Bien que les séquelles laissées par l'Episode VIII soient toujours vives dans mon esprit (à un tel point que je n'ai jamais pris le temps de revoir le film dans son intégralité), l'espoir que The Rise of Skywalker allait sauver la mise avait germé à la vue des bande annonces. Mais qu'en est-il finalement ? Sans plus tarder, rentrons dans le vif du sujet avec un alerte spoiler.


Curieusement, je suis tenté de commencer ce papier en évoquant une impression que j'ai ressenti tout le long de mon visionnage et qui me poussait à ne jamais trop me fier à ce qu'il nous était montré, notamment durant les confrontations entre Rey et Kylo-Ren, ne sachant pas toujours vraiment s'ils se font réellement face à chacune d'entre elles, ainsi que lors des scènes remettant en scène la princesse Leia, étant donné qu'on savait depuis quelques temps qu'elle allait apparaître dans le film malgré le décès de Carrie Fisher avant la sortie de Last Jedi. Son incrustation est plutôt bien réalisée dans l'ensemble mais je maintiens que Rian Johnson aurait dû remonter la dernière partie de son épisode après la mort de l'actrice. Cela étant dit, le trépas de Leia, justement, est l'une des séquences les plus mémorables de l'Episode IX car elle démontre toute la puissance de la sœur de Luke et marque l'amorce du retour de Ben (ou, devrais-je plutôt dire, du retour du Jedi), lequel est effectué à l'occasion d'une scène miroir de la dernière conversation entre le père et le fils Solo au cours de laquelle nous constatons que la cicatrice qui barrait le visage de Ben a disparue (très certainement grâce au transfert de vie effectué par Rey) : à partir ce moment, Kylo-Ren n'est plus (cette mort symbolique est soulignée par le contraste des couleurs entre les deux versions dudit échange). Cela est un bel écho à la réponse d’Han Solo lorsque son fils lui demande, dans l'Episode VII, ce qu'il espère voir s'il ôtait son masque : "the face of my son".


D'ailleurs, concernant le fameux masque qui a tant su faire parler de lui depuis 2015, il s'agissait de l'une des choses qui m'avait le plus intrigué dans la première bande annonce de The Rise of Skywalker car, outre le fait que l'idée de reprendre le concept japonais Kintsugi était très alléchante et surprenante, il m'était apparu comme le symbole de la troisième trilogie Star Wars : introduit dans l'Episode VII, cachant le visage d'un personnage tiraillé entre l'Ombre et la Lumière au potentiel prometteur, il est ensuite détruit dans un excès de colère de son propriétaire dans The Last Jedi, à l'instar de ce que Rian Johnson a fait avec les éléments mis en place par J.J. Abrams dans The Force Awakens, pour être enfin reconstitué dans ce neuvième épisode. Cependant, et cela est regrettable, l'écriture de Kylo-Ren n'est absolument pas approfondie, si bien que, durant la première partie du métrage, le personnage interprété par Adam Driver poursuit ses caprices puérils de maître de l'univers : face à la menace que représente l'Empereur, réintroduit dès le texte d'introduction, dont la longueur et le contenu ne rassurent pas, qui ressurgit d'on-ne-sait vraiment d'où, le nouveau Supreme Leader se lance à la poursuite de ce dernier pour s'en débarrasser une bonne fois pour toute. Naturellement, les good guys sont également sur le coup, donnant lieu à une base narrative très similaire à ce que proposait The Force Awakens avec les nouveaux héros qui sont à la recherche d'un personnage de la première trilogie et qui, pour certains, sont assistés par des visages familiers : après Harison Ford, Carrie Fisher et Mark Hamill, sans oublier Peter Mayhew et Anthony Daniels, c'est au tour de Billy Dee Williams et d'Ian McDiarmid de reprendre leur rôle respectif pour ce dernier volet.


Ramener ledit masque illustre aussi parfaitement la logique de marche arrière dans lequel s'inscrit le film, tout comme cette volonté de revenir sur les origines de Rey alors qu'il était clairement affirmer dans l'épisode précédent que ses parents n'étaient personne d'important ("quid du grand-père ?" me répliqueriez vous sans doute maintenant). A ce propos, je m'étais persuadé en regardant la série The Mandalorian que l'héroïne était une clone manufacturée à partir de la main de Luke (surtout que l'on apprend que Snoke, dont l'écriture a été très certainement la plus bâclée, est lui-même un clone) et, je dois bien le reconnaître, ce choix aurait été préférable à celui fait par J. J. Abrams, qui a clairement opté pour la facilité en confirmant l'une des plus vieilles (et des plus fumeuses) fan theories portant sur la question. Même après l'obtention de l'information, je continuais de penser qu'une pirouette scénaristique allait rectifier le tir, confortant la sensation de méfiance évoquée précédemment et stimulant, dans le même temps, mon attention (ce qui peut expliquer pourquoi, en sortant de la salle de cinéma, j'ai eu l'envie de lui attribuer la note de 5/10). Abrams pousse l'excès encore plus loin en portant à l'écran le fantasme de nombreux fans le temps d'une scène à la Roméo et Juliette inversée pour le moins risible. Heureusement, juste avant, le réalisateur d'Into Darkness nous offre, non sans un certain doigté, des caméos vocaux qui raviront la majorité. Le concept de personnification du Côté Obscur et du Côté Lumineux est, au passage, une idée novatrice qui aurait pu être davantage développée, notamment afin d'expliquer le retour de l'Empereur. Mais non, c'est juste utilisé pour faire une réédite de la confrontation enre Thanos et Tony Stark d'Endgame avec les "- I'm all the Sith! (l'Empereur) - And I, I'm all the Jedi! (Rey)" qui font écho aux "- I'm inevitable. (Thanos) - And I, I'm Iron Man! (Tony Stark)"...


