Une chose est sûr concernant le 7ème opus de la mythique saga des étoiles, c’est qu’il ne laisse pas indifférent. Et c’est déjà une bonne chose. Mais pouvait-il en être autrement avec une telle attente ?
Une chose est certaine, la repompe intégrale de la structure de l’épisode 4, avec la reprise de ci de là de quelques éléments disparates tirés des épisodes 5 et 6, n’aura échappé à personne. Tout le reste n’est qu’une question d’appréciation sur la manière dont l’ensemble à été recontextualisé.
A titre personnel, je trouve la continuité cohérente, l’univers bien campé et personnages anciens plutôt bien intégrés, alors qu’il aurait été facile de sombrer dans le clin d’oeil grossier, à l’instar de Marion dans Indiana Jones et le Crâne de Cristal. Non, les clins d’oeil appuyés ici on les trouve dans la structure : On en prend d’autres et on recommence, en gros. Et quand on reprend les mêmes, ben on les place dans des fonctions différentes pour brouiller les pistes. Seulement c’est encore trop flagrant pour totalement annihiler le sentiment de redite.
En gros voilà ce qu’on retrouve dans cet épisode 7 et qui raconte la même chose que l'épisode 4, avec des emprunts aux épisodes suivants et pas toujours dans le même ordre:



Les méchants attaquent un groupe de personnes sensé cacher un ou des
rebelles qui seraient en possession de plans qu'ils voudraient
récupérer. Un vilain pabo masqué et habillé de noir en impose sévère
et montre des signes de pouvoirs psychiques impressionants. Les plans
recherchés sont confiés à un droïde sympatoche qui fait des bipbip. Le
rebelle est capturé et interrogé sur une immense base spatiale
sphérique. Le droïde rencontre un lambda sur une planète désertique
avec qui il va se lier. Ce lambda est super balèze en pilotage et en
réparations d'engins et semble être orphelin. Ils rencontrent un
personnage trouble avec qui il vont s'allier même si ses motivations
de base ne semblent pas très honnêtes. Ils rencontrent ensuite une
légende, qui deviendra leur mentor. Pendant ce temps, on apprend que
le grand méchant n'est en fait qu'un exécutant et qu'un grand manitou
tire les ficelles. L'allié ne veut pas être confronté au danger et
décide de partir. C'est dans une cantina qu'on peut trouver des
pilotes pour n'importe quelle destination. Les méchants montrent leurs
puissance en explosant des planètes avec leur immense base sphérique
qui est en fait aussi un super canon de ouf. Il faut aller sauver une
fille prisonnière dans l'immense base sidérale. Du coup l'allier
décide de revenir sauver le héro/héroïne. Les couloirs de la base sont
relativement vides. La fille est retrouvée. Le mentor fait face au
vilain masqué et dans les deux cas c'est un père (spirituel ou
génétique) qui meurt. La rebellion attaque la base sidérale avec des
X-wings, mais avant ça il faut désactiver les boucliers (épisode 6).
Le grand pabo se fait botter les fesses par l'alliance du héros et de
son allié qui finalement n'est pas si lâche et égoïste que ça. La base
géante explose. Le héros rencontre un 2ème mentor qui
vraisemblablement va lui enseigner 2 ou 3 tours de passe-passe.



Réduit aux personnages, on a donc :
Rey -> Luke (typique représentant du monomythe du héros). Le temps d’un moment dans le film, elle prend la place de Leia, se faisant enlever, obligeant les autres héros à venir la secourir (meme si finalement elle s’en sortira quasiment seule)
Finn -> Han solo (dans le rôle de l’indécit qui part et qui revient, qui pense fuir mais qui se révèle finalement courageux. Il apporte aussi une touche de légèreté)
Han Solo -> Obiwan Kenobi (dans le rôle du mentor qu’il faut qu’il crève pour que le héros arrête de s’appuyer dessus et arrive à se révéler. C’est aussi lui qui apprend à Rey que la force existe, tout comme Ben l’a appris à Luke)
BB8 -> R2D2
Kylo Renn -> Dark vador (instaure la peur au début du film, dézingue le mentor et échoue lamentablement contre le personnage principal à la fin du film car celui-ci se trouve etre protégé par la force)
Chewbacca -> Chewbacca
Starkiller -> étoile noire


