Ah, nous y voilà, le mouton noir de la saga cinématographique Star Trek. Après la trilogie TWOK, TSFS, TVH, qui se terminait avec Kirk récupérant le commandement d'un tout nouveau USS Enterprize, ce cinquième film devait faire office de nouveau départ. Malheureusement, par bien des aspects , on aura eu droit à un "faux" départ...


Cela étant dit, de même que Star Trek : the Motion Picture, je n'ai pas peur de dire que je fais partie des défenseurs de Star Trek V : The Final Frontier. De là à dire, cependant, qu'il s'agit d'un bon film avec des défauts, il y a un pas que je ne saurais franchir. TFF est un mauvais film, mais pas aussi mauvais que beaucoup de gens voudraient vous faire croire, car rehaussé par certaines scènes vraiment excellentes. Spock et McCoy confrontés à leur plus terrible secret, et le dialogue de Kirk qui en découle ("I need my pain"), offre non seulement la meilleure scène du film, mais j'irais jusqu'à dire qu'il s'agit d'une de mes séquences préférées de tout Star Trek, films et séries TV confondus. Jamais on ne s'était aventurés aussi profondément dans les tréfonds de nos personnages bien-aimés, et le tout est superbement filmé, avec beaucoup de force mais aussi beaucoup de pudeur. Il s'agit pour moi du plus grand moment de la carrière d'acteur de DeForrest Kelley. Leonard Nimoy n'est pas en reste, tout en retenue et en subtilité. Une nouvelle fois, Shatner brille par son charisme et sa force. Mention plus qu'honorable également à Larry Luckinbill, dans le rôle de Sybok, demi-frère de Spock, initialement prévu pour Sean Connery (trop occupé à faire Indiana Jones et la Dernière Croisade, nous y reviendrons...). Luckinbill allie adroitement surjeu et finesse selon les situations, ce qui sied à son personnage. Il aura vraiment tiré le meilleur parti d'un scénario bancal, et je lui tire mon chapeau pour cela.


Chaque fois que ces quatre acteurs sont à l'écran, d'une manière générale, le niveau du film monte. Les scènes de feu de camp sont très drôles et non dénuées de tendresse. Elles en disent long sur chacun des personnages, et il est particulièrement intéressant de noter qu'à l'issue de la scène de fin, Bones est beaucoup moins caustique à l'endroit de Spock, ce qui perdurera dans le film suivant. Après ce qu'il a vu, plus jamais le bon docteur ne se moquera du Vulcain au sang mêlé.


Autre point positif : Jerry Goldsmith est de retour pour gérer la bande-son. Il signe une nouvelle fois une partition sublime, presque aussi bonne que son travail sur TMP, et supérieure à celle de Rosenman sur TVH et même Horner sur TWOK et TSFS. Goldsmith est LE compositeur de Star Trek (désolé Alexander Courage...)


... bon, j'avoue, c'est à peu près tout pour ce qui est du positif. Comme je l'ai dit, c'est un mauvais film, mal construit car ayant grandement souffert d'une production chaotique, qui se fait ressentir à l'écran. Mon ami Shatner est généralement pointé du doigt comme responsable, ce qu'il assume d'ailleurs. Je trouve ça un peu facile, mais force est de reconnaître que sa réalisation est bien moins inspirée que celles de Meyer et Nimoy sur les trois films précédents. Il s'en sort très bien sur les scènes plus intimistes comme celles que j'ai mentionnées, mais toutes les séquences d'action et d'extérieur paraissent figées, elles manquent cruellement de fluidité. Il n'est pas aidé en cela par la faible qualité, c'est peu de le dire, des effets spéciaux. Le légendaire studio ILM était en effet occupé lui aussi par le troisième Indiana Jones, et ses remplaçants n'avaient ni le temps ni probablement l'expertise suffisantes pour rivaliser avec le travail effectué jusqu'à présent. Il en résulte malheureusement un film au look plus daté que ses prédécesseurs, ce qui est un comble.


