2 mois de pré-réservation, 35 min de queue (fouille comprise), 25 min de bande-annonce…Puis ces 1ères mesures qui viennent en soutènement de 8 lettres sur fond d’une galaxie familière mais si lointaine. La salle (moi compris au grand dam de ma moitié) ne peut s’empêcher alors de laisser échapper un son mélange d’excitation et d’impatience. Tout juste le temps de comprendre que, non, le logo 20th Century Fox n’est plus là, que, non, le château de la Belle au Bois Dormant ne va pas créer cette fameuse gêne, que me voici de retour chez moi sur mon écran à me nourrir d’avis qui ne font que confirmer combien cette saga semble mystique et sacrée.


Bien avant le viatique imposé par Marvel, à des années lumières du principe de suite/franchise, il y a donc Star Wars. Soit, au départ, une trilogie "bâtarde" pour moi : je n’étais pas né lors de sa sortie, j’ai grandi avec des aînés lui vouant un culte ou la trouvant gentiment niaise et cette fameuse prélogie a vu le jour à un moment où mon sens critique n’était qu’à ses balbutiements. Mais comme un "bon élève" (ou un mouton), mes devoirs ont été "rendus" : C3PO m’a bien fait rire, Harrison Ford était définitivement Indie selon moi, Obi-Wan Kenobi était la "réponse D"…et que dire de cette prélogie, si ce n’est ce sentiment que, dans ce cas précis, le mieux est parfois l’ennemi du bien.


Alors, après un ultime visionnage de la trilogie et à J+3 de l’épisode VII, Star Wars (l’ensemble de l’œuvre cinématographique) s’impose comme la réverbération de ce que représente la famille. Et qui mieux que J.J. Abrams pour mettre à quia un préquel qui, s’il gagne en questionnement intérieur quasi-théologique, verse dans la concussion avec cette surenchère d’effets spéciaux et de "dernier cri". Oui J.J. Abrams ! Osons un parallèle : l’annonce de J.J. Abrams au commande de cet épisode VII (puis comme producteur délégué) me paraissait curieuse. Sans remettre en cause la légitimité ou non du réalisateur, ses compétences, cette arrivée pouvait se comparer à l’arrivée de Tim Cook chez Samsung après avoir sorti l’iPhone 7. Ou comme si Zlatan Ibrahimovic avait dit à sa signature au PSG "je ne vous cache pas que l’OM a toujours été un club qui m’a fait rêver".


De facto, face à cette prise de responsabilité, JJ Abrams a "rassuré l’actionnariat" si on poursuivait le rapprochement avec le monde entrepreneurial. Du latex, du clin d’œil (qui tend à terme à du message en morse), de la phrase punchline…J.J. n’est pas très loin du reboot voire de la ribote. L’exercice est certes périlleux mais il y a ce sentiment de tiraillement chez le réalisateur : ouvrir une nouvelle trilogie de manière très Disney (en 3D, avec l’artillerie lourde), ne pas froisser le noyau dur des fans, rendre hommage au précédent propriétaire de la saga sans tomber dans le culte ou dans sa mise en terre.


Le point commun entre la saga de Georges Lucas et l’univers Disney sert donc de jalon à cet épisode VII. La famille, ce lien qui a apparié par le biais d’un écran la (pas encore réunie) fratrie Skywalker avec de nombreux téléspectateurs. Là aussi du space-opéra au soap-opéra il n’y a qu’un pas que franchit l’épisode. Libre ensuite au téléspectateur d’apprécier l’intention. Gageons d’une forme de résipiscence à l’avenir ! Néanmoins, c’est avec délectation que l’on assiste à la nouvelle définition de la famille par Star Wars. La 1ère trilogie venait en plein boum de la théorie sur la décroissance, la remise en cause du modèle familial et surtout une émancipation du rôle social de la femme. Soit ce combat contre l’Empire, cette alternative incarnée par la rébellion et cette Leia sorte d’anomalie féminine au milieu d’un western 100% burné. Idem pour cette relation tout en non-dit et en attraction/révulsion entre Papa Skywalker et son fils : fini donc l’autorité coercitive, la destinée acceptée ou excluante, place au dialogue, à la coexistence de divergences…


L’épisode VII aurait pu prolonger ces réflexions. Les intentions sont là mais la détermination à marteler celles-ci sont empreintes d’une certaine vacuité. Star Wars VII est centré sur Kylo qui en fait des tonnes. Cette nouvelle trilogie s’ouvre ainsi sur un méchant héritier qui, jeunesse oblige, conjugue impatience et divinisation d’un grand-père. Idem pour la définition 2015 d’être parent : forcément l’enfant-roi a phagocyté l’intimité du couple, anéantissant complicité, sentiment et perspective d’avenir. LA scène-clé du film se réduirait au fameux "tu rentres à la maison, tu es puni et tu ranges ta chambre" entendu dans bien des feuilletons. Le caractère dramatique ne se résume qu’à un dialogue de sourd où très peu d’informations filtrent et annule l’effet recherché.


