Second film de Jim Mickle après Mulberry Street, Stake Land reprend la même trame post-apocalyptique que dans The Road ou Monsters sans s'appesantir sur les effets fantastiques mais pour décrire un voyage initiatique à l'issue incertaine. Suite à une contamination progressive de la population transformant les humains en vampires, Martin se retrouve orphelin. Pris en charge par un homme dénommé Mister, chasseur de morts-vivants à la moralité exacerbée, ils vont tenter de rejoindre New Eden. Le voyage qui les attend sera ponctué de nombreuses rencontres, plus ou moins plaisantes.
Stake Land semble avoir apporté un soin tout particulier à la psychologie de ses personnages, comme si chacun d'eux devait être le plus éloigné possible des clichés attendus. Ainsi, le jeune adolescent Martin est aussi réservé que déterminé comme Mister, au look improbable tout droit sorti d'un film de Rodriguez, alternera entre douceur et violence. Des traits de personnalités qui se révèlent lentement à nous grâce au jeu subtil de Nick Damici et Connor Paolo, mais aussi par la voix off de Martin décrivant ses états d'âmes. Inutile donc d'attendre ici filles dénudées et armées jusqu'aux dents ou héros cynique : dans Stake Land tout est question de mesure. C'est du reste ce qui fait sa singularité, lui évitant de se vautrer maladroitement dans une énième variation autour d'une civilisation en ruine. Mais c'est aussi ce qui limitera le film au niveau de l'implication émotionnelle, Mickle nous faisant l'effet d'un élève rigoureux et appliqué mais à qui il manquerait l'étincelle nécessaire pour nous faire réellement devenir partie prenante du road trip.
Construit sur de longs plans s'attardant sur une nature inhospitalière, la description des vampires est reléguée au second plan dans Stake Land. Ne gardant que l'exosquelette du mythe (vie de nuit, force sur développée, goût du sang), le réalisateur lorgne bien plus vers la bestialité de 30 jours de nuit que du scintillement à la Twilight. Et d'ailleurs, vampires ou non, cela semble importer assez peu. Il pourrait tout aussi bien s'agir de zombies, dont les créatures du film s'approprient les mêmes visages déformés ainsi que les corps lourds et mobiles, les explications mythologiques n'ont pas leur place ici. Certaines séquences d'affrontement viennent nous rappeler que nous sommes face à une production horrifique mais elles sont rapidement expédiées, sans que la mise en scène ne les mettent foncièrement en avant.
Finalement, ces vampires n'incarnent que la menace diffuse poussant les personnages à rester sur le qui-vive mais surtout, ils sont le pendant d'une autre menace bien plus sournoise et humaine cette fois. Car avant d'arriver au Canada, le fameux New Eden, Martin et Mister vont croiser la route d'une nonne paumée, d'une jeune femme enceinte jusqu'aux yeux et d'un ex-marine abandonné par son pays. Ils vont aussi faire la connaissance de la « fraternité », organisation profitant du chaos pour propager par la violence une morale pernicieuse, reflet d'un obscurantisme crasse. Tout à fait intriguant dans son traitement de cette frange profondément religieusement intégriste, Mickle porte un regard désenchanté sur une Amérique post 11 septembre rongée par la peur. Cette contamination ne semble en effet n'être que la métaphore d'une société sans cesse paupérisée, gagnée par une agressivité qui la gangrène peu à peu. Extrêmement pessimiste, le film évoque alors plus un miroir déformant de notre monde qu'une anticipation d'un futur alarmant.
Même si Stake Land reste bien au-dessus de beaucoup de productions similaires, on regrette qu'avec autant de matériaux et une approche aussi fine que rare du genre, Mickle fasse preuve d'autant de prudence dans ses choix esthétiques et narratifs. On aurait aimé qu'il exploite plus en profondeur les failles de ses personnages tout comme les liens fragiles qui les unissent en leur insufflant une humanité que l'on devine mais qui peine à s'affirmer.