un spectacle grandiloquent !
50 ans après sa création, ce film revêt un doux parfum de désuétude et de grandiloquence. Le thème centrale de l'esclavage le rend aujourd'hui quasi anachronique, alors qu'à l'époque, il est pleinement d'actualité puisque nous nous situons dans le mouvement des droits civiques, et en cela, ce film est un lointain parent de Devine qui vient dîner ce soir.
Le rythme est assez lent et on comprend assez vite, malgré d'indéniables qualités, pourquoi Stanley Kubrick a renié ce film. D'abord, le propos est très moralisateur, alors que le vrai sujet de l'histoire de Spartacus c'est la création indirecte du premier triumvirat. Et si cet aspect politique de l'histoire est largement abordé, le film dure tout de même trois heures, il n'est que secondaire. Le thème central du film est plus éculé puisqu'il s'agit du combat de Spartacus pour sa liberté, ou plus prosaïquement, celle de son fils.
Ensuite, le traitement du personnage d'Antonius et la question qu'il soulève, l'artiste est-il le personnage le plus important de la société car c'est lui qui lui donne du sens, est très stéréotypé. D'abord méprisé par ses compagnons, il est ensuite protégé et admiré. Sa sensibilité et sa finesse en font un homosexuel non assumé et son amour pour Spartacus, transformé en relation filiale, ne trompe personne. La fameuse scène du « I love you ... like a son » ferait presque penser à un sketch. Certes, nous sommes dans les années 60, aux Etats-Unis, le temps du coming out des amours antiques n'est pas à l'ordre du jour, mais 50 ans après, ça ferait presque rire.
Il faut par ailleurs ajouter que dans ce film qu'il a aussi produit et dont il est à l'origine, Kirk Douglas n'est pas au meilleur de sa forme (The arrangement, Elia Kazan, 1969 ; les sentiers de la gloire, Stanley Kubrick, 1957 ; Le reptile, Joseph L. Mankiewicz, 1970), et est même assez caricatural du début à la fin. Heureusement, Peter Ustinov en marchand d'esclave, il remportera d'ailleurs l'oscar du meilleur second rôle, est assez exceptionnel, et Charles Laughton, en Crassus, très charismatique.
D'un point de vue économique enfin, la mainmise de l'acteur principal sur ce film marque le début d'une nouvelle ère. C'est en effet aujourd'hui devenu la règle, une règle assez sotte d'ailleurs, que de voir les grosses productions hollywoodiennes bâtir leurs films sur la personnalité de l'acteur principal, comme si on ne pouvait pas distinguer l'œuvre de son auteur. Ainsi, le cachet de l'acteur représente généralement la plus grosse part du budget, sa notoriété compensant une partie des frais marketing. C'est l'acteur qui impose son rythme au tournage du film, c'est en effet Kirk Douglas, insatisfait de son travail, qui fera remplacer le réalisateur originel, Anthony Mann, après seulement une semaine de tournage. Déçu de ne pas avoir obtenu le rôle titre dans Ben Hur, Kirk Douglas voulait son péplum à tout prix, et surtout à son goût, ce qui explique, au passage, les nombreux anachronismes du film (http://en.wikipedia.org/wiki/Spartacus_(1960_film)).
Quand on connait le coté maniaque de Kubrick, alors âgé de 30 ans, on imagine l'horreur qu'il a dû vivre en étant associé à la mégalomanie de Kirk Douglas tout au long du tournage. Spartacus est donc un film imparfait à tout point de vue, et qui reste, notamment pour cette raison, très intéressant. Je ne suis pas sûr qu'on en dise autant de Gladiator (Ridley Scott, 2000) dans quarante ans.