Star Wars...


J'ai beau faire le mec stoïque, la licence Star Wars me fait, et me fera toujours vibrer. J'avais apprécié les films d'origine, j'avais réussi à prendre un certain plaisir avec la nouvelle trilogie, et je m'étais penché plus que sérieusement sur les "à côté" : livres, jeux vidéo, comics, séries.


Le véritable sel de Star Wars n'est pas d'être une simple succession de long-métrages, mais de proposer un univers cohérent que le béotien ou le fan de la première heure retrouvent avec le même intérêt. Sonorités, musiques, aspect graphique, histoire, combats, personnages : regarder un film Star Wars, c'est se replonger dans un certain confort dont on aime pas forcément être tiré. Et ce grand "tout" homogène est bien à l'origine de la substantifique moelle de la licence. L'inconscient collectif faisant que, un film de science fiction, aussi bon soit-il, n'aura jamais le même impact qu'un vrombissement de sabre laser, qu'un moteur de Tie-Fighter ou qu'une respiration de Dark Vador. Un impact sur la société telle que ce dernier se retrouve désormais au musée du Louvre, notons-le au passage. Peut-être aussi le signe que la série s'est laissée prendre par son propre impact, finalement prisonnière de sa renommée.


Car, soyons francs, si on enlève à Star Wars son identité et son univers, on se retrouve avec des films de série B tout juste moyens. L'épisode IV est bourré d'incohérences, les acteurs ne jouent pas extrêmement bien, le scénario global de la première triologie est une tragédie grecque remise au goût du jour, sans grande originalité, etc. Mais tant pis, car c'est Star Wars !


Maintenant que ce postulat de départ est posé, que nous n'oublions pas que Star Wars est Star Wars, parce qu'il est un tout, passons au film en question : Le Réveil de la Force. Attention, spoilers, of course.



Les qualités



Commençons par rendre à César ce qui appartient à JJ Abrams. Les décors sont assez beaux, l'action omniprésente, les effets spéciaux bien réalisés et la musique, toujours signée par l'extraordinaire John Williams, continue de donner un cachet au film. L'emballage est là : on est bien face à un Star Wars. Et c'est peut-être là le problème...



Les repères



L'histoire se déroule une trentaine d'année après les évènements de l'épisode VI. Mais si, rappelez-vous. L'épisode où les rebelles gagnèrent la fameuse bataille contre l'Empire, détruisirent la seconde étoile de la mort, brûlèrent Dark Vador et firent du boudin avec l'Empereur en dansant avec des nounours sauvages. Tout se terminait bien, tout le monde dansait au clair de lune(s) et même les fantômes apaisée des jedi disparus venaient profiter de la soirée mousse.


Dans le Réveil de la Force, les choses ont changé. Enfin parait-il. Enfin, on ne sait pas vraiment. Premier constat effarant : on ne sait pas où l'on en est. Ces nouveaux bad guys, a.k.a le Premier Ordre, semble surpuissant, doté d'une arme de destruction plus que massive, de nombreux soldats, et d'un système de caste et de généraux bien établis. Quant à la supposée Nouvelle République, dont on ne sait pas grand chose, elle a l'air d'être là, sans qu'on puisse en voir grand chose. D'ailleurs, la destruction de planètes importantes par le Premier Ordre, sans qu'on apprenne énormément d'informations sur elles, n'a finalement pas d'impact sur l'histoire. Oui, effectivement, le Sénat Galactique vient d'être rayé de la carte stellaire... mais on ignorait son existence, son poids.



Le rythme



Cette gêne se retrouve d'ailleurs tout au long du film, pour une raison simple : son rythme. En effet, le long métrage part dans tous les sens, enchaînant les scènes d'actions et les rendant finalement toutes assez creuses. Alors oui, c'est beau, ça explose dans tous les sens, on se poursuit, on se tire dessus mais on étouffe, à la manière de deux personnages principaux, à bout de souffle dès le début de l'aventure, de façon d'ailleurs très surjouée. Contrairement à ses aînés, et fidèle à notre époque merveilleuse où le cinéma flirte désormais avec le clip épileptique où un plan de plus de 10 secondes devient une hérésie, Le Réveil de la Force ne prend pas le temps de se poser. Exit donc les moments sympas où les héros discutent tranquillement dans le Faucon en jouant au jeu de société. Exit ces instants où l'univers à le temps de s'installer, où le spectateur prend conscience de l'environnement dans lequel le cinéaste tente de l'envelopper : élément pourtant moteur de la saga. Ici, on a pas le temps. Il faut tout montrer, tout voir, tout faire. Et le faire vite.
Malheureusement, à trop vouloir jouer la surenchère d'action, celle-ci devient bien fade. Le rythme ne pouvant redescendre, une sorte de vitesse de croisière stressante prend le pas sur tout le long-métrage, empêchant tout bonnement de rendre le film réellement immersif. Allons bon, le Sénat et trois planètes ont été détruits : qu'est-ce que cela peut nous faire, on ne nous en avons pas parlé avant. Quid de la différence entre la République et l'Alliance ? Dans quel état est la Galaxie au début de l'aventure ? Quel est le rapport de force entre les armées ? Le Premier Ordre est-il traqué par une puissante Nouvelle République ? Les deux entités font-elles jeu égal ? L'Empire est-il déjà dominant, de nouveau ?


