À bien y repenser, il y avait eu des signes annonciateurs. Les marketeux de chez Disney avaient eu beau se démener comme des beaux diables pour faire en sorte que les astres soient bien alignés ce mercredi 16 décembre, toute cette campagne de publicité sentait le pâté d’huîtres avariées.


Il y eut le teaser, puis le trailer, la vraie bande-annonce... À chaque fois, impossible d’empêcher les poils de se dresser lorsque retentissaient les fameuses notes du thème universellement connu.
Pourtant, déjà là, les premiers doutes apparaissaient. Tout semblait trop soigné, trop millimétré. Impossible de sentir autrement ce retour des anciennes gloires que comme un énorme appel du pied aux fans déçus de la trilogie I-II-III. Quand la drague commence si tôt, il y a bien peu de chances que le produit final soit autre chose qu’une pompe à fric destinée à plumer lesdits fans.


La machine s’est emballée il y a déjà quelques mois quand les produits dérivés ont inondé les étals. Cette fois, c’était sûr, Disney allait mettre le paquet. Il fallait bien que la firme rentre dans ses frais, après avoir claqué quatre milliards de dollars pour acquérir Lucasfilm. Des mesures drastiques ont été prises, à commencer par la fermeture de ce qui ne faisait pas rentrer des tonnes de billets verts. Le studio LucasArts a été le premier à devoir baisser le rideau (premier doigt d’honneur aux fans). Surtout, Disney a immédiatement communiqué sur son business plan, sa volonté de sortir un épisode canonique tous les deux ans, avec un spin off entre chaque sortie. La stratégie était on-ne-peut-plus claire : nous faire bouffer du Star Wars jusqu’à saturation.


Une fois installé dans le fauteuil, impossible de ne pas repenser à ces dernières semaines et cette machine commerciale diabolique qui n’en finissait plus de nous balancer de nouveaux trailers ou spots TV. Chaque jour, une nouvelle déclaration de Georges Lucas, Steven Spielberg ou Harrison Ford promettait le film ultime pour les fans.


Il y avait pourtant bien eu la jurisprudence Terminator Genisys, plus tôt dans l’année, qui nous avait rappelé qu’à Hollywood, on n’a pas de race et on n’hésite pas à encenser le film du copain contre quelques billets. Et Mickey a l’air particulièrement généreux en ce moment.


Même Daniel Craig y est allé de sa petite sortie médiatique il y a quelques mois pour dire qu’il adorerait figurer dans le film. Il paraît qu’il y est, sous l’armure d’un stormtrooper. Sans même le vouloir, juste en surveillant l’actualité ciné, on voit passer toutes ces news pendant des mois. Et on applaudit Disney pour avoir réussi à nous enfoncer Star Wars chaque jour un peu plus dans le crâne.
Autrefois, la sortie d’un épisode faisait des remous dans la presse lors de l’annonce et de la sortie. Désormais, il y a la machine Disney pour assurer au film une promotion permanente durant sa production. Et lorsque le film sort, les gens posent leur RTT pour aller le voir.


Les autres maisons de production ne s’y étaient pas trompées et toutes ont décalé les sorties de leurs blockbusters à plus tôt dans l’année ou courant 2016. Aucune chance de pouvoir lutter avec le monstre. Respectueusement ou non, tout le monde fait place.
Les journalistes eux-mêmes sortent le tapis rouge, regardent s’avancer le roi aux grandes oreilles et le supplient pour avoir le droit d’assister à l’avant-première. Si certains ont préféré attendre pour se mêler à la plèbe, d’autres ont accepté de ne pas trop en révéler, de ne pas trop critiquer, dans leur critique sous embargo. Ce n’est pas vérifié, mais d’aucuns prétendent avoir vu certains journalistes se prosterner devant le roi, durant la projection, pour lui tailler des pipes. Au lendemain, D-Day, une fois l’embargo levé, la presse est presque unanime : le film est un chef d’œuvre, d’ores-et-déjà culte.


