seul qu'il respectait et admirait... Peut-être en raison de leur origine britannique commune ? Mais il est vrai aussi que l'acteur séduisait les foules et que son entourage professionnel veillait à ce qu'il ne joue pas les "méchants" ce qui eut nui à son image de marque...
Au cours d'un échange de vues lors du tournage d'un film, Hitchcock avait demandé à Grant ce qu'il pensait de l'histoire... Et le comédien de répondre : "Je suis désolé, mais au risque de vous froisser, je dois très mal l'interpréter car je dois vous avouer n'avoir rien compris à l'histoire..."
Et le maître du suspense de répliquer : "Tant mieux, c'était voulu pour que vous jouiiez le mieux possible ce personnage désemparé, qui ne comprend pas ce qui lui arrive..."
Le réalisateur a réalisé d'autres films avec Grant, et tenait beaucoup à ce que ce soit lui qui joue le rôle principal de "La mort aux trousses" ! Un rôle qu'enviait James Stewart mais que Hitchcock voulait à tout prix confier à son acteur fétiche : il attendit que Stewart s'engageât sur un autre contrat avant de recruter Cary Grant... La réussite fut au bout de ce choix.
Quant à Joan Fontaine (la soeur de Olivia de Haviland, avec laquelle elle ne s'entendait pas du tout)) qui joue ici le rôle de Lina, la femme de Grant, je ne partage pas l'enthousiasme vis à vis de l'interprétation de l'actrice qui "joue trop" et n'est pas naturelle. Probablement une volonté de la production (RKO) qui avait peut-être ses raisons que la raison ignore ? En tout cas, c'est gràce au grand Alfred que l'actrice se forgea sa réputation d'actrice et obtint un Oscar avec ce film-ci et non Rébecca.
Un film mystérieux, au suspense particulier, à déguster comme le verre de lait qu'offre Johnnie à sa femme : est-il empoisonné ? Et une très fine analyse psychologique des personnages...
Ce qui m'interpelle de nos jours est la question suivante : comment ce film a-t-il pu être tourné en toute quiétude en 1941, voire insoouciance, alors que l'Europe était à feu et à sang à cause de la seconde guerre mondiale ? Pendant que certains risquaient et perdaient souvent leur vie, d'autres se faisaient du blé et des lauriers...
Arte le 12.08.2019- 29.12.2021-