[Critique cinéma] Spring breakers d’Harmony Korine

En mettant en scène de jolies nanas en bikinis brandissant des flingues, Harmony Korine réalise avec Spring breakers le fantasme inavoué de nombreuses personnes (des adolescents boutonneux en passant par les pervers quinquagénaires). Mais que se cache-t-il derrière ce film aux allures de clip MTV ? Sortez les Skittles, Céline Online vous donne sa réponse, en toute objectivité … ou presque.


Pour financer leur spring break, quatre amies aussi fauchées que sexy décident de braquer un fast-food. Mission accomplie, leur tant désiré spring break va pouvoir se réaliser. Parmi des centaines d’autres adolescents, l’éclate est totale. Mais lors d’une fête, la soirée dérape quelque peu et les filles sont embarquées par la police. En bikini et avec une gueule de bois d’enfer, elles se retrouvent devant le juge, mais contre toute attente, leur caution est payée par Alien, un malfrat local qui les prend sous son aile. Leur spring break prend alors une toute autre tournure …

Céline Online ne reviendra pas sur le parcours du réalisateur, Harmony Korine, un article lui ayant été dédié il y a peu.


Spring breakers, un film haut en couleurs
Céline Online a beau être un fan de Korine et donc pas très objective, il reste indéniable que Spring breakers possède de véritables qualités artistiques – en dehors d’un scénario qui semble assez passe-partout. Spring breakers présente une vraie esthétique visuelle, une esthétique typique à Korine, où beauté et laideur cohabitent et échangent régulièrement leurs rôles. Une répugnance attractive, une overdose d’acidité, de néon et de fluo. Korine le dit lui-même : « je voulais que l’on pense que le film avait été éclairé avec des bonbons. Qu’on ait envie de lécher l’image. ». C’est réussi. Céline Online en a encore mal à l’estomac. Le film possède une scène complètement surréaliste représentant bien cette esthétique : les filles chantant Everytime de Britney Spears, cagoules rose et guns en l’air pendant qu’Alien les accompagne au piano, le tout à la lumière du coucher de soleil, au bord de la mer.

Spring breakers est comme ces bonbons qui piquent sur la langue. Désagréables mais addictifs. Attention, le génie incompris de Korine ne s’arrête pas à l’image. Le réalisateur choisi de l’accompagner d’une musique très agressive mais au combien enivrante. Composée par le duo Cliff Martinez et Skrillex, la bande-son complète ce sentiment de violence, cette sensation d’être réellement drogué. Enfin, le montage vient parfaire cette poésie sous acide digne d’un Spleen de Baudelaire. Hypnotique. Flash-backs et flash-forwards vous font tourner la tête et les voix des personnages se perdants et revenants vous déséquilibrent. Le plan séquence du braquage en est le plus bel exemple.

Mais Spring breakers ne serait pas grand-chose sans ses captivants acteurs. James Franco est impeccable et méconnaissable. Pourtant, malgré cette prestation, ce qu’il faut retenir dans Spring breakers, ce sont ses quatre actrices principales. Mettons Rachel Korine de côté, non pas pour son jeu qui est très bon, mais pour sa filmographie passée déjà empreinte de cinéma indépendant. Selena Gomez, Vanessa Hudgens et Ashley Benson avec leurs étiquettes Disney et leurs puretés, rajoutent énormément à la symbolique du film. Une image qui se casse, une désillusion des fans, un vrai chaos. Pour reprendre l’expression de Julien Vélu, « c’est Disney qui piétine Marc Dorcel », le duo Vanessa Hudgens/Ashley Benson en tête d’affiche, laissant de côté une sage Selena Gomez. Spring breakers aussi bien pour ses personnages que pour ses actrices peut et doit être vu comme un rite initiatique.


Spring breakers: un film grand public?

Céline Online évoquait déjà le sujet dans son article « Retour sur l’avant-première de Spring breakers ». Finalement, le gros point noir de Spring Breakers est bel et bien sa promotion. Vendre un film pour ce qu’il n’est pas ? Merci mais non merci. Un film interdit au moins de 12 ans (déconseillé aux moins de 17 ans outre-Atlantique), voilà le point de départ de la commercialisation mensongère de Spring breakers. Et encore faut-il être au courant de cette interdiction. Cette dernière n’est inscrite sur aucune des affiches promotionnelles du film. (Sans rentrer dans les détails, il est intéressant de voir comment le film n’a pas du tout été distribué de la même façon en fonction des pays. La bande-annonce du film au Royaume-Uni donne tout de suite le ton « adulte », chose pas franchement flagrante dans la vidéo française.)

Saluons la jolie manipulation réalisée avec les affiches françaises qui mettent en valeur les personnages. Spring breakers semble être un Projet X numéro 2, un énième « Teen movie » à la sauce MTV. Le distributeur – Mars Distribution – a tout misé sur la popularité des actrices du film, ciblant donc les adolescentes. Malheureusement, ce n’est pas du tout la cible conseillée pour cette œuvre de Korine. Le problème ici, c’est que ce public adolescent ( pour ne pas dire préadolescent) n’est pas forcément prêt — ou ne s’attendait tout simplement pas— à voir ses idoles boire, fumer, se droguer…

Finalement, une chose est certaine avec Spring breakers, le film ne laissera personne indifférent. Vous pourrez y voir un film de voyeur : 1h30 à mater nichons et jolis petits culs (il y a pire quand même !). Mais vous pourrez aussi y voir la symbolique que Korine a souhaité donner à son film : une destruction de l’Amérique et de ses mythes. Une Amérique prônant fièrement à ses jeunes la pornographie, la possession d’armes ou d’argent facile. Une Amérique hypocrite dans sa croyance religieuse et dans l’image qu’elle renvoie. Spring breakers nous montrerait-il le nouveau rêve américain ? En tout cas, il nous envoie une jolie carte-postale et nous fait vivre une expérience cinématographique inédite. Un film qui s’annonce d’ores et déjà comme le choc culturel et générationnel de l’année 2013.
Celine_Online
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le 25 avr. 2013

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