Raimi a inventé la ratatouille

Cette critique parlera essentiellement de la trilogie Spider-Man et de la recette de Sam Raimi pour créer son univers super-héroïque.
Ce sont des films que j'ai découvert à l'adolescence, que j'ai adoré dès le premier visionnage et qui sont en partie responsable de mon attachement au genre super-héros.
Je les connais très bien mais les revoir ainsi, au cinéma, dans la meilleure salle de France (on peut l'affirmer oui) et en ayant emmagasiné le visionnage d'œuvres similaires, ça fait un bien fou. Je ne peux que constater l'impact sur les films de super-héros, et à quel point ils sont au dessus de la plupart.

Tout d'abord les personnages, Spider-Man vise un public adolescent à la base mais il vise également une classe sociale, dans la vie il y'a ceux qui ont un compte en banque chargé et ceux qui creusent, bah Peter Parker creuse.
Comment ne pas être touché devant ce lycéen looser, sympathique et rêveur ? Comme dit en début du premier film: Tout commence par une femme et Peter ne vit que dans l'espoir d'être avec Mary-Jane un jour. Nous avons une des plus belles histoires d'amour "impossible" portée à l'écran et la trilogie fonctionne dans le même état que leur relation.
Naissance du personnage/de la relation, puis développement avec ses craintes et problèmes, et pour finir déconstruction/destruction du mythe pour Spider-Man et pour le couple, pour revenir aux bases.

Mais tout ne tourne pas autour de Peter et MJ, la trilogie a plus d'un atout dans sa manche et ses personnages sont débordants de créativité, alors oui ils paraissent caricaturaux aux premiers abords mais je les trouve tous terriblement humains, ils sont menés par leurs sentiments, par leurs ambitions pour certains, ils font des erreurs, ils ne sont pas parfaits. Bref, des humains.

Bon il est temps de s'attaquer à la meilleure partie de la trilogie: la réalisation.
Sam Raimi en est le chef d'orchestre et le fait qu'il ait réalisé bon nombre de films d'horreur se ressent à l'écran, les scènes de bagarre sont intenses, dès le premier volet avec le duel Spidey/Bouffon vert, il aime jouer avec les ombres, provoquer l'angoisse et implanter un petit jumpscare pour faire sursauter son spectateur. Mais surtout comment ne pas évoquer la scène à l'hôpital avec les bras mécaniques ? Véritable leçon du Maître Raimi avec un montage rapide qui me rappelle la scène de la douche de Psychose, et puis bon les petits clins d'œil à Evil Dead avec la tronçonneuse, bref cette scène est un bijou et n'a pourtant rien à voir avec le genre super-héroïque.
On sent qu'il y'a un véritable réal à la barre qui a sa vision de l'univers, du moins on voit ça dans les deux premiers films. Le troisième montre les prémices du fardeau de la nouvelle ère: plaire à un maximum de monde et donc donner à la majorité ce qu'elle veut, quitte à brider la créativité de leurs réalisateurs.

Mais bref, parlons de la réalisation de Spider-Man 2, cette façon de filmer son héros qui n'a jamais été aussi immersive, Dr Octopus qui inspire la classe est aussi bien aidé par Raimi et la scène du train est l'exemple fort que le film n'a pas pris une ride. Une scène reconnue qui a encore été applaudie hier et à juste titre. Il y'a beau y avoir quelques dialogues niais, des incohérences dans le troisième volet, on ne pourra jamais contredire la beauté des scènes d'action qui ridiculise même des films qui sortent de nos jours.
Mais le réalisateur ne se démarque pas seulement par sa façon de filmer superbement l'action, il gratifie de plans originaux comme les plans débullés pour montrer la folie du Bouffon vert qui frappe, des raccords formels toujours appréciables, des plans subjectifs du point de vue de l'œil des bras mécaniques (exceptionnel) et sans oublier de beaux plans séquences par moment. La trilogie est riche en beauté pour les amoureux du septième art.
La musique joue grandement dans l'appréciation, elle colle parfaitement avec l'ensemble et Danny Elfman nous offre une de ses plus belles partition.

Le scénario n'est pas extraordinaire, mais il n'a pas pour but de l'être, ce sont les personnages qui rendent le tout génial. En fait le scénario est très simple, c'est la vie ordinaire d'un mec banal en premier lieu, à qui le hasard a donné des supers pouvoirs et qui va ensuite vivre des situations extraordinaires. Je pense que si Spider-Man est si populaire depuis toujours c'est parce qu'il incarne pour beaucoup (dont moi) le héros qu'on aimerait être ou en tout cas qui nous fait rêver, celui qui se dépasse quand il le faut, celui qui reste humain avant tout et donc a des doutes, est face à des choix difficiles, n'est pas parfait mais fait tout pour l'être. Bref, c'est pour moi la grande force de cette trilogie, au même titre que la trilogie du Dark Knight, même si Batman se montre un peu moins "humain" devant ses choix.

Je trouve que Raimi a réussi en faisant cette trilogie a instauré une recette du héros avec tous les ingrédients bien dosés, malheureusement pour le troisième volet les choix de la production qui lui ont été imposés (Venom, etc) se ressentent dans le film, mais ça n'en fait pas un mauvais film pour autant.
Mais bon c'est sûr que de sortir entre Batman begins et The Dark Knight ça n'aide pas.
L'industrie Marvel essaye de copier la recette de Raimi devant un tel succès, mais l'abondance de films de super-héros qui sortent chaque année fait que ça ne prend pas, en tout cas pas pour tous, les films ne se consomment plus de la même façon malheureusement. L'appât du gain pousse à sortir des films calibrés qui n'ont pas de véritable âme, mais c'est un autre sujet.
Juste bravo et merci pour cet apport au cinéma Sam, ta trilogie restera dans les têtes et dans les cœurs.