Après dix ans d’absence de la saga Star Wars sur grand écran, J.J Abrams remet le couvert avec le Réveil de la Force se déroulant après l’épisode VI : Le Retour du Jedi. Attendu comme le messie par des millions de fans, ce film portait les attentes et les espérances de deux générations de fans qui ont grandi à travers la prélogie et la trilogie. Arriver à concilier les attentes de ces derniers tout en arrivant à accrocher une nouvelle base de fans en devenir, telle était la mission confiée par Disney à J.J Abrams. Abrams était le candidat idoine, réalisateur coté à Hollywood, il se devait de réussir à remettre en branle cette saga mythique tout comme il avait réussi à le faire pour Star Trek.


Le Réveil de la Force peut être perçu comme une resucée cinématographique de l’épisode 4 Un Nouvel Espoir. Et pour cause : la course poursuite dans le désert, la destruction d’une Etoile Noire encore plus énorme, les plans cachés dans un robot, le passage dans la cantina rappellent fortement l’empreinte du premier opus mais en moins bien. BB-8 a le même rôle que R2D2 dans l’épisode IV à savoir le porteur d’un message vital pour la survie de la Rébellion/Alliance. Et lorsque R2D2 sort de son mutisme, il écrase instantanément son alter ego de droide de son aura mythique. Le Réveil de la Force joue sur le fan service tout au long du film à travers la résurgence des vieilles figures de la Rébellion (Leia, Han Solo) mais aussi à ce qui apparait en filigrane tout au long du métrage : la recherche du mythique Luke Skywalker. Chaque personnage semble donner l’impression d’avoir un défaut qui saute aux yeux irrémédiablement : le manque de charisme de Kylo Ren, le manque de profondeur du rôle de Poe Dameron, la platitude du jeu de Boyega, l’inutilité du capitaine Phasma. Toute la galerie des nouveaux personnages manque de relief, les symboles étant les deux méchants du côté obscur : leur identité est de suite révélé et leur présence maintes fois répétée à l’écran. L’iconisation tombe à plat. Pour Kylo Ren ceci est encore plus perceptible lorsqu’il enlève le masque laissant de fait imaginer ce qu’aurait pu être le fils de Severus Rogue dans Harry Potter. Les anciennes gloires mettent le film à l’amende tellement elles ont mal vieillies, Han Solo et Chewbacca arrivent dans le récit comme un cheveu sur la soupe juste bon pour contenter le fan service alors que la pauvre Carrie Fisher n’a même pas l’air de comprendre la signification de son rôle dans ce nouvel épisode. Le film se cherche, n’arrive pas à se dépêtrer d’une nostalgie personnifiée par ces héros du passé et le liant avec les nouveaux personnages est encore trop fragile.


Le Réveil de la Force hérite d’un problème de rythme qui empêche le film de creuser la diégétique de ses personnages. On pourrait ainsi l’imputer à une action générée à outrance qui gangrène le film et ne laisse pas les enjeux s’installer. L’action est omniprésente dans le film tout comme l’humour desservant l’écriture des personnages et leur épaississement personnel. L’ennui ne pointe jamais le bout de son nez mais la superficialité de certains personnages additionnés à la redondance des thématiques repris aux anciens épisodes laisse un gout de déjà-vu. L’épisode IV, Un Nouvel Espoir mettait lentement mais surement en place les rouages d’une saga mythique et édifiait l'iconisation du plus grand méchant de tous les temps à travers ses apparitions savamment dosées et sa légendaire respiration saccadée. Le Réveil de la Force à l’instar de Mad Max, cette année fait la part belle aux héroïnes avec une Daisy Ridley dont le personnage dans cette nouvelle saga s’avère être le plus intéressant et intrigant. Débrouillarde, agréable à regarder, elle est celle dont les enjeux vont s’avérer les plus prégnants dans le prochain opus. Le plus important sera tout de même de savoir par quelle sorcellerie elle est parvenue à maitriser la Force en deux, temps trois mouvements …


Les musiques de John Williams s’avèrent être moins marquantes ici. Elles se font plus discrètes, sirupeuses, n’apparaissant qu’à de trop rares occasions. Il n’y a pas de nouveaux thèmes marquants propres à ce nouvel épisode comme avait su le faire La Menace Fantôme ou bien La Guerre des Clones. On peut prendre en exemple le « méchant » Kylo Ren dont l’iconisation est passé au travers. Aucun thème n’est amené pour annoncer son arrivée comme cela avait été le cas pour Dark Vador. Son entrée en scène lors de cet épisode, affublée de son épée de chevalier en croisade contre le Bien, aurait mérité plus de soin et d’attention.


Le Réveil de la Force cherche à se créer une identité, à se démarquer des autres épisodes de la saga. Visuellement, le pari est gagné haut la main. En effet, esthétiquement, il est le plus réussi : les jeux de formes sur le gigantisme avec l’exemple du croiseur impérial échoué dans le sable en arrière-plan d’une Rey en train de dévaler une colline de sable sont magnifiques. De même que la réalisation léchée et tout en mouvement d’Abrams permet de générer des combats terrestres et aériens à la lisibilité évidente. La CGI, elle, reste maitrisée et n’envahit pas tout le film, laissant une place aux costumes et autres artifices permettant de garder des liens avec la première trilogie au niveau du grain de l’image et des décors. On retiendra aussi l’attention accordée aux jeux d’ombres et de lumières qui est remarquable et cela se voit particulièrement lors du face à face Solo- Loren où les angles de caméra jouent habilement sur les contrastes de lumière pour signifier un bouleversement dans la Force à venir. Le Réveil de la Force se révèle être plus abouti sur la forme que sur le fond s’époumonant à créer un univers visuel riche et attractif au détriment d’une toile de fond où l’intrigue et les enjeux peinent à trouver une véritable cohérence.


J.J Abrams renoue à l’instar de la première trilogie avec le thème du fascisme, symbolisé par le général Hux et ses subordonnés au style vestimentaire proche des sbires de Dark Vador. La violence émanant du Premier Ordre monte sensiblement d’un cran par rapport aux actes de l’Empire avec le massacre de villageois par des stormtroopers. Ces exactions sont mises en perspective par la vue des habitants en plein désarroi avant la destruction de leur planète par une énième Etoile Noire. Pour se recentrer sur le personnage de Kylo Ren, son tiraillement entre le côté obscur et la Lumière est bien mis en scène lorsqu’il s’adresse au casque broyé de Dark Vador. Telle une prière adressée à une relique, il le supplie de lui donner la Force afin de ne pas basculer vers la Lumière. C’est la première fois qu’est évoquée la possibilité d’un basculement du Mal vers le Bien. Le basculement s’établit maintenant, à travers le nouveau méchant de la saga, dans les deux sens, ce qui ouvre grandement le champ des possibilités scénaristiques pour les deux prochains réalisateurs. Le questionnement métaphysique d’un personnage déjà passé du côté obscur renouvelle d’un point de vue idéologique l’idée du Bien et du Mal et refoule aux oubliettes le manichéisme prégnant dans les deux premières trilogies.


De la clameur inconditionnelle de la salle lors de l’apparition en lettres jaunes du titre mythique aux applaudissements poussifs à la fin du métrage, la salle a eu la même envie puis le même ressenti que moi à la fin du visionnage. La sensation d’avoir assisté au plus bel épisode esthétiquement parlant tout en ayant la frustration d’être passé à quelque chose de grand, de fondateur pour la nouvelle trilogie qui s’annonce.

Jokalex
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le 18 déc. 2015

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