Pour reprendre le fil des précédents paragraphes, un postulat similaire à celui fait pour le masque de Kylo-Ren peut être constaté avec le sabre laser d'Anakin Skywalker (pièce maîtresse de la liste des reliques de la trilogie originale dans laquelle figurent le masque de Dark Vador, les dés accrochés dans le cockpit du Faucon Millénium ou encore la médaille remise à Luke à la fin de A New Hope), lui aussi brisé dans l'Episode VIII et réassemblé dans l'Episode IX. Le concernant, on pourrait regretter que, après avoir passé entre les mains de Finn et de Rey, c'est finalement Ben Solo qui le manie durant le dernier acte du film : cela aurait eu, en effet, beaucoup plus de sens si ce dernier avait récupéré le sabre laser de sa mère, celle-ci ayant pris part à un entraînement sous les instructions de Luke après les événements du Return of the Jedi et avant de lui confier son fils pour le former aux arts des Jedi. En faisant ce choix, J. J. Abrams se contredit dans la mesure où, au début du film, Rey cherche à mériter le sabre laser de Luke auprès de Leia et rate complètement le coche en amoindrissant l'impact émotionnel de la rédemption de Ben ou, plus précisément, de la relation unissant la mère et le fils qui aurait pu être décuplé par ce simple détail. On notera ici que, plus tôt dans le métrage, Abrams commet la même erreur avec le sacrifice de courte durée de C-3PO, R2 étant toujours là pour aider un bro en galère.


Faire mention du droïde de protocole me permet de vous faire part du rapprochement qui s'est opéré au fur et à mesure que progressait mon visionnage avec la saga du Seigneur des Anneaux. Il m'a, en effet, été difficile de ne pas penser à Gandalf lorsque C-3PO nous explique que l'un de ses programmes l'interdisait de traduire la langue des Siths ("The language is that of Mordor, which I will not utter here" disait le magicien à Frodon dans The Fellowship of the Ring). De plus, la bataille finale n'est pas sans rappeler celle du Return of the King, celles-ci se déroulant aux portes des repères des antagonistes et se concluant très rapidement (la flotte de l'Empereur est aussi démesurée qu'elle est fragile). Dominic Merry Monaghan figure même au casting, c'est dire ! Mais, avec du recul, ce qui m'a fait le plus penser à la trilogie d'héroïque fantaisie c'est cet esprit de communauté que l'on retrouve chez les nouvelles figures de la Résistance. Sur ce point, J. J. Abrams a réussi à introduire rapidement un véritable trio composé de Rey, Finn et Poe, ce qui n'était pas gagné étant donné que dans The Last Jedi chacun d'eux avait leur propre arc et ne faisait pas avancer les choses à ce niveau. La réponse de Lando à la question "how did you do it?" posée par Poe retranscrit bien cet état d'esprit qui fait écho à celui de la trilogie originale : "we had each other". En revanche, Rose, personnage introduit dans l'Episode VIII meuble le décor et n'est absolument pas utilisée (même Finn ne semble pas vraiment savoir sur quel pied danser avec elle). On pourrait aller jusqu'à dire qu'Abrams cherche à rendre la monnaie de sa pièce à Rian Johnson car il ne reprend, en fin de compte, que très peu de ses idées et préfère revenir à ce qu'il proposait dans The Force Awakens (cela expliquerait pourquoi Rey s'obstine à conserver son bâton qui ne lui sert plus à rien).


Ainsi, avec du recul, The Last Jedi apparaît comme un temps-mort, à la fois trop similaire et trop différent de ce qu'avait en tête J. J. Abrams en faisant l'Episode VII. Cette troisième trilogie, qui manque cruellement de maturation (on ne décolle jamais vraiment, si bien que The Force Awakens apparaît comme étant le moins pire des trois), de linéarité et de cohérence, les deux réalisateurs voulant défendre leur vision des choses et se chamaillant par l'intermédiaire des films dont ils avaient la charge, aurait dû être réalisée par un seul et même réalisateur (ou, au moins, être écrite de manière concertée afin de savoir clairement ce dont il était question et ce qu'elle devait raconter). Si on poussait le raisonnement encore plus loin, on pourrait faire une transposition entre les deux réalisateurs et le duo formé par Rey et Kylo-Ren. Pour que cela soit plus parlant, imaginez vous Rian Jonhson dire à J. J. Abrams "you're still holding on!" pour reprendre les termes que le fils d'Han Solo assène à la jeune Jedi lorsqu'elle refuse de se joindre à lui dans l'Episode VIII, après son visionnage de The Rise of Skywalker.


