Par Jérôme Momcilovic

Danse de vie et de mort saisie dans la moiteur fluo/glacée d'une image MTV, Spring Breakers s'avance vers nous, surtout, comme une résurrection : celle d'Harmony Korine, 18 ans après le scénario de Kids, 16 ans après Gummo. Nouvelle réjouissante autant qu'inattendue, tant l'ex-prodige semblait définitivement perdu pour le cinéma, égaré d'abord dans un long tunnel d'autodestruction, puis coincé dans le musée de son imaginaire déserté par l'inspiration (le neuneu Mister Lonely puis le confidentiel Trash Humpers, séduisant dans son principe no future, irregardable en vérité). 16 ans, donc, après le coup de tonnerre Gummo, dans quel état nous revient Harmony Korine ? En forme, mais plus vieux, c'est-à-dire conscient de son âge, réconcilié avec un imaginaire teenage qu'il sonde désormais avec un recul résolument libérateur. C'est la première chose qui frappe, face à Spring Breakers : que le film, sans chercher à s'extirper de la bonbonnière pop-culturelle qui a toujours été la marque de Korine, ressemble autant, dans son principe, à un film de Larry Clark. Un film de moraliste, donc, ce qui est pour le moins nouveau chez Korine. Korine a toujours revendiqué, à l'endroit de la teen culture, une position paradoxale, un pied dedans un pied dehors, mi-amoureux mi-terroriste. Mais la grande beauté de Gummo tenait à ce que le film se présentait, rigoureusement, comme un anti-modèle aux images de l'industrie, une tentative carnavalesque de se soulager de l'imaginaire hygiéniste dominant en célébrant les vertus prophylactiques de la crasse et de la laideur. À la vacuité des images dominantes, Spring Breakers, lui, n'oppose plus d'antidote : à l'inverse il empile ces images jusqu'à saturation, procédant par décoction pour faire remonter à la surface leur nihilisme radical et radicalement érotique (le grand vide dans lequel le film s'étourdit est percé de par en part par un phallus retrouvé sous la forme des bongs, des flingues, etc). C'est très amusant à regarder, et en même temps très douloureux : l'exercice s'apparente, dans son principe, à une sorte de traitement Ludovico branché sur MTV. Position génialement ambigüe, qui voit Korine dessiner son portrait moraliste depuis la reprise exaltée de ces images. Geste fort que prolonge sa promo, vendant le film avec une ricanante candeur sur un terrain pop hédoniste à destination des ados.(...)

Pour lire la suite : http://www.chronicart.com/cinema/spring-breakers/
Chro
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le 3 avr. 2014

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