Les fans, fébriles, en tremblent de joie et se disent que c’est trop beau pour être vrai. Beaucoup se pressent aux premières séances et en ressortent éblouis. Le besoin de communiquer est général. Alors tout le monde se prend en photo devant le cinéma, dans la salle, applaudit à la fin de la projection et rentre pour rédiger sous des torrents de lyrisme mièvre l’amour que leur inspire un tel respect de leur sacro-sainte saga. Internet explose et déborde d’avis aux superlatifs insensés. Subjectivité et objectivité semblent avoir fusionné et rien ne semble en mesure de pouvoir enrayer la machine.


Le roi n’a pas encore sorti le film dans son propre fief, aux États-Unis, qu’il regarde avec délectation la planche à billets s’affoler, les chiffres d’entrées monter en flèche, le buzz favorable submerger la toile.


Il y a bien les voix dissonantes de quelques énergumènes un peu agités dans le fond qui ne paraissent pas satisfaits. Mais la guerre n’a pas eu le temps de commencer qu’elle était déjà gagnée. Et ça, le roi aux grandes oreilles le sait.


Premier week-end d’exploitation, le film atomise les records aux États-Unis. Les voix divergentes commencent à se faire entendre, mais le film est déjà rentabilisé. Ça n’a plus aucune importance.


Alors que les spoilers pullulent, il est grand temps d’aller voir la bête.


Dimanche 20 décembre – Séance de 13h15.


Petite satisfaction : la salle est à moitié vide. Prends ça dans le museau Mickey ! Tu ne fais pas le plein à chaque séance.


Les lumières s’éteignent. Le logo Lucasfilm apparaît. Frissons garantis. Les premières notes retentissent et il devient impossible de bouder son plaisir. Malgré les réticences, les peurs et l’appréhension, le charme opère. Il y a bien quatre points de suspension après l’inévitable « Il y a bien longtemps, dans une galaxie lointaine, très lointaine ». Les détails comptent.


Et rapidement, le malaise s’installe.


(Spoilers en pagaille à partir d'ici)


Le film reprend une structure identique à celle de l’épisode IV. Durant tout le film, le spectateur ressent non pas la familiarité probablement recherchée mais l’ennui à refaire le même voyage. Difficile de ne pas y voir un manque d’audace et une peur farouche de ne pas séduire le fan. Pour éviter de le rebuter, le roi a opté pour la recette qui a déjà fait ses preuves. Le ton est donné, il n’y aura aucune prise de risque.


Ç’aurait pu être pardonnable si l’histoire avait été bien racontée. Mais dès les premières scènes, les incohérences surgissent. Les personnages manquent cruellement de fond et agissent le 3/4 du temps de manière complètement conne ou irrationnelle.


Luke Skywalker se casse vivre en ermite au fin fond du trou du cul de la galaxie juste parce que l’un de ses élèves s’est rebellé... Ce héros de la galaxie, qui a plus que contribué à faire tomber l’Empire, est devenu un putain de pleutre et part se cacher la queue entre les jambes parce que son élève a été tenté ou a cédé à l’appel du côté obscur ? C’est pourtant un des moments inévitables dans la formation Jedi que d’être tenté et d’apprendre à lutter contre l’appel du côté obscur. C’est précisément à ce moment qu’il a besoin d’un maître pour le guider et lui donner le cap. Cette justification scénaristique de l’asile de Luke est complètement absurde.
Pire, le mec part se cacher mais laisse une carte pour qu’on le retrouve... Ok, Luke n’a jamais été une lumière, mais il n’est pas non plus idiot. Pour faire ça, il pouvait se contenter de prévenir sa sœur et la sommer de ne venir qu’en cas d’absolue nécessité. Ç’aurait été plus crédible que cette histoire de carte holographique, contenue dans une clé, que détient un sombre inconnu sur une planète paumée...


L’introduction des différents personnages est particulièrement laborieuse et fait peine à voir. Entre l’arrivée bienheureuse des troupes du Premier Ordre, juste au moment où la fameuse clé a changé de mains, et le massacre qui s’ensuit de villageois qui n’avaient l’air d’être là que pour se faire massacrer, le spectateur déchante très vite.


