Split signerait-il le grand retour tant attendu du réalisateur M. Night Shyamalan sur la scène international des bons films ? Voilà maintenant une dizaine d’années que le maître du twist a perdu le soutien de ses fans. Dernier bon film à leurs yeux ? Le Village, qui s’avère n’être qu’une réussite modérée. Ses films suivants, Phénomènes, Le Dernier Maître de l’air et After Earth sont nettement plus critiqués au point que son précédent film, The Visit, n’avait pas attiré grande foule et avait fait peu de remous. Un film d’horreur relativement maîtrisé et au style plutôt inhabituel qui n’avait cependant pas convaincu. Cette fois-ci le réalisateur s’attaque au cas de schizophrénie sous tous ses aspects et choisi l’excellent James McAvoy pour faire vivre ce personnage assez dément.


Si le film semble avoir fait bonne impression lors de son avant-première publique, certainement dû à la présence de l’équipe du film, difficile cependant d’être aussi enthousiaste en toute honnêteté. Comme à son habitude, il est préférable de divulguer le minimum d’information possible sur une production de M. Night Shyamalan afin d’en préserver toutes les surprises. Mais pour faire simple, le réalisateur aborde ici la complexité des troubles psychologiques et sociables développée par le syndrome de la schizophrénie. On suit donc une jeune fille au passé vraisemblablement tumultueux, se faire kidnapper en pleine journée avec ses amies par ce personnage aux multiples personnalités. Une fois cette introduction franchie, l’histoire se centre d’avantage sur Kevin (James McAvoy) et sa psychologie, son traitement, ses personnages etc, reprenant au passage quelques bonnes idées de Psychose.


A dire vrai, sans vouloir offenser M. Night Shyamalan, le meilleur moyen de décevoir son public, c’est justement de lui promettre dur comme fer un twist en lui intimant de ne rien dire à ses camarades alors qu’il n’y en a tout simplement pas. Pas directement en tout cas et certainement pas au point de Sixième Sens, Seven, Fight Club ou Usual Suspects. Le but n’est pas de vendre la mèche, loin de là, mais le rebondissement de cette histoire n’est en aucun cas inattendu. Peut-être est-ce à force d’y être confrontés que nous autres, spectateurs, avons développés notre attention à la recherche des indices, au point de les trouver très rapidement ? Ou peut-être tout simplement que Split est trop proprement écrit pour offrir la liberté nécessaire à un tel twist. Il est assez loin le temps des œuvres sus-citées. Difficile aujourd’hui de décortiquer de tels films une fois le premier visionnage passé, une fois alerte aux événements qui se produisent, nous en décelons beaucoup plus facilement les indices. Mais celui-ci nous en donne trop, d’indices. Le film nous guide littéralement dans cette histoire comme dans un labyrinthe dont le petit poucet aurait déjà semé les pierres.


Car en fin de compte le scénario est extrêmement bien écrit et particulièrement soigné. Si nos attentes en termes de surprise ne sont probablement pas comblées, celles quant à l’ambiance et le rythme, en revanche, sont nettement atteintes. Alors que la bande annonce promettait un film particulièrement puissant, dément et terrifiant, il s’avère finalement être sombrement réaliste et terre à terre (d’une certaine manière). Difficile de savoir si ce à quoi nous assistons est réel, prouvé ou possible, mais c’est suffisamment équilibré pour que l’on y croit. Dans un film hollywoodien standard, n’importe qui atteint d’un trouble psychologique aussi violent que celui-là serait représenté tel un Joker déambulant librement dans les rues de la ville. Or c’est tout à fait l’inverse ici: malgré son instabilité mentale, le personnage que nous observons ne semble jamais tomber dans des travers inhumains et hors normes qui menaceraient le pays ou même la ville. C’est cet équilibrage parfait entre l’histoire, sa véracité potentielle et l’écriture de ses personnages qui rend le film aussi intéressant à suivre, malgré un manque de suspense général et de retournement de situation vers la fin.


Comme le film donne trop d’indices, on sait ce qui va certainement se dérouler, à quelques détails près. Les éléments d’intrigues dévoilés ne le sont pas telles des révélations, mais simplement comme un développement continu de l’histoire, permettant de justifier les actes et réactions futurs. Le film est constitué de beaucoup de paiements (fusil de Tchekhov) ou simili. C’est donc aussi grâce à cela que l’on voit à quel point le scénario semble bien ficelé. Nous sommes bien loin du violeur cannibale terroriste que l’on serait en droit d’attendre d'un tel personnage, évitant ainsi une mascarade superficielle dénuée de fond chez celui-ci. Car c’est exactement ce que le réalisateur esquive en ne tombant pas dans cette facilité. Un scénario moins trash pour une histoire plus crédible, évitant ainsi l’exagération outrancière des situations. Le point paradoxal de ce long métrage est donc de promettre quelque chose d’inattendu, quand il n’y a finalement rien de réellement surprenant, tout en démontrant que c’est précisément en ne tombant pas dans la surenchère que le long métrage dévoile toute sa qualité. Sans parler du jeu bluffant des différents acteurs et en particulier celui de James McAvoy.


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Notry
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le 7 mars 2019

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