Le pompon allant vraiment à L’étoile Noire Mark III, qui pousse réellement le bouchon un peu trop loin dans l’hommage appuyé.
Seule Leïa n’a pas de fonction correspondant à un personnage important de la trilogie originelle. Et le seul personnage déconstruit et traité de manière vraiment intéressante : Kylo Renn, qui d’un point de vue extra diégétique se retrouve confronté à la figure mythique de Vador, et lorsque d’un point de vue intra diégétique on se rend compte que le personnage lui-même est écrasé par le poids de la légende de son grand père, ça casse effectivement quelque chose -comme certains le disent- au niveau de la dimension iconique du méchant, mais c’est pour construire quelque chose d’autre à côté. Donc ça me va.
Mais pour le reste ? Peu de prise de risque : même le fait que Solo meure finalement c’est pas si fifou. Déjà parce que beaucoup de fans auraient préférés qu’il meure dans l’Empire contre attaque, donc du coup on leur offre ce qu’ils attendent -pure définition du fan service- mais en plus, puisqu’il détient le rôle du mentor, il est nécessaire qu’il cède sa place. Le contexte n’est pas le même que dans la scène de la mort d’Obiwan Kenobi, et du coup ça change pas mal de choses par rapport à ce qu’il se joue dans la scène… Mais en fait pas tant que ça. Au final, Obiwan Kenobi était le père spirituel d’Anakin, et en le tuant, Vador à en fait “tuer le père”, entérinant son appartenance au côté obscur. Et que fait Kylo Renn ? Il tue le père, pour entériner sa soumission au côté obscur… Et ce faisant il reproduit les actes de son grand-père, à qui il tente désespéremment de ressembler, alors qu’il n’en est qu’une pâle copie.
Bien que par cet aspect Kylo Renn soit clairement le personnage le plus intéressant de cet épisode 7, avec sa dimension hautement dramaturgique et la déconstruction de l’iconisation du mal qu'il représente, il reste surtout la métaphore de l’impuissance de J. J. Abrams face au mythe auquel il est confronté. Un aveu d’humilité qui, s’il est honnête, reste décevant. On était en droit d’espérer que ce Réveil de la force ne s’avoue pas vaincu dès sa conception scénaristique, et tente d’extrapoler, de tirer une vision plus originale et personnelle de l’héritage de George Lucas. En sommes de créer, plutôt que de réitérer.


Ce déplacement des enjeux et des fonctions des personnages est très problématique concernant le progression mythologique du héros. Dans la trilogie originale, tous les enjeux et évènements participent à la trajectoire du héros. Par ex, quand il rencontre son mentor, c'est lui qui l'éclaire concernant ses capacités, et lorsqu'il meurt, le héros se retrouve dans l'obligation de se transcender, de puiser au fond de lui du peu d'enseignement qu'il a reçu pour en retirer le meilleur. Il y a un réel discours mythologique sur l'apprentissage, sur la transcendance. Dans le réveil de la force... On est à côté de la plaque : Les différents évènements participent à la trajectoire des héros, mais un coup l'un, un coup l'autre. On n'est plus principalement centré sur celui qui doit se transcender, et la puissance de l'allégorie mythologique s'en retrouve diminuée. Par exemple, personne n'apprend à Rey à développer ses capacités (Solo en tant que mentor lui apprend juste l'existence réelle de la Force), et quand Han Solo meurt, ça ne devrait avoir aucun impact particulier quand à ses capacités. Au mieux sa colère aurait pu la transcender, mais c'est dangereux (côté obscur tout ça), mais au lieu de ça elle sait de manière inné comment manier la force... La transcendance a ici un caractère "magique", venu de nulle part, qui ne respecte pas la progression mythologique et psychologique du héros. Tout l'aspect apprentissage, si important dans le message spirituel de Star Wars (qui s'inspire aussi de l'esprit asiatique du maître et de l'élève, qui parle de vayage initiatique... Comment pourrait-il y avoir de voyage initiatique sans initiation ?) que le voir si malmené ici me semble être une hérésie.


Au final, je ne sais trop quoi penser de ce star wars, avec de très bonnes choses, des idées assez cullottées (Kylo Renn, Finn), mais un ensemble trop redondant et frileux pour réellement être aussi transportant que ce que j'en espérais. Surtout qu'un autre aspect me dérange fortement : le ton employé. Un ton plus réaliste, plus contemporain, plus proche des personnages. C'est bien dans l'idée, c'est un peu la mouvance actuelle. Mais justement le réalisme fait moins rêver que le fantasme, et l'aspect archétypal des star wars de Lucas servait à rendre l'impact des thématiques universel, intemporel et intergénérationnel. Du coup, l’iconisation et la dimension mythologique n’a plus le même impact, la même force, la même âme. Et la dimension conte/mythologie/etc, c’est qui le différenciait Star Wars des autres blockbuster et en faisait sa force. Là on n’a pas un Star Wars qui s’appuie sur les mythes ancestraux, mais un Star Wars qui s’appuie sur le mythe de la trilogie originelle… Du coup, on a un peu comme un sous-produit de mythologies, une sorte de “Star Wars homéopathique”: un Star Wars par dilution.


En celà, je trouve que l'impression qui ressort de ce Star Wars, c'est l'exploitation d'une license, alors que ça aurait dût être la prolongation d'un univers, d'une saga.


Reste que copiant honteusement la trilogie originelle et plus précisément son film fondateur, l'épisode IV, ce 7ème opus nous offre clairement à son tour un nouvel espoir concernant l'avenir de la saga, si les scénaristes parviennent à s’émanciper du poids et des structures de la trilogie originale afin d'opérer à une véritable continuité, sans redite.

LoicMassaia
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le 21 déc. 2015

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Loïc Massaïa

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