Quarante-deux après avoir débarqué dans les salles, l'ère des Skywalker prend donc aujourd'hui fin avec cet épisode IX de tous les risques. Non seulement, ce dernier volet doit conclure à la fois la nouvelle trilogie débutée en 2015 et être le "point final" d'une des sagas les plus célèbres du cinéma mais il a pour obligation de concilier les plus enthousiastes et les plus déçus des directions prises par les deux précédents volets. Entre un épisode VII souvent accusé d'un trop-plein de fan service qu'il avait déjà lui-même réalisé et un VIII provoquant des réactions épidermiques du fait des choix scénaristiques inédits pris par Rian Johnson, J.J. Abrams allait clairement avoir besoin de toute la Force de l'univers et même au-delà pour satisfaire à peu près tout le monde, encore que son retour pour diriger l'épisode IX témoignait déjà symboliquement de l'approche de ce film de clôture (enfin avant d'autres extensions futures, cela va de soi).
Au risque de passer pour un Porg avec un entonnoir sur la tête, à titre personnel, j'ai apprécié cette dernière trilogie. Bien sûr, j'entends les critiques qu'elle entraîne dans son sillage et j'en comprends certaines, notamment en ce qui concerne le regard trop tourné vers le passé de l'épisode VII mais, dans ce cas précis et de mon point de vue, il était sans doute nécessaire d'en passer par là pour ensuite envisager de nouveaux horizons, une proposition totalement nouvelle était un pari trop risqué qui, s'il avait provoqué un rejet immédiat, aurait considérablement compromis la franchise. Quant au fameux épisode VIII essayant justement de prendre ce virage de nouveauté indispensable à la survie de la saga, sa mauvaise réception auprès d'une grande partie des fans me laisse un brin perplexe (je fais partie de ceux l'ayant adoré). Je peux évidemment comprendre que le contenu des pistes empruntées puisse être sujet à discussion (et tant mieux quelque part, l'indifférence aurait été pire) mais qu'il soit aussi souvent l'objet d'une telle haine unilatérale est tout de même très paradoxal vis-à-vis des remontrances que beaucoup avaient pour l'épisode VII en termes de proposition. Bien sûr, ceci est un résumé volontairement succinct à la fois du contexte et de mon opinion car le cœur du sujet n'est pas là mais vous aurez probablement une meilleure compréhension sur ce que j'ai aimé ou non à propos de cet épisode IX.