Le scénario est, pardonnez-moi, un bordel sans nom. Le film démarre (plutôt bien) avec Sybok, personnage intriguant, sorte de cavalier de l'apocalypse... qui s'avère bientôt être rien de moins que le demi-frère de Spock ! D'où est-ce que cela sort ??? Non seulement rien n'a jamais été suggéré dans ce sens (et l'explication donnée par Spock est vraiment paresseuse) mais cela n'avance pas le récit à grand-chose : le lien entre Spock et Sybok n'est guère utilisé, à tel point qu'il n'apparait pas tellement plus "fort" que celui que Sybok s'efforcera de tisser avec Kirk et McCoy. Sybok est avant tout un idéaliste, une sorte de prophète : son caractère politique et ses qualités de meneur d'hommes sont plus importantes que ses relations avec Spock. Là encore je ne peux m'empêcher de regretter que Nimoy n'ait pas été aux manettes une troisième fois d'affilée...


En parlant de politique : Sybok enlève trois ambassadeurs (un membre de la Fédération, un général Klingon et une belle Romulienne) en train de négocier... quoi au juste ? Et pourquoi les enlèvent-ils et les convertit-ils ? Tout cela me mène à rien non plus. C'est grand dommage, car l'Humain est joué par l'excellent David Warner, et il y avait mieux à faire entre lui et sa consoeur romulienne... idem pour Korg, ancienne gloire et idole de Kirk, réduit à l'état d'ivrogne, tous ces gens interagissent entre eux au cours de scènes qui paraissent incomplètes tant elles sont hâtives, pantins de scénaristes complètement perdus autant que de Sybok.


Oh, et je préfère ne pas m'attarder sur les autres Klingons, ceux envoyés à la recherche de Korg et déterminés à avoir la peau de Kirk : leur capitaine est un espèce de jeune punk, sans aucun caractère vraiment exploré, dénué du charisme des autres officiers Klingons de la saga (Kruge dans TSFS et Chang dans le film à venir). Toutes ses scènes sont une pure perte de temps.


En outre, j'ai mentionné dans ma critique précédente à quel point j'aime que tous les membres de la série originale, et pas seulement Kirk, Spock et McCoy, aient un rôle à jouer et ne soient pas réduits à l'état de figurants... or c'est raté ! Le peu qu'on leur donne est une véritable catastrophe : Tchekhov et Sulu sont retournés par Sybok avec une facilité déconcertante, voire insultante, Uhura se retrouve à danser à moitié nue pour faire diversion, et Scotty se cogne au plafond de son propre vaisseau, sans raison. Autant les gags de TVH étaient tous plus hilarants les uns que les autres, autant ceux de TFF sont généralement affligeants et enfantins.


Enfin, après bien des hauts et des bas, Sybok révèle son véritable objectif : trouver Dieu. Euh, ok, pourquoi pas... ce qui aurait pu et dû être une quête épique est expédiée en cinq minutes de voyage dans l'inconnu (ce qui, vu la qualité des FX, n'est peut-être pas plus mal...), et Dieu, figure barbue et éthérée au fond d'une grotte, s'avère être un escroc. Apparemment, Shatner voulait dénoncer le phénomène du télévangélisme... un peu maigre comme idée de départ. Sybok se sacrifie pour réparer ses erreurs. Cela aurait, encore une fois, pu et dû être épique et émotionnel, mais il est impossible de ne pas rigoler devant le résultat. La fin du film est bâclée de toute façon, même si j'aime beaucoup "Row your boat" jouée à la harpe vulcaine.


Ouh là, tout cela était bien plus au vitriol que je n'en avais l'intention... enfin, je tiens à insister que les scènes de Yosemite (sauf celle où Kirk tombe...) et surtout celle où Sybok tourmente nos trois héros sauvent le film. Le reste est juste bancal, d'où le box-office calamiteux (sans parler de la concurrence directe d'Indiana Jones susmentionnée, du Batman de Tim Burton, de Ghostbusters II...). Heureusement, la franchise s'en est remis, avec l'un de ses meilleurs opus. Live Long and Prosper !

Szalinowski
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le 22 oct. 2018

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