C’est une succession ininterrompue d’incohérences qui va accompagner le spectateur dans ce long tunnel de 2h15.
Finn a été enlevé à la naissance puis a reçu un entraînement intensif pour devenir un stormtrooper du Premier Ordre, avec ce que ça implique de lavage de cerveau et de conditionnement. En bref, il s’agit d’un équivalent de jeunesses hitlériennes où on apprend à obéir au doigt et à l’œil, sans aucun libre arbitre. Mais lui a conservé une conscience et refuse d’exécuter les ordres... En gros, le Premier Ordre, successeur de l’Empire, a troqué les clones qui obéissent aveuglément contre des soldats moins fiables et présentant de fortes chances de ne pas être enclins à obéir. Logique ! Et ce subit cas de conscience n’avait jamais pu être décelé durant la formation/l’entraînement... Ils ne testent pas leurs soldats, en fait. Le personnage n’a même pas encore parlé qu’il a perdu toute crédibilité.


Concernant le Premier Ordre, il aurait été pertinent de nous expliquer de quoi il s’agit, comment il est né, ainsi que de nous présenter un minimum ses dirigeants, sa position dans la galaxie et sa sphère d’influence.
C’est même tout le contexte qui aurait dû nous être expliqué. C’est aussi un peu à cela que sert le petit préambule qui défile au début de chaque film. Alors que le spectateur s’attend à retrouver une galaxie en paix avec une nouvelle République, il trouve à la place le Premier Ordre qui, pour résumer, est méchant, veut détruire plein de planètes et la Résistance. Et la Résistance, ce sont les rebelles d’autrefois qui continuent de se cacher.
En gros, les gentils n’avaient pas gagné à la fin de l’épisode VI. Mais vu que ce n’était une évidence pour personne, un peu de communication là-dessus n’aurait pas été de trop... Mais le roi aux grandes oreilles a considéré que nous aider à mieux comprendre ne lui ferait pas gagner plus d’argent. Donc la communication a été axée sur les effets spéciaux et le fan service.


Dans cet épisode, au lieu de nous apporter des clés de compréhension, le préambule nous informe juste que Luke a disparu et que tout le monde le cherche. Mais pour quoi, d’ailleurs ?
La Résistance ne semble pas avoir besoin de lui, la galaxie l’a complètement oublié au point de se demander s’il a vraiment existé et il ne représente pas une menace pour le Premier Ordre. Pourquoi tout le monde le cherche dans ce cas ?


Les minutes passent et le spectateur assiste médusé à ce qu’on peut clairement appeler un naufrage. Lorsque l’attention se porte sur l’écriture, naissent les premières envies de souricide. Mickey aurait dû économiser sur les putes et se payer un vrai scénariste.


Les deus ex machina s’enchaînent et tout le récit se délite à mesure que les événements interviennent. Alors qu’il n’a aucune raison de sortir de sa cachette, Poe décide tout de même de se révéler pour tirer un coup de blaster sur Kylo Ren, le grand méchant qui vient pourtant de montrer qu’on ne la luit fait pas. Mais Poe, qui a visiblement pris trop de G dans son X-Wing, dans un moment d’absence de lucidité sans pareille, intervient et se fait capturer... Mais tout va bien, il est amené dans le même vaisseau que Finn qui va pouvoir briller aux yeux des spectateurs et s’assurer leur empathie en aidant à s’échapper le pilote au cerveau ramolli.
Les deux s’emparent d’un Tie Fighter : Poe aux commandes, Finn à la tourelle. On notera que ce dernier, qui se refusait à tuer dix minutes plus tôt, mitraille sans vergogne ses anciens coéquipiers et vise diablement bien puisque chaque coup ou presque fait mouche. Malheureusement, et après une scène grand guignolesque pour s’échapper, un tir ennemi les touche et leur vaisseau se crache sur Jakku. Finn reprend conscience, allongé sur le sable à distance raisonnable du vaisseau. La présence d’un parachute suffit à expliquer qu’il ait survécu, mais pas qu’il ait perdu conscience. Il s’agit d’un soldat entraîné, oui ou non ? Il retourne au vaisseau et ne retrouve que le manteau de Poe avant que le Tie Fighter ne soit englouti par...on-ne-sait-quoi. Évidemment, Poe n’est pas mort et ressurgira plus tard quand on aura besoin de X-Wings.


