Souvenirs de Marnie
6.9
Souvenirs de Marnie

Long-métrage d'animation de Hiromasa Yonebayashi (2014)

Parmi les films du studio Ghibli, il y a des monuments, grandes fresques animées, profondes, épiques, originales, poétiques et palpitantes que sont "Princesse Mononoké" ou "Le voyage de Chihiro". Et il y a des films, plus nombreux encore, plus intimistes, faisant la part belle au quotidien des personnages et reposant sur des réflexions moins philosophiques mais tellement universelles, comme "Souvenirs goutte à goutte", "Si tu tends l'oreille" ou "Kiki la petite sorcière". Souvenirs de Marnie est de ces derniers, ce qui peut expliquer le manque d'engouement autour de celui-ci. Je trouve cela dommage, car bien entendu, ce film a des défauts, mais il est aussi un petit trésor de sensibilité, qui en plus de cela a le mérite de totalement se détacher des autres films d'animation -qu'il m'a été donné de voir en tout cas.


Souvenirs de Marnie repose entièrement sur de frêles épaules, celles de Anna, douze ans. En effet, dès la premières scène, soutenue par la voix off de la jeune adolescente, nous sommes plongés dans son esprit et sommes à ses côtés. Tout le film repose entièrement sur elle, et extremement rares sont les scènes ou elle n'est pas au centre de l'attention du spectateur. C'est elle seule qui va évoluer, elle seule qui a droit à un traitement particulier, que ce soit au niveau de ses expressions faciales ou concernant sa personnalité extremement bien définie. Jusqu'à sa perception du monde, que le spectateur partage avec elle. En cela, il est assez inhabituel qu'un tel personnage soit aussi psychiquement fragile, parfois même proche de la folie ! Au début du film, Anna nous est aussitôt présentée comme une jeune fille mal dans sa peau, solitaire et seule, terrassée par de violentes crises d'asthme. Suite à l'une d'elles, elle est envoyée chez des parents éloignés chez qui elle doit passer l'été. C'est là qu'elle va découvrir le manoir du marais, habitation inhabitée et pourtant si familière, qui va être le déclencheur de son évolution. C'est en effet là que "vit" Marnie, apparition dont la nature mystérieuse n'échappe pas même à Anna, petite fille en apparence heureuse et la seule à pouvoir se lier d'amitié avec l'adolescente, bien qu'elles soient de stricts opposés. Cette amitié sera si bénéfique qu'après chacune des rencontres avec Marnie, Anna se déride, devient plus souriante et surtout, s'ouvre aux autres. Après sa première rencontre en effet, elle commence à s'ouvrir avec son oncle et sa tante adoptifs et son visage se fait un peu moins attristé, mais elle a encore de grandes difficultés avec ses pairs et avec sa propre identité. Après la seconde rencontre entre les jeunes filles, Anna s'ouvre encore une fois un peu plus, quitte à oser rester dans l'entourage d'une artiste-peintre et prête à se lier d'amitié pour de vrai avec une enfant. Marnie a beau être fantomatique et une création inconsciente de Anna, c'est bel et bien elle qui, en lui permettant progressivement de comprendre d'où elle vient, lui permet de comprendre qui elle est et donc, de pouvoir enfin s'accepter et s'ouvrir aux autres. Le scénario est en cela subtil, du moins jusqu'à la fin qui en fait peut-être un peu trop, et il n'est réellement pas si évident de découvrir qui est réellement Marnie, des indices trompeurs étant fréquemment disséminés ici ou là. Le point culminant de ce scénario étant la scène du silo. Là où Anna compte libérer Marnie de sa peur, c'est en fait réellement elle qui va se libérer de la sienne, sa plus terrible peur : l'abandon. C'est aussi suite à cet abandon de Marnie que Anna, dans une ultime rencontre avec elle, va pardonner. Pardonner à Marnie de l'avoir abandonné, pardonner à ses parents de l'avoir laissé seule et surtout, se réconcilier véritablement avec son passé. Dès lors, la révélation finale sur la nature de Marnie surprend à peine, mais donne malgré tout tout son sens au film dans son entier : pour grandir, il faut des racines, et il faut se réconcilier avec ses souffrance d'enfance. Ce n'est qu'alors que l'on peut avancer. Bien sur, on se doute de cela dès le début, mais la façon de le traiter est très originale et subtile et l'évolution d'Anna est ni trop évidente, ni absente, par conséquent, elle est très agréable à suivre. On peut regretter beaucoup de choses dans ce scénario pas parfait, notamment que certaines choses restent complètement inexpliquées et incompréhensibles alors que d'autres sont justement un peu trop répétées, que l'action soit un peu lente à démarrer, ou encore que certaines phrases sonnent un peu trop puériles, ainsi que des personnages secondaires justement trop secondaires. Néanmoins, dans l'ensemble, le film est agréable et le rythme lent ne m'a personnellement pas dérangée. Certaines scènes touchent en plein coeur, faisant de Souvenirs de Marnie l'un des films les plus émouvants des studios Ghibli.


Visuellement, l'animation est, comme toujours, un régal. On regrettera seulement un traitement parfois un peu superficiel de certains visages à certains moments (pendant la scène de la danse sous la lune, Marnie fait presque peur), mais l'animation reste de très grande qualité et se savoure sans modération, d'autant que les décors sont absolumment superbes. La 2d a décidemment encore toute sa superbe. La mise en scène reste également agréable, où réalité et rêves sont visuellement indissociables. On est bien devant un film Ghibli, il n'y a aucun doute.


La musique du film, en revanche, est assez éloignée des autres films du studio. Elle soutient bien l'action, mais aucun air, aucune mélodie ne se retient à l'issue du visionnage. Je ne saurais même pas dire quels instruments sont utilisés. Seule la musique de fin, jolie musique mélancolique et qui sied à merveille au personnage d'Anna, se retient. La musique est donc un réel point faible.


Pour finir cette critique un peu brouillonne, je dirais simplement que si j'ai volontairement mis en avant les points positifs du film, c'est que selon moi il mérite tellement plus que ce qu'il a reçu. Imparfait, mais émouvant, charmant et universel, il mérite bien au moins une découverte.

Presci1508
8
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le 20 mai 2016

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