Un Nouvel Espoir...

Après une seconde trilogie qui m'avait laissé franchement dubitatif quant à l'avenir de la saga, Star Wars était sur son déclin et les commentaires de George Lucas sur la charge de travail titanesque pour finaliser d'autres films ne laissaient pas grand espoir sur un éventuel reboot ou épisode. La faute à un realisateur omnipotent justement, ou à un univers devenu beaucoup trop vaste et erratique, (avec ce fameux univers étendu) ou encore à cause d'un point de vue générationnel opposant les fans des origines de la saga avec les plus jeunes spectateurs.
Tout est possible, bien entendu subjectif, mais surtout envisageable avec autant de point de vue qu'il y a de fan.
Car Star Wars, c'est avant tout LA saga qui a su innover en proposant au début des années 70 un genre Fantastique / Science-Fiction totalement abordable pour de jeunes enfants, là où Alien, Predator et consorts s'orientaient clairement dans l'horreur / suspens par exemple. Même Star Trek n'arrivait pas à la cheville de cet univers à cause d'un ton plus adulte et d'une plus grande densité dans les trames narratives.
J'ai donc largement apprécié ce nouvel opus, car même si JJ Abrams impose logiquement son style de réalisation et coupe brutalement avec nos habitudes de spectateurs, il n'en propose pas moins un film en totale cohérence avec l'univers Star Wars, bourré de clins d’œils plus ou moins appuyés, et au contenu final nerveux et élégant.

Mais revenons un instant aux racines. J'ai découvert les premiers épisodes assez tôt dans ma jeunesse, et c'est donc ce qui leur donne une aura particulière dans mon esprit, savant mélange de nostalgie, de souvenirs de discussions sans fin dans les cours de récré ou encore de références culturelles omniprésentes.

Sans tourner autour du pot, je préfère largement la première trilogie.
De mon point de vue, si la seconde plante en effet un décors plus dense, il n'en reste pas moins que les épisodes IV - V et VI restent largement meilleurs d'un point de vue qualitatif, tout en restant plus abordables pour un jeune public, phénomène qui a largement contribué au succès de l'oeuvre dans son ensemble, car les fans de la première heure ont grandi avec l'image des premiers épisodes et ne pouvaient légitimement pas ne pas être enthousiastes à l'idée de voir apparaître de nouveaux épisodes.
De ce point de vue, il est d'ailleurs assez amusant de voir le choix de direction artistique se positionner sur une trame plus dense et plus mature, avec les imbroglios de l'empire et du Sénat.

Sans rentrer dans le détail et pour revenir au sujet, je dirais que l'émulation collective de ces premiers épisodes (ne se limitant pas d'ailleurs à la collaboration Spielberg / Lucas) offre une Saga beaucoup plus intéressante d'un point de vue narratif, rythmique ou visuel que les épisodes produits par la suite.
J'aime à citer l'attachement des Ewoks et l'implication émotionnelle de la bataille d'Endor provoqué par le bon développement de ces personnages par exemple, là où Lucas s'était largement planté avec l'insupportable Jar Jar.
Point de vue que j'ai d'ailleurs retrouvé avec plaisir dans l'excellente série web Nexus VI. Ces petits personnages avaient une véritable part dans l'histoire, et même si tous les personnages du clan n'étaient pas développés, certains prenaient une part réelle dans l'histoire, ce que l'on retrouve ici avec BB-8.
Le film est aussi beaucoup mieux rythmé que les épisodes I et II par exemple, le découpage est très soigné, permettant une mise en place efficace et un développement de la trame dans la même veine. Les personnages principaux sont présentés avec élégance, (même si le grand méchant manque de panache) et on retrouve avec plaisir les figures de proue comme Han Solo, Chewie, Leia ou Luke alterner avec les petits nouveaux pour quelques scènes de fan service.
Scènes assez touchantes dans leur ensemble quoi qu'il en soit, puisqu'elles offrent des passages de mains pleins d'humour et une symétrie de bon aloi pour la suite des futurs épisodes.
Cet humour est d'autant plus sympa qu'il permet d'ailleurs d'alterner avec la nervosité de certaines scènes assez caractéristiques de la patte d'Abrams, et donc de donner un peu de légèreté à l'ensemble.
On sent à ce niveaux un style de réalisation plus proche de l'action, presque apocalyptique par moments; là où Lucas proposait souvent des plans larges et figés, au détriment de la nervosité de l'action.
Mais le résultat me plait largement, car on est totalement impliqué dans l'action et on s'identifie très bien aux personnages. On sent à ce niveau qu'Abrams s'adresse aux fans en en étant un lui même, et c'est un vrai plus pour qui aime la série, car il n'est pas spécialement connu pour être un Yes Man et possède une patte de réalisateur bien trempée.
Donc même si je préfère largement la lisibilité des batailles de Lucas, je dois admettre que J.J. Abrams s'en sors sacrément bien en général, et plus particulièrement dans les scènes de batailles qu'il revisite à sa sauce.
Exception faite de la première poursuite avec le Faucon Millenium, que j'estime un peu brouillonne sur la fin, bien qu'innovatrice et très spectaculaire, il faut bien admettre que ça envoie du lourd.
On sent l'expérience issue de l'autre pendant du Space Opera, Star Trek; qu'il a définitivement sorti de la tombe avec une liberté de mouvement peut être plus marquée, et un résultat particulièrement appréciable.

