Spring Breakers, Spring Breakers, Spring Breakers, Spring Breakers…. nous susurre à l’oreille Alien, le personnage de rappeur-ripoux, en voix off, en guise de ponctuation d’un film stroboscopique.
Le Spring Break, c’est le moment où les étudiants américains désœuvrés font un break aux Etats-Unis pour un séjour initiatique à base d’alcool, de drogue et de sexe à gogo.


Je suis allée voir Spring Breakers dans l'idée que je ne l'aimerai pas. Me voilà bien embêtée car ça s’avère moins simple que prévu. Je range donc ma mitraillette (et puis de toute façon je n’avais pas la cagoule rose et le haut de maillot qui va avec, pour ceux qui ont vu le film), et sors mon carnet de notes, pour faire la liste des pour et des contre.


Pour :



  • Le film nous embarque efficacement dans une atmosphère étrange, entre rêve et cauchemar, sorte de conte moderne où la princesse est la Cendrillon de Jean-Louis Aubert, pas celle de Charles Perrault


  • Le film, vu avec le recul nécessaire, permet de prendre la mesure du vide intersidéral qui ronge la jeunesse d’aujourd’hui, en perte totale de repères : plus d’idéal, aucune ambition (et une vénération absurde pour Britney Spears !). Un seul but dans la vie : avoir du fric (en faisant le moins d’efforts), et le claquer


  • La mise en scène est intéressante et originale – flashforwards elliptiques, boucles de son, déferlement de couleurs, dynamisme du montage et des mouvements de caméra – et procure pas mal de sensations. Il y a de la beauté là où on ne s’y attendait pas. Dommage que certains effets et quelques bonnes idées reviennent trop souvent donnant l’impression d’un effet d’écho trop systématique (le coup de fil à la famille par exemple).



Contre :



  • A mon sens, le gros problème du film vient du fait que le réalisateur ne choisit pas son camp, et, entre racolage et dénonciation, il est plus proche du premier, même si le projet dans sa globalité semble vouloir embrasser l’idée du témoignage


  • Mais le discours n’est pas clair et je soupçonne Harmony Korine de courir tous les lièvres à la fois. Or il me semble que faire du cinéma d’auteur-dénonciateur-et-sexy-avec-un-soupçon-de-film-d’action pour contenter tout le monde ne relève pas d’une démarche bien honnête. Certains savent jouer sur plusieurs tableaux et fédérer différents publics, Tarantino par exemple, mais là ça ne fonctionne pas bien et ça laisse un goût d’entourloupe


  • Le film est super dégradant pour l’image de la femme : on est dans un clip de rap US grandeur nature, avec le gros rappeur tout moche et les filles sublimes tout autour


  • Du coup, ça donne l'impression que ces considérations paraissent naturelles pour tout le monde :



    Les filles soient belles et les mecs soient moches
    Les filles ont des gros seins (obligatoire, sinon faut les refaire ou interdiction de se pointer au spring break)
    Les gros mecs moches ont plusieurs filles à dispo pour faire tout ce qu’ils veulent avec, et les filles sont super contentes de se faire toucher par ces mecs tout dégueus
    Chaque fille qui se respecte est bisexuelle
    Les blondes sont plus bêtes et influençables que les brunes
    Il est normal qu’une fille se considère elle-même comme une salope et qu’elle se reconnaisse en tant que telle quand on l’appelle par ce genre de petit nom. D’ailleurs le filles se préparent longtemps à l’avance pour bien correspondre aux clichés qu’on attend d’elles
    On ne sait pas à quoi correspond un mec normal parce que de toute façon la caméra ne s’intéresse qu’aux filles (et prend un malin plaisir à aller fureter sous la ligne de flottaison dans la piscine).




Alors évidemment on comprend que Korine montre pour mieux dénoncer, mais on ne peut pas ignorer le fait que toute la campagne de promo était basée sur l’attrait de ces filles en bikini (en 4 par 3 dans le métro) et que certains moments dans le film sont très premier degré.


Résultat, tout ceci donne l’impression que le réalisateur surfe à fond sur la vague de ce qu’il entend précisément dénoncer, et ça, ça me chagrine !
Sur ce thème, je trouve Thirteen (de Catherine Hardwicke) et les films de Larry Clark beaucoup plus clairs, honnêtes et convaincants.


Edwige_Henry
5
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le 25 août 2015

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Kimekie Duke

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