Je vais me retenir... Je vais essayer...
Certes, on a droit à une bataille finale qui réussit à effacer bien des choses, dans sa démesure dantesque, ses décors tout en gigantisme quasi lovecraftien.
Certes, JJ Abrams se retrouve avec une flopée de boulettes à réparer, et ne peut pas suivre son plan initial, confiné au damage control pour essayer de clore à peu près élégamment cette saga qui a traversé les âges et les générations.
Mais cette position délicate n'excuse pas tout.


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J'avais été écœuré à l'époque par le manque de respect qu'affichait Georges Lucas vis-à-vis de son oeuvre, déjà à l'époque des remasters successifs effaçant toute la beauté, l'intelligence pragmatique, la force évocatrice formelle de la trilogie originelle.
Devenu un adepte du révisionnisme artistique, Lucas, au lieu de laisser son oeuvre entrer dans l'histoire du cinéma, a fait le choix ridicule de tenter inlassablement de réancrer la Trilogie dans un présent continu, à coups d'artifices désuets et immédiatement périmés, diluant au fil des retouches les qualités intrinsèques de son oeuvre, enfermé dans une démarche capricieuse, irrespectueuse tant pour ladite oeuvre que pour son public. L'ego boursouflé, il s'est accordé le droit de dénaturer des choses qui ne lui appartenaient plus, faisaient désormais partie de l'inconscient collectif, de l'histoire du cinéma, appartenaient au public, à ceux qui avaient vécu l'aventure. Et ils étaient nombreux. Nous étions nombreux.


Je ne parlerai pas de la prélogie, que je trouve ridicule, même si elle a le mérite d'intégrer un univers étendu qui s'est développé au gré des années et des travaux de fans, et ainsi lever les points d'ombres et les lacunes scénaristiques de la trilogie originelle.
Mais dans la foulée, elle écarte de fait la dimension mythique voire mythologique de cet archétype du space opera, dilue là encore sa dimension allégorique (si simpliste soit-elle), tout ça parce que Lucas voulait réaliser ses caprices d'enfant gâté.
Bref, le sale gosse a eu son jouet, certains ont apprécié, d'autres ont détesté, de même que certains préfèrent fantasmer l'univers étendu de Star Wars là où d'autres préfèrent le voir, le connaître, évaluer sa cohérence, confondant (à mon sens) livre de règles de jeu de rôle et oeuvre cinématographique, mais passons. Là encore, il s'agit de choix, d'approches différentes, de façons de s'approprier une oeuvre, un univers.


Lorsque le premier épisode par JJ Abrams est sorti, j'étais pris entre deux feu.
D'un coté, l'affront numérique de la prélogie était (en partie) réparé (en partie, car Disney est venu avec des coupes de budget et un calendrier absurde poussant Abrams à avoir recours précisément à ce qu'il avait choisi de dénoncer, ne pouvant réaliser son hommage qu'à moitié). Ca sentait bon la rouille, la poussière, l'animatronics, surtout comparé à l'esthétique aseptisée, lisse de la prélogie. On revenait aux bases, ou au moins on donnait l'impression de le faire.
Mais de l'autre, on se retrouvait avec l'histoire la plus arbitraire possible, un simple remake du premier Star Wars, aucune explication quant au contexte : Le Retour du Jedi se terminait par une victoire, une vraie, balayée du revers de la main par le contexte dans lequel s'ancrait ce septième épisode. Pourquoi la Résistance devait-elle toujours résister ? Pourquoi le proto Empire, renommé pour l'occasion First Order, régnait sur la galaxie ?
Pourquoi recréer une Super Mega Etoile de la Mort, sinon pour le plaisir de la surenchère et tenter de masquer maladroitement le fait que ce film est une simple resucée du film originel ?
Pourquoi le trailer du film est-il plus excitant que le film lui-même ?
Autant de questions restées sans réponses...


Abrams, poussé au cul, se dit probablement qu'il pourra poser les choses dans le 2eme opus (ce qui est vraiment un choix contestable, car un film qui ne dit rien en se réfugiant dans une fuite en avant en mode "ta gueule tu comprendras au prochain épisode", ce n'est pas un film, c'est un épisode de série).


Mais on lui retire le bébé.
Pire, le 8eme opus s'amuse à déconstruire avec un sadisme malsain tout ce que Abrams a tenté de mettre en place, lui coupant l'herbe sous le pied à chaque étape.


Et hop, on lui rend les commandes pour clôturer le tout, après avoir cassé tout ce qui était cassable, désamorcé tout ce qui pouvait l'être, bref, Abrams, c'est un peu Rocard sous Mitterrand (désolé pour les plus jeunes).


Bref, ok, il fait ce qu'il peut.


MAIS.


Je défendais le personnage de Rey suite au premier opus. Elle est devenu ici une petite conne capricieuse qui n'en fait qu'à sa tête, guidée exclusivement par les besoins d'une écriture digne à peine digne d'une fan-fiction d'un gamin de 10 ans. Ses revirements de caractère sont téléphonés au possible, impossible d'y croire même en se forçant, j'avais l'impression de revivre le traumatisme de la série Under The Dome et ses personnages-marionnettes dont l'incohérence confinait à la schizophrénie.
Kilo Renne est apathique, mou du bulbe, aussi charismatique qu'une feuille de PQ même pas sale, et l'acteur semble subir les revirements de son personnage, les découvrir en même temps que nous.


L'écriture est ridicule, plus proche des films des Ewoks que d'un épisode canonique de la saga. Alors on tente de camoufler le vide en boostant le rythme, en saturant l'ensemble de fan service à tous les étages au risque de basculer du clin d'oeil appuyé à la redite pur et simple, en posant des décors souvent magistraux, on fait surtout bien attention de respecter la parité chez les stormtroopers en faisant crier une fille une fois sur deux lors des séquences de massacre...


On fait péter une planète parce que Renne aime en faire des Kilos (...), on continue dans le "je t'aime moi non plus" entre Rey et Renne, on ajoute un nouveau robot mignon et quelques personnages peluchables, Disney oblige, on donne dans le comique de répétition lourdingue sans faire mouche une seule fois, Rey a plus l'air d'une ado en crise d'adolescence que de quelqu'un de tiraillé intérieurement par un vrai dilemme, une petite poignée d'acteurs revient cachetonner à la sauvette et le peu de bonnes idées se retrouve noyé dans un torrent de boue, absorbé par la vacuité de l'ensemble.


Même les révélations et les tournants dramatiques sonnent creux ou cousus de fil blanc (là encore, on prend la Trilogie, on transpose en plus spectaculaire mais en moins bien), et on aboutit à une sorte de patchwork sans harmonie, auquel il manque des pièces, qui essaie de ressembler à son illustre ancêtre mais ne parvenant qu'à le singer.


Mais bon, y a du spectacle, des popcorns, des explosions. Et un final digne de ce nom (...même si certains retournements frôlent le ridicule, voire le tutoient carrément...).
Il manque juste deux trucs parfois utiles au cinéma : la cohérence, d'une part, et un peu de fond, pour étayer la forme.


Un bel échec qui tourne de façon semi-honteuse une page que Lucas avait déjà commencé à souiller allègrement.


Néanmoins (bite en plus), j'ai quand même aimé cette trilogie, n'étant pas fan hardcore de Star Wars, et je l'ai même préférée à la prélogie pour plein de raisons.


Mais la prélogie avait au moins un scénario, elle. Ici, on frôle l'autoplagiat, et en plus on se loupe...


Bref. J'ai regardé Star Wars.

toma_uberwenig
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le 21 mars 2020

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toma Uberwenig

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