Parallèlement, le spectateur découvre Rey, la pilleuse d’épaves et nouvelle héroïne, celle qui prend quasiment toute l’affiche. Elle a été abandonnée par sa famille et, si ça ne suffit pas à attirer l’empathie du spectateur, elle a un cœur grand comme ça qui l’empêche de se résoudre à vendre ce petit robot collant qui la suit partout depuis dix minutes contre assez de bouffe pour assurer sa survie pendant trois mois... C’est à coup de pied de biche qu’on nous oblige à l’aimer ! Et la première chose qu’elle fait lorsqu’elle se rend compte que tout le monde veut s’emparer du petit robot et qu’il y a ce mec, Finn, qui les observe, bah c’est d’abandonner le petit robot pour courir après... Logique, encore ! Elle ne le vend pas mais l’abandonne deux secondes après...


Ledit robot, BB-8, est l’une des bonnes surprises du film. Il est mignon, fait plein de petits bips et de trucs marrants. C’est lui qui détient la clé contenant les informations menant à Luke, une constante dans la saga que de confier les éléments cruciaux à des droïdes...


Pas la peine de s’appesantir outre mesure sur l’association de Finn et Rey qui vont s’échapper de Jakku à bord du Faucon Millenium. Oui, le film qui n’hésite plus à se saborder tout seul nous montre une Rey, novice en pilotage mais surdouée, qui va apprendre à piloter ça en deux temps trois mouvements. Plus tard, elle réparera n’importe quelle panne. Ni une ni deux, les deux zigotos se font la malle, se retrouvent en plein milieu de l’espace et sont capturés par un vaisseau de contrebandiers qui passait justement par là et... Oh, surprise, Han Solo et Chewbacca. Sans déconner, les spectateurs sont-ils si cons et peu regardants qu’un tel foutage de gueule puisse se dérouler sous leurs yeux sans les révolter ? L’événement n’était même pas improbable, juste impossible... Comment pouvaient-ils passer par là, à ce moment-là ?


Plus rien n’a de sens, JJ Abrams passe son temps à faire des doigts d’honneur aux fans, qui sont cons de nature et acceptent la merde sans broncher, mais aussi à tous les autres spectateurs. Rien ne tient la route dans cette histoire. Un scénario prétexte truffé d’événements bidons qui ne réussissent jamais à captiver. Le scénario prend des détours pas possibles pour raconter des choses simples et pour masquer ce désert scénaristique.


Pire, ce nouveau volet trahit absolument tout ce qui ressortait de la saga, qu’il s’agisse des films précédents ou de l’univers étendu.
À ce sujet, Disney avait annoncé s’affranchir dudit univers étendu... Pour faire ça à la place ? Des sabres laser qui parlent, Luke qui véhicule les bonnes valeurs jedi en allant se cacher, des gloglos qui n’ont jamais touché un sabre laser de leur vie et qui le manient comme des dieux en foutant une rouste pas piquée des hannetons à un mec qui baigne dans la Force depuis des années et qui a été formé par un Jedi puis un Sith, la Force qui se dompte en quelques heures par une nana quand Anakin, Luke et tous les autres ont eu besoin d’années, voire de décennies...


Le seuil de tolérance à l’incohérence et au manque de respect est vite atteint. Disney fait complètement exploser les compteurs débilomètre avec des gentils qui réussissent toujours à atterrir à côté de la personne ou du lieu qu’il cherche, qui trouvent immédiatement la personne cible dans un vaisseau gigantesque... Les méchants, eux, sont tous complètement cons et ne voient jamais rien.


Les personnages puent l’absence d’idées. Han Solo n’est jamais convaincant et a hérité des répliques les plus nullissimes qui soient : « Viens Chewie », « Aide Chewie », « Allez Chewie »... Sans déconner, il ne sait pas aligner plus de deux mots ! En voilà un fan service bas de gamme !
À quel moment a-t-on trouvé que permettre à Rey de maîtriser la Force en dix pauvres minutes de film serait une bonne idée ? Si au moins elle avait découvert ses aptitudes de manière logique... Non, elle décide subitement qu’influencer l’esprit d’un ennemi est une chose tout à fait naturelle et qu’elle en est sûrement capable. Et quand elle s’empare d’un sabre laser, elle tient tête et ridiculise le fils spirituel, petit fils et héritier de Dark Vador.


