Indéniablement, depuis maintenant quelques années, la mode est au revival : on prend un personnage célèbre qu'on adapte à un contexte nouveau, en lui offrant une nouvelle identité, de nouvelles origines, une nouvelle vie et dans la plupart des cas, un nouveau visage. Si Bruce Wayne est toujours le Batman, la version du caped crusader exposée dans le Batman Begins de Christopher Nolan est bien loin de celle de Tim Burton. Bien que les X-Men aient eu leur lot de films, on retrouve malgré tout aujourd'hui le colérique Wolverine dans une nouvelle adaptation, qui tente d'expliquer l'enfance et la génèse du mutant. Même Superman, légendaire Christopher Reeves, campé en 2006 par l'insipide Brandon Crouth sous la houlette de Brian Singer, à défaut de se voir affublé de nouvelles origines – difficile d'échapper à la célèbre Krypton –, bénéficiait tout de même d'un sacré lifting et revenait sur d'assez nombreux éléments des précédents films. Et nous voici donc parti dans l'espace infini, à bord de l'USS Enterprise, auprès d'un James Tiberius Kirk et autre Spock tout juste sortis de leur puberté.

Paradoxe temporel oblige, le James Kirk de cette nouvelle version perd son père après que Nero, Romulan épris de vengeance à l'encontre de Spock qu'il estime responsable de l'explosion de sa planète d'origine Romulus, revient dans le temps vingt ans trop tôt, tombe sur l'USS Kelvin et entreprend de le réduire à néant. Acte de bravoure : George Samuel Kirk Sr. se sacrifie et sauve ainsi sa femme et son fils (qui profite de l'occasion pour naître) ainsi que l'équipage du vaisseau dont il est promu Capitaine quelques minutes plus tôt, après le décès du précédent tenant du titre. De l'autre côté de l'univers, sur Vulcain, Spock fait ses classes et peine à être accepté par ses petits camarades, lui qui est le fils d'un Vulcain et d'une humaine, en proie à ses émotions, ce qui est proscrit par sa culture. Le destin se chargera bientôt de réunir les deux trublions afin de faire face à Nero, pour le meilleur ou pour le pire.

Premier bon point : c'est J. J. Abrams qui s'y colle. Le réalisateur, responsable des séries à succès Alias entre 2001 et 2006 et Lost depuis maintenant cinq saisons, ainsi que de Mission : Impossible III et Cloverfield au cinéma, est de notoriété publique un amateur éclairé de la série, sans être toutefois un « trekkie », fan ultime de l'univers Star Trek, bien souvent en opposition aux adeptes de l'univers Star Wars. Il met donc toute son énergie à recréer ce Star Trek, tout en respectant le canon de la série et des films, et s'entoure pour ce faire de deux scénaristes, Roberto Orci et Alex Kurtzman, déjà collaborateurs de Abrams sur Mission : Impossible III, ainsi que de son co-producteur et ami Damon Lindelof, trekkies avoués quant à eux.

La surprise est au rendez-vous. À l'instar du troisième opus des aventures du superagent Ethan Hunt, pour lequel J. J. Abrams avait alors effectué un travail de réalisation simple et efficace, ce Star Trek next gen est un spectacle fort plaisant, qui sait osciller intelligemment entre sérieux – sans jamais être pompeux – et fun constant – sans verser une seule fois dans le ridicule. Sans faute de goût, le film remet à l'honneur l'une des séries les plus populaires du petit écran en gardant certains éléments essentiels – les personnages principaux, l'Enterprise incontournable, ainsi que certains effets de style propre à Star Trek. Mais Abrams a l'intelligence de ne pas s'arrêter à une simple parodie ou adaptation, qui aurait à n'en pas douter débouché sur un concentré de déjà vu. Conscient de la densité de l'univers dans lequel il évolue, il y insère un élément inédit – la modification par l'attaque de Nero du cours des événements tels que nous les connaissons – et altère ainsi le fondement même de la série.

Faute d'un père présent pour le guider et l'inspirer, James T. Kirk grandit loin de Starfleet, fait les quatre cents coups et ne rejoint l'Enterprise que par le biais d'un surprenant concours de circonstances. Son aversion pour l'autorité et le conformisme en font un élément difficile à contrôler, ce qui n'est pas pour plaire à Spock, dont la culture vulcaine lui a enseigné la rigueur toute sa vie. Forts de leurs expériences individuelles, les personnages de ce Star Trek, soumis à la destinée que leur ont réservé les scénaristes, sont infiniment plus profonds et motivés que leurs modèles d'antan, et le film gagne indubitablement en richesse.

Reste bien sûr que le film n'en est pas moins un grand spectacle et que certains éléments ou personnages font volontiers de l'œil au spectateur. Mais force est de constater que malgré ses menus défauts, le film tient sérieusement la route, notamment grâce à la force de son casting. Le quasi inconnu Chris Pine incarne un James Kirk fêtard, frimeur et dragueur au premier abord, qui se révèle par la suite remarquablement vif d'esprit et loyal : l'âme d'un leader. Zachary Quinto parvient à faire oublier son rôle de Sylar dans la série Heroes, ce qui n'était pas une mince gageure. On retrouve avec plaisir l'hilarant Simon Pegg dans un rôle qui lui convient à la perfection et Karl Urban interprète un Bones à la coiffure plutôt... surprenante. On découvrira quelques jeunes acteurs, tous impeccables dans leur rôle, avant le grand cameo du film, que l'on ne dévoilera pas.

À la musique, le fidèle Michael Giacchino, qui, égal à lui même, accouche d'une partition remarquable de puissance et de sensibilité. On regrettait que le réalisateur n'ait pas confié l'intégralité du film Cloverfield à son compositeur fétiche et le somptueux thème musical final n'en était que plus frustrant : Star Trek est manifestement là pour corriger le tir et satisfaire aux fans les plus déçus. On retiendra aussi l'excellent travail de Daniel Mindel à la lumière, qui éclaire à la perfection les décors reconstruits de l'Enterprise par Scott Chambliss.

À n'en pas douter, ce nouveau Star Trek saura convaincre les fans. Abrams a su s'entourer et a repensé la série en des termes nouveaux, tout en respectant scrupuleusement ce qui en fait l'essence. Contrairement à Superman Returns qui trahissait allègrement l'univers du superhéros, ce Star Trek vient proposer une alternative au travail précédemment réalisé, pour notre plus grand plaisir.

Et vraiment, Michael Giacchino est un dieu.
Kaeron
8
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le 5 nov. 2010

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Cédric Le Men

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