A aucun moment il n'est possible de savoir dans quelle situation l'intrigue se place, ni si une autorité a pris le devant sur l'autre. Les méchants interviennent, tuent des innocents, puis ils reviennent mettre le boxon, et là les gentils interviennent... Sans réellement savoir qui fait la police, qui fait le rebelle. En résulte une impression brouillon d'univers incohérent sans aucun équilibre. Quelque chose à laquelle les films, adeptes des situations manichéennes nous avaient pourtant habitués.


Bref, sans introduire son histoire autrement que par le très court et habituel texte défilant du début de film, JJ abrams nous livre une succession de scènes d'actions sans grande ampleur.



Un film pour les fans ?



J'avais ouï dire, peu après la sortie du film, que celui-ci pêchait par excès de complaisance, cherchant à trop séduire les fans. Un peu inquiet à ce propos, je me demandais de quelle façon ce Star Wars VII allait réussir à faire du fan service. En fait, il a surtout fait plaisir aux spectateurs qui avaient vaguement vu la trilogie originelle et l'avait préféré (à plus ou moins juste titre) à la seconde. Car finalement, si le film fait effectivement quelques efforts pour nous faire oublier les douloureux moments en compagnie de Jar Jar Binks et l'existence de ces satanés midi-chloriens, il balaye d'un trait tout l'Univers Étendu, à savoir toutes les histoires annexes ayant eu lieu avant, pendant et après la première trilogie, souvent par le biais de (très bons) romans. Oui, les fans savaient qu'avec le rachat de Disney, tout ceci allait disparaitre du canon officiel, mais il y avait tout de même dans cet Univers Étendu un vivier d'idées et de personnages incroyable, qui aurait pu servir de base, ou du moins, d'inspiration à la réalisation de ce film.


Certes, cela relève du détail pour les non aficionados de Star Wars, mais rapidement, le film m'a prouvé qu'il s'agissait bien plus d'un Film "Cahier des charges à respecter" qu'un véritable "Film pour les Fans" (ce qui n'aurait pas non plus été une bonne idée, admettons-le).
Mais d'autres détails, plus importants et plus visibles, font véritablement mal à cet univers solide et installé depuis si longtemps. On oublie les engueulades entre Han Solo et Chewie pour calculer les coordonnées du passage en hyper espace, par exemple. Bah oui, souvenez-vous de la réplique du contrebandier dans l'épisode IV à Luke, un peu trop pressé de passer en vitesse lumière. Il lui explique alors l'importance de calculer son itinéraire, pour éviter de rentrer en collision avec une planète, un astéroïde ou autre truc chelouche flottant dans l'espace. !!! On ne part pas dans l'hyper espace sans un minimum de préparation, ce qui donne d'ailleurs tout l'intérêt à la manœuvre : il y a toujours un certain stress à déclencher la vitesse lumière, surtout lorsqu'on est poursuivi par des assaillants bien nerveux. Ici, tu peux oublier l'importance des préparatifs. Je te l'ai déjà dit ma petite Mauricette, IL FAUT ALLER VITE. Allez hop, que je te démarre le Faucon Millenium en hyper-espace depuis le garage et hop, que je te coupe la vitesse lumière directement dans la planète (fuck la gravité, l'atmosphère et les arbres). Pourquoi on s'est fait suer avant d'ailleurs ?
Continuons dans les aberrations, puisque désormais, n'importe quel gus peut manier un sabre laser, en témoigne Flinn, qui arrive à tenir plus de 30 secondes contre un soit-disant Sith. N'oublions pas qu'on nous a rabâché par le passé l'extrême difficulté du maniement du sabre ! Tiens, d'ailleurs, oublions tout le processus et le parcours initiatique autour de la Force. La jeune Rey n'a qu'à se dire "tiens, je suis peut-être Jedi moi aussi" pour voir fleurir tout une panoplie de pouvoirs super chanmés. Et oublions au passage que, jusqu'à présent, les pouvoirs de la Force permettaient des choses raisonnables, qui donnait tout de même un équilibre au film. Ainsi, depuis l'épisode IV, le Jedi ne donne pas des ordres aux gens, mais chamboule leurs pensées. Quand le vieux Obiwan Kenobi dit à un Stormtrooper qu'il "peut passer, tout est en règle", cela est quand même mon violent qu'un "libère mes liens, ouvre la porte, lâche ton arme, danse la macarena". Il influe sur sa décision, mais ne lui donne pas d'ordre précis. Mais il faut croire que