S’agissant de ce dernier, Kylo Ren, il obtient la palme du méchant le plus ridicule de la saga. Un petit adolescent boutonneux qui s’énerve et casse tout quand il est frustré, qui enlève son masque quand on le lui demande, qui fait des prières devant le masque de son idole, qui passe son temps à rater tout ce qu’il entreprend, et qui se fait mettre minable par Finn et Rey. Ça valait bien la peine de dire merde à l’univers étendu, aux Yuuzhan Vong notamment, si c’était pour nous emmerder avec un tocard pareil.
Et son maître, Snoke, l’espèce de croisement entre Gollum et Voldemort, manque de faire éclater de rire la première fois où il apparaît. Lorsqu’il se fait dégommer sa super arme par la Résistance, il ne trouve rien de plus pertinent à dire qu’il faut que Kylo Ren rentre pour terminer son entraînement. On a plutôt envie de lui dire qu’il faudrait commencer à l’entraîner parce que, pour le moment, il ne sait tuer que les innocents désarmés.
En ce qui concerne la super arme, Starkiller, espèce d’Étoile Noire puissance dix, les questions du spectateur n’ont pas le temps de trouver de réponses qu’elle est déjà détruite. Apparemment, côté ennemi, on n’a pas trop retenu les leçons de la destruction de l’Étoile Noire. Le point faible de Starkiller est à portée immédiate du moindre assaillant et un petit commando même désorganisé composé de quelques X-Wings et de deux-trois gloglos armé de C4 à l’intérieur suffit à en venir à bout... Ça valait le coup d’investir tout le pognon du Premier Ordre dedans. La prochaine fois, ils prévoiront carrément un bouton d’autodestruction.
Jolie doublette pour Disney qui rate complètement les deux antagonistes. Aucune motivation, aucune crédibilité, aucune aura à l’écran.


Soulignons, côté musical, une paresse phénoménale de J. Williams qui s’était toujours sorti les doigts pour pondre au moins un thème sympa par film. Dans ce nouvel épisode, à part quelques variations des thèmes connus, c’est le désert auditif. Rien à retenir.


Superbe réussite esthétique, toutefois, avec un mélange splendide d’images de synthèse et de prises de vue réelles. L’abandon du tout-images-de-synthèse fait réellement plaisir à voir. Le décor devient palpable et criant de réalisme à un point jamais atteint par la trilogie I-II-III. Les effets spéciaux sont en partie réussis. Le bât blesse surtout sur les créatures animées, comme dans le vaisseau de contrebandier de Han et Chewbacca, où elles tranchent avec le reste.


JJ Abrams est un faiseur d’images, il n’y a pas à dire. Esthétiquement, en dehors des deux ennemis au look foiré, le film a une vraie gueule. Par contre, dès que c’est en mouvement, plus rien ne fonctionne. Le combat au sabre laser est complètement raté, il ne monte jamais en intensité et est très mal chorégraphié. Tout était là, pourtant : le cadre, les couleurs. Il pouvait sauver l’honneur et rate complètement l’épreuve. On peut dire ce que l’on veut de la trilogie I-II-III, les combats au sabre laser avaient du punch, étaient lisibles et absorbaient le spectateur dans la scène. Là, on aspire juste à ce que ça s’arrête.
Il en va de même pour les combats spatiaux qui enchaînent systématiquement gros plans cockpit fixes sur pilote et plans externes rapides et fouillis. Quand on repense à l’introduction de l’épisode III, on se dit qu’il y avait de quoi faire de splendides ballets aériens. Tout est raté !


Le concept même de la Force a été maltraité dans ce film. Le côté obscur a toujours été identifié comme étant le côté attirant, celui auquel il faut résister. Ici, les scénaristes nous tentent le coup du côté lumineux qui attire Kylo Ren. Il est gentil à la base, puis il bascule du côté obscur, mais comme il est un peu indécis comme mec, il est tenté de revenir du côté lumineux. C’était non seulement nul et déplacé vis-à-vis du concept initial, mais ça rend ridicule la scène clé du film : celle où il va tuer son père, Han Solo. Cette scène perd tout son impact et ne traumatise pas comme elle le devrait.
C’est d’autant plus dommageable qu’il s’agit de la meilleure idée du film : celle où Abrams tue le père, Lucas, et s’affranchit de ce qui a été fait auparavant. Cette scène aurait dû faire l’ouverture du film ; Kylo Ren aurait dû tuer Solo sans le moindre remord.
C’était le moyen idéal pour repartir sur un nouveau cycle sans tous ces moments gênants où les anciennes gloires peinent à convaincre de leur joie de se retrouver ou quand il apparaît de manière évidente que les scénaristes ne savent pas quoi faire d’eux.