On pourrait y ajouter John Boyega et Daisy Ridley. Forcément le 1er m’a fait dire "tiens à la prochaine trilogie on aura droit à des portoricains, des mexicains". Derrière cette vanne (et sans occulter l'apport de Billy Dee Williams) se cache pourtant l’argument "United Colour of Benetton" de Disney : la représentativité de tous. Bonne idée donc de prime abord mais qui a généré des théories farfelues sur un prétendu racisme anti-blanc. De même, cette variation autour de l’individu qui s’extrait d’une masse conditionnée et programmée pour anéantir avait tout de la bonne inspiration. Mais le réduire à un matricule, un chevalier fougueux est quelque peu superficiel. Il y avait un côté spirituel et quelque peu hippie dans la quête de la force par Luke Skywalker dans la 1ère trilogie : pas de violence, méditation, écouter "sa voix intérieure", prendre le temps de se découvrir. Quelle surprise de voir Daisy Ridley (féminine, débrouillarde, indépendante, sensible et autodictate) manier les rudiments de la force en moins d’une moitié de film. Instantanéité, impulsivité à défaut de mesure, prééminence de l’inné à défaut de l’acquis…oui le film emprunte des raccourcis qui lui font caricaturer des caricatures de la jeunesse.


Alors pourquoi 7 ? Parce qu’il y a ce sentiment égoïste et vaguement niais d’assister sur cette toile blanche à un moment de l’histoire du cinéma. Et comme tout Star Wars qui se respecte, cet épisode 7 regorge d’incohérences, de carences et autres facilités. Ces mêmes épithètes qui ont collé à la 1ère trilogie mais qui sont la chair, la sève de son caractère incontournable. A ce titre, et dans l’attente du prolongement de cette trilogie, le démarrage est certes rutilant mais avec quelques couacs. Néanmoins, deux arguments ont attiré mon attention.


D’une part, l’effet pervers inhérent à Star Wars. L’attente consécutive à cette nouvelle trilogie a été comblée par des univers tout aussi imaginaire, étendu, usant des mêmes leviers d’addiction. De facto, Star Wars épisode VII constitue une relative déception dans la mesure où elle n’instaure pas de "nouveaux codes". Face à l’influence, au poids de 8 lettres comme Star Wars, on peine à croire à ces emprunts à Game Of Thrones (cf combat final avec ce côté fantastico-médiéval), ce découpage d’intrigue trop "Marvel". De précurseur, Star Wars rentre gentiment et pas totalement parmi les suiveurs. Comme si ce côté volontairement atypique n’était que "récité" (ex : pose des acteurs très 70-80’s) à défaut d’être assumé et développé.


D’autre part et c’est un corollaire du point précédent, il y a Disney. Passe sur les visées lucratives et autre course aux records. Doucement, très doucement, l’empreinte de la souris se fait se ressentir. Ainsi, en réduisant George Lucas à un simple bénéficiaire d’un chèque avec beaucoup de zéros, on sent cette volonté de ne pas s’encombrer d’un personnage réputé minutieux jusqu’à plus soif. Tout juste a-t-on eu droit à une sorte de "bénédiction" de cet opus. Et puis place à l’exploitation en bonne et due forme d’une licence unique.


Et c’est sur ce dernier point que vient ma plus grosse crainte. Petit, l’univers Star Wars me paraissait ahurissant : plurimedia, entretenu par une communauté de passionnée…et qui s’est vu estampillée "Légendes" par Disney. Comme un atavisme vu dans ses premières œuvres (qui n’étaient au fond que des adaptations souvent très libres), Disney a entamé un travail de fond visant à "réécrire" l’histoire consécutive à l’épisode VI. Avec cette prérogative de réécriture et de validation (ou pas) de l’Histoire, Disney prend un énorme risque : celui de (dé)classifier des œuvres de référence (et ayant une portée quasi-religieuse) parmi des histoires "pas tout à fait vrai" tout en inondant le marché de livres, jeux vidéos, BD recelant d’indices, bribes d’histoires complétant les intrigues à venir.

RaZom
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le 21 déc. 2015

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