Toutefois, pour prendre la défense d'Abrams, cet Episode IX est celui qui se démarque le plus en termes d'émancipation vis-à-vis de la trilogie originale : s'il nous avait proposé un remake de l'Episode IV en 2015, qui avait débouché, tout bien considéré et malgré les efforts de Rian Johnson pour casser les codes, sur un remake de l'Episode V (du moins concernant l'arc de Rey qui est identique à celui de Luke dans Empire Strikes Back), le réalisateur de Super 8 a, depuis, appris de ses erreurs et propose quelque chose difficilement rattachable à Return of the Jedi. Néanmoins, certains parallèles peuvent toujours être décelés : si l'on met de côté la résolution de l'arc de Ben Solo, qui est très similaire à celle d’Anakin Skywalker dans l'Episode VI, la seule et unique scène de Luke est, à ce niveau, la plus évidente puisqu’elle rappelle, forcément, la conversation au cours de laquelle Obi-Wan lui révèle qu’il connaissait depuis le début l’identité de son père, accentuant l’exacte assimilation entre l’écriture de Rey et celle de Luke (le clin d’œil poussif à la scène culte du X-Wing qui sort des eaux n’est pas non plus passé inaperçu). Là encore, à la différence de Rian Johnson qui a su prendre de vrais risques qui ont payé, J. J. Abrams se montre frileux en n’utilisant quasiment pas le personnage de Mark Hamill, comme s’il avait peur d’égratigner le mythe Skywalker. Moi qui étais enthousiaste à l’idée de voir le fantôme du maître Jedi hanter son neveu, ne pas avoir eu droit à ne serait-ce qu’un simple échange entre les deux figures emblématiques de leur trilogie respective a eu le don de me décevoir : il ne nous reste plus qu’à espérer que le "see you around, kid" lancé par Luke à l’adresse de Kylo-Ren dans The Last Jedi ne soit pas resté sans réponse une fois que Ben Solo a rejoint la Force.


En somme, le dernier volet de la saga Skywalker est, à l’image de la troisième trilogie, déséquilibré, voire même bâclé à certains égards. Si certains estiment que J. J. Abrams a été trop ambitieux en voulant faire deux films en un, The Rise of Skywalker, selon moi, n’est pas aussi confus que ne l’a, par exemple, été The Crimes of Grindelwald mais peine à rétablir l'équilibre, non pas dans la Force, mais dans la trilogie (je n'oserais parler de l'ensemble de la saga) qu'il se doit de conclure en apportant une fin trop ouverte à mon goût ! 4/10 !


Mise à jour du 18 mars 2020 : Tout bien considéré, je me suis rendu à l'évidence que je me devais de baisser la note que j'avais attribué au moment où j'ai écrit cet avis. Si, encore une fois, mon premier ressenti avait été, sur le moment, bien meilleur que celui que j'avais eu durant mon visionnage de l'Episode VIII, je réalise, avec du recul, à quel point l'écriture de ce dernier volet n'est pas à la hauteur. Blâmer uniquement J. J. Abrams en tant que seul responsable serait tout bonnement de la mauvaise foi étant donné qu'il a cherché à conclure comme il le pouvait cette postlogie chaotique qui se caractérise par une véritable contradiction au niveau de la direction (l'Episode VIII en est une à lui tout seul puisqu'il tente de surprendre tout en faisant du surplace, scénaristiquement parlant, et apparaît comme un véritable boulet par rapport à l'ensemble). Cependant, l'idée de raccrocher encore plus les wagons avec les deux précédentes trilogies ne s'est pas avéré être le choix le plus judicieux (surtout que l'Episode VII s'inscrivait plutôt bien dans la continuité de l'histoire (ich) dans le sens où on retrouvait les anciens personnages principaux, tout en laissant place à une nouvelle génération de héros). En outre, J. J. Abrams n'a pas eu le bon sens d'expliquer certaines choses laissées en suspend depuis Force Awakens (si bien qu'il faut recourir à d'autres formats, tels que les comics et les romans, pour les clarifier) et, a contrario, les réponses apportées par le film sont, pour la plupart, déconcertantes. Qu'il est regrettable d'assister à une telle chute pour une saga aussi importante dans la pop culture... En espérant que l'actuelle génération et celles à venir s'intéresseront aux premières trilogies et les apprécieront à leur juste valeur ! 3/10 !

vic-cobb

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