Ce film est une succession de maladresses et de choix désastreux. Qu’importe que la faute incombe à Mickey ou JJ Abrams, le pari n’est pas rempli. À sa décharge, Abrams semblait être le seul à avoir les épaules pour surmonter l’épreuve. S’il n’a pas réussi, c’est peut-être que la marche était trop haute. Mais ce n’est pas une raison pour passer l’éponge.
Ce film n’avait pas le droit d’être médiocre. Il n’avait pas non plus le droit d’être tout juste bon. Plus qu’un autre, avec cette communauté qui attendait, avec ces milliards investis qui font tourner la tête, avec le merchandising complètement fou qui l’accompagne, avec le bourrage de crâne auquel on a eu le droit, ce film devait être un sommet de cinéma.


Il s’inscrit malheureusement dans la droite lignée des blockbusters inoffensifs sortis cette année. À trop vouloir rendre hommage et brosser dans le sens du poil, la machine s’est complètement enrayée et le film s’est contenté de tout copier en faisant systématiquement moins bien que ses ancêtres. Jurassic World avait au moins su faire preuve d’audace...


On a les films, les jeux, les séries, les programmes TV, les livres et les albums qu’on mérite. Il est aujourd’hui scandaleux de voir que presque tout le monde applaudit une œuvre à ce point bâclée et qui ne se cache pas de n’avoir été conçue que pour ramener des millions. Il faut voir les petits tweets sympas que tous s’envoient pour se féliciter d’avoir battu le record de millions engrangés.
Je ne préjugerais certainement pas de l’amour que voue JJ Abrams à cette saga, mais les hommages incessants, les incohérences scénaristiques et, pire, les aberrations qui trahissent l’œuvre originelle ont porté un énorme coup à cette nouvelle trilogie.


On comprend tout de suite ce qui a poussé Disney a imposé des règles aussi liberticides et absurdes aux journalistes qui devaient venir voir le film à l’avant-première. Le moindre bad buzz et c’était toute une stratégie commerciale prévue de longue date qui s’effondrait. Alors Disney a imposé que les journalistes signent un formulaire d’accord contraignant en vertu duquel ils s’interdisaient d’aborder certains sujets. Une surprotection du produit pour au final préserver le plus longtemps possible le secret sur sa qualité réelle. Et ils ont presque tous acceptés sans broncher.
Disney a rendu politiquement correcte l’autocensure.


Une question demeure : que n’aura pas brisé Disney ? Depuis son rachat, Pixar a de moins en moins été touché par la grâce et ses productions ont progressivement perdu leur fougue, leur double lecture enfant-adulte pour devenir des œuvres banales. Les licences Marvel sortent par tous les orifices, ont l’odeur du bordel mal récuré à force de surexploitation et suintent le lisier. La planche à billets n’a pourtant jamais aussi bien fonctionné.
Autrefois faiseur de rêves, Disney se contente d’acheter des licences et les presser comme des citrons. Cette dernière décennie aura été capitale pour l’entreprise qui n’en finit plus de grossir et de tuer ses licences.


Les exemples pris dans ce billet d’humeur ne sont qu’une poignée parmi une multitude d’autres absurdités qui émaillent le métrage. Le spectateur qui aura décidé de s’interroger sur la pertinence de chaque scène ne pourra que convenir d’une bien piètre qualité globale.
J’attendais un chef d’œuvre, je n’ai eu qu’un film sans intérêt. L’avenir ne s’annonce pas beau pour Star Wars. En revanche, le roi aux grandes oreilles pourra se payer encore plus de putes.


Dimanche 20 décembre – Séance de 16h15.


En sortant de la salle, la file pour la prochaine séance impressionne et s’étire jusque dans la rue...


Bien joué Mickey, tu n’es pas le roi pour rien.

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le 23 déc. 2015

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