J'ai enfin adoré retrouver un ton plus léger, renouant avec l'ambiance si caractéristique de la première trilogie, (j'entends les épisodes 4-5-6) accessible pour toute la famille.
Le développement des personnages est juste et sans excès, peut être un peu trop larmoyant par moments, mais jamais plus que cela n'a été fait dans les précédents films.
On est donc pile-poil dans la tendance.
J'ai un moment pensé que l'action était peut être trop prédominante, mais je me suis vite ravisé en pensant aux longueurs exaspérantes de l'épisode I ou aux dialogues ridicules de l'épisode 2.
Précisément parce qu'on tombait dans l'exact opposé, avec des longueurs d'autant plus choquantes qu'on s'attendait à ce que ça défouraille méchamment entre un Palpatine et un Darth Vador en puissance.

Mais bon, je dois admettre quand même quelques petites déceptions. Elles sont tout à fait minimes, mais légitimes dans la mesure où il est virtuellement impossible de ne pas faire de comparaison quand on ne compte plus les fois où on a vu un film, ce qui est mon cas avec "A New Hope".
Je m'attendais par exemple à retrouver inconsciemment les longs plans séquences d'introduction, avec plus de temps passé à appuyer les ambiances du film, qui ont largement contribué au succès de la série; ou encore ces fameux cut à balayages assez caractéristiques de Lucas pour passer d'une trame à une autre.

Au niveau de la densité, je m'attendais également à retrouver une certaine complexité dans la trame, plus proche du développement politique de la seconde trilogie, (épisodes I à III) et qui définissait à peu près la seule chose que j'avais appréciée au demeurant.
Je m'attendais donc à un mix un plus passe-partout entre la densité de la seconde trilogie et la facilité d'accès des épisodes IV à VI; en tout cas avec un peu moins de manichéisme. On retombe donc ici dans la simplicité de scénarisation qui me plaisait énormément enfant, mais qui passe un peu moins à l'âge adulte.
Cela crée chez moi d'ailleurs un sentiment assez bizarre entre sensation de manque et nostalgie de la trilogie m'ayant le plus plu. Bizarre, surtout si je comprends et approuve totalement ce choix de la part du réalisateur.

Le dernier point m'ayant assez déplu dans son ensemble réside dans les nombreux clins d’œils qui se succèdent tout au long du film sous forme d'auto satisfaction ou de fan-service, selon le point de vue. Certains sont à mon sens trop fortement appuyés et nuisent carrément à la profondeur du film.
Ça a du transpirer à fond chez Disney. Mais de là à sacrifier délibérément le reste de direction artistique... C'est un autre débat.
On va quoi qu'il en soit du détail insignifiant, (les antennes sur Jakku rappelant le village de Mos-Esley) aux rappels un peu lourdingues de la puissance de l'Empire Galactique. (accumulation de l'étoile noire, de l'étoile de la mort, et maintenant Star Killer)
J'ai donc aimé les plans dans les X-Wings rappelant Wedge et Biggs, ou le passage assez marrant dans le bar, qui calque presque plan par plan l'arrivée dans le bar de Mos Eisley et son célébrissime Cantina Band, ou encore la référence aux dynamitage des piliers sur Star Killer, qui fait se succéder un running gag de l'ensemble des passages sur Endor... Et j'ai pesté sur les autres.
Voilà à peu près tout ce que je peux reprocher en chipotant sur ce film.

Car au final, je garde surtout un avis très positif sur "Le Réveil de la Force", avec le plaisir de constater l'affirmation d'un réalisateur que j'apprécie beaucoup à la fois dans son style et dans une série de film aussi emblématique que hautement casse gueule.
Ce que je reproche au film reste au niveau de l’anecdotique et ne gâche rien au plaisir ressenti, mais me permet dans tous les cas de penser que l'arrivée de J.J. Abrams est un vrai soulagement et constitue littéralement "Un nouvel espoir".
Le Réveil de la Force lance donc habilement la (les ?) nouvelle(s) trilogie(s) avec talent et propose un divertissement familial de qualité.
C'est ce que je retiens de ce visionnage, et je vous le conseille donc chaleureusement.