Un surplus de science-fiction aurait tué un bon blockbuster.

Il y a de très bonnes choses dans Source Code, vraiment. La réalisation en premier lieu est impeccable, sobre et convaincante, les rares effets spéciaux s'accordent avec justesse au contexte. Je n'ai eu aucun mal à m'approprier les émotions de Jake Gyllenhaal, sa panique, son incompréhension, ses espoirs. La caméra de Duncan Jones a su capturer tout ce ressenti avec empathie et le retransmettre avec clarté à l'écran. C'est quelque chose qu'on ne peut pas retirer à cette mise en scène : elle est toujours claire. Dans l'action comme dans le dialogue, on ne perd rien de ce qui est en train de se passer, et ce sans oublier de créer le spectacle avec dynamisme.

Un jeu d'acteur convainquant (malgré une VF imposée) vient appuyer cette réalisation de qualité. On ne parlera évidemment pas de composition ; Vera Farmiga joue la compassion, Jeffrey Wright joue le dédain, Michelle Monaghan joue la surprise, l'innocence... Bon, Jake Gyllenhaal s'offre un panel d'émotions un peu plus variés à mesure que le scénario se dévoile, mais reste toujours dans la sobriété (je doute qu'il sache en faire beaucoup plus, ce qui ne m'empêche pas de l'apprécier). Un jeu peu varié donc, relativement linéaire, mais efficace et tenu de bout en bout.

L'histoire est sans surprise. En ayant vu la seule bande-annonce, j'avais ma petite idée de comment allait se conclure le film et de quels procédés théorique il allait user pour y arriver. Tir au but, j'avais bon sur tout. Ceci étant, ça ne me pose pas de problème, je n'espère pas forcément être surpris dans ce genre de film. Et puis, si le dénouement final est évident, il reste bien quelques éléments en cours de film pour lesquels on a besoin de réponses (qui est le terroriste, qu'est-il arrivé précisément au Capitaine Colter Stevens et quelle est cette capsule qu'il occupe, par exemple). Ici encore, les choix sont simplistes mais je ne m'en plains toujours pas, j'ai su apprécier les scènes qui conduisent à ces révélations (une fois encore, grâce à la qualité de la réalisation).

(MULTIPLES SPOILERS CI-DESSOUS)

Là où tout s'écroule, c'est quand on s'attarde sur les choix des thèmes de science-fiction qui ont été effectués, et comment ils ont été intégrés et entremêlés entre eux.

Pour résumer, le cerveau du Capitaine Colter Stevens, mort (ou presque) au combat, a été branché à un ordinateur et son esprit a été enfermé dans un puissant logiciel informatique, le « Code Source » (original). Ce logiciel permet apparemment de capter et d'enregistrer les ondes électromagnétiques émises par les cerveaux humains juste avant leur mort, qui contiennent des informations visuelles sur les dernières 8 minutes sauvegardées avant extinction du système (mort). Jusque là, admettons. On retrouve le concept abordé différemment dans Déjà-Vu de la possibilité de revoir un moment précis du passé sans pouvoir (il parait) l'altérer.

En pratique, l'esprit du Capitaine Colter Stevens se retrouve projeté dans le corps d'un professeur présent dans le train où s'est produit le matin-même un attentat meurtrier, dans ce qu'on nous présente comme une reconstitution informatique de la scène à partir des informations extraites des résidus électromagnétiques des cerveaux de tous les passagers du train. Pourtant, ce que la logique aurait voulu comme une vidéo de 8 minutes visibles sous de multiples angles (les souvenirs, mêmes s'ils proviennent de multiples sources, ne devraient pas pouvoir changer) se transforme vite en simulacre de Code Quantum (la référence est d'ailleurs flagrante, puisque le visage de Jake/Colter est remplacé par celui du vrai Sean quand il se regarde dans le miroir ; autre détail amusant, la voix du père de Colter est doublée par Scott Bakula, acteur phare de Code Quantum). Le Capitaine Colter Stevens est bien projeté dans le corps de Sean, le professeur, et peut interagir avec les passagers, modifier leur actions, changer complètement ce qui s'est passé ce matin-là. Il peut même sortir complètement du train et visiter des lieux que les passagers ne pouvaient en aucun cas avoir vu (puisqu'ils sont restés mourir dans le train).

En dehors des périodes de 8 minutes à l'intérieur du Code Source, on découvre rapidement que l'environnement dans lequel se trouve Colter Stevens est en fait une création pure et simple de son subconscient pour l'aider à appréhender les interactions avant les humains qui gère le projet. Je tiens d'ailleurs à noter, au milieu de ces points négatifs, que le réalisateur a su retranscrire avec intelligence les altérations physiques ou psychologiques de Colter sur son petit monde. Quand son cœur s'emballe, quand son esprit ne parvient plus à se synchroniser avec son corps, ces incidents se répercutent sur sa capsule, qui devient gelée, qui se désagrège, et qui s'ouvre finalement quand on lui révèle sa mort physique. De bien bonnes idées intégrées comme il faut.

Quoi qu'il en soit, à ce stade du film, déjà, je pressens que le choix scénaristique de l'intégration de souvenirs, récupérés on ne sait comment, dans un logiciel informatique se présente comme une épine dans le pied de la qualité du film.

Mais on se doute progressivement, jusqu'à la confirmation finale, que ce ne sont pas que des souvenirs, que toutes ces personnes que croise Colter dans le train ne sont pas factices : ils sont « authentiques ». Et il finit par modifier le cours des évènements, sauver tout le monde dans le train et créer un nouvelle embranchement dans l'espace temps, une réalité alternatives (il en crée en fait plusieurs, une pour chaque séance de 8 minutes passée dans le Code Source).

C'est bien l'approche que j'attendais du film (les réalités multiples, le sauvetage de la belle Michelle), mais comment peut-on sérieusement passer d'un programme informatique à de la physique quantique sans lien logique direct ?

Dans Déjà-Vu (SPOILER ALERT), les scénaristes ont au moins eu la décence de nous expliquer qu'en fait ce n'est pas un satellite qui a tout filmé blabla et qu'en fait ils ont une machine qui permet de transporter des images et des objets vers le passé à un écart bien précis (et c'est là que le grand Denzel modifie le cours des évènements).

Dans Source Code, on nous lâche plusieurs thèmes majeurs de la science-fiction (physique quantique, copie de notre univers dans un logiciel et envoi d'un humain dedans, voyage dans le temps, paradoxes temporels, représentation physique de l'esprit humain...), on les secoue bien, et on lâche la sauce sans vérifier que tous les ingrédients s'accordent bien.

Le fait est que non, ça ne s'accorde pas bien du tout et que sans fouiller, on déniche plein d'incohérences. Je ne suis pourtant pas regardant sur les petites incohérences qu'on a dans tout film de science-fiction, encore plus dans ceux qui s'adressent au grand public, mais là les sujets ne collent juste pas les uns avec les autres.

Pour résumer : Source Code dispose de qualités certaines et je prédis un avenir riche à Duncan Jones qui fait preuve d'un talent certain derrière la caméra mais, à vouloir multiplier les références et les thèmes abordés, le film est écrasé par le poids de ses incohérences.
Sylfaen
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le 26 avr. 2011

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Julien Camblan

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