Ce n'est plus un secret pour personne : Palpatine traîne toujours son grand drap noir dans un recoin de cette galaxie très lointaine. Le film l'annonce dès son introduction et va en faire aussi bien un pion central et logique de l'intrigue qu'un moyen opportun pour ramener ce dernier pan dans les bases de la mythologie "Star Wars" que l'épisode VIII avait voulu dépasser. S'il est vraiment dommage de voir des pistes du précédent laissées ainsi sur le bord de la route (surtout si on avait apprécié le film), on peut néanmoins voir une certaine cohérence dans cette volonté de revenir aux fondations de la saga vu le statut de conclusion globale que représente cet épisode IX.
Là où il devient par contre plus difficile d'aller dans le sens de la route prise par J.J. Abrams, c'est dans la première moitié très boiteuse du film qui semble vouloir trop en faire pour finalement toujours stagner autour des enjeux principaux qui ne trouveront forcément leur résolution que bien plus tard. Afin d'aller au vrai gros morceau du film, cet épisode IX nous sert encore une fois une partie aventure/quête histoire de faire progressivement monter la pression autour des deux camps en opposition. Même si cette espèce de multiplication de péripéties menées à 100 années lumières à l'heure reste indéniablement divertissante, impossible de ne pas voir qu'elle est gouvernée par une espèce de fausse densité qui a pour effet de toujours donner le sentiment de sacrifier ce qu'elle veut entreprendre. Comme un parfait symbole, la manière de voyager du Faucon Millenium lors de sa première apparition résumera à elle seule cette façon hasardeuse que le film a de progresser par vignettes trop réduites. Au milieu de tout ça, les personnages secondaires de cette nouvelle trilogie paraîtront sans cesse sacrifiés, pris au piège d'un combat annoncé où ils n'auront de fait qu'un rôle mineur à jouer, et même lorsque des tentatives de les étoffer verront le jour, la rapidité d'exécution n'en laissera guère le temps (le meilleur exemple est probablement le background de Poe et sa relation avec un nouveau protagoniste : malgré une scène laissant entrevoir un joli potentiel entre les deux, le peu de temps qui leur est accordé ne permettra jamais d'en exploiter la pleine mesure). Pendant que les survivants de la plus ancienne trilogie seront, eux un peu mieux servis en étant les plus efficaces vecteurs d'émotion (revoir une dernière fois Carrie Fisher dans son rôle le plus emblématique est poignant), les quelques nouvelles têtes n'auront jamais vraiment le temps de s'imposer (exception faite peut-être du Général Pryde, Richard E. Grant a une trogne cruelle idéale) ou feront juste office soit de leviers bien pratiques, soit de doublons oubliables (un certain petit droïde notamment).
Seule grande constante qualitative et qui ne faiblira pour ainsi dire jamais : le duo Rey/Kylo Ren ! Si l'on doit faire encore fi du rétropédalage par rapport à certaines révélations de l'épisode VIII, le noyau le plus consistant de cette dernière trilogie sera clairement le moteur des meilleures séquences du film de par leur évolution dont la complémentarité et l'intensité deviendront invariablement le gouvernail jusque dans l'aboutissement même de l'acte final.
Avant cela, J.J. Abrams va hélas trop jouer la carte du fan service par l'intermédiaire de quelques surprises à l'intérêt discutable. Comme on l'a souligné auparavant, cet épisode IX se veut être la conclusion de la saga initiée en 1977 et un retour sur tout ce qui amené à ces derniers évènements peut être vu comme indispensable, ces quelques passages évoqués vont aussi avoir leur importance pour précipiter Rey et Kylo Ren à embrasser leurs véritables destinées respectives, mais il est dur de ne pas les voir comme accompagner d'une forme de gratuité, de chercher à appuyer trop facilement sur les boutons déclencheurs de notre nostalgie juste pour essayer de gommer leur artificialité (même sans elles, il y a fort à parier que Rey et Kylo Ren auraient emprunté une voie plus ou moins similaire).


Heureusement, quand le temps du dernier combat arrive, l'épisode IX ne rate pas le coche et tient ses promesses d'apogée belliqueuse de toute la franchise ! Bon, on pourrait chipoter sur quelques moments discutables ou encore précipités mais, dans l'ensemble, la partie finale parviendra à rendre plus que justice à ses deux protagonistes principaux dans l'ultime affrontement face à leur adversaire le plus redoutable. L'éternelle bataille spatiale aura beau atteindre des proportions dantesques afin de se parer d'une aura de danger encore jamais atteinte, c'est bien plus bas, en sous-sol, que se jouera la meilleure partition de cet épisode IX dans un face-à-face à échelle humaine, et déterminant pour l'avenir de l'univers. Du "Star Wars" pur jus en somme...
Puis, on quittera cet épisode IX sur une de ses plus belles scènes, sans doute pensée très en amont, clôturant le chapitre Skywalker tout en en laissant perdurer une empreinte pour l'avenir...


Forcément, à trop vouloir jongler entre toutes les finalités que se devait de représenter cet épisode IX et chercher à plaire au plus grand nombre, J.J Abrams avait beau avoir déjà diriger un "Mission Impossible", celle-ci en était une véritable à laquelle il ne pouvait trouver une solution pleinement satisfaisante. On se retrouve donc avec ce qui est l'épisode le plus inégal de cette nouvelle trilogie, beaucoup trop longtemps appliqué et éparpillé à essayer de mettre de l'ordre entre les approches des épisodes VII et VIII pour trouver un chemin mitoyen entre les deux, mais Abrams réussit tout de même l'essentiel : donner la part belle au tandem Rey/Kylo Ren qu'il avait lui-même fait débuter. Leur évolution aura été le cœur de ces derniers films et, même si l'héritage bien plus considérable qui leur aura servi d'ombre en permanence aura parfois été trop mis en avant, il auront réussi à s'imposer pour devenir le point fort de cette trilogie et, plus particulièrement, dans ce dernier film qui a le mérite de sceller une bonne fois pour toute le destin qu'ils ont partagé.
Qu'on le veuille ou non, une page importante vient de se tourner dans les étoiles d'une galaxie très lointaine, reste désormais à savoir ce qui sera inscrit plus tard sur les feuilles blanches restantes...

RedArrow
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le 18 déc. 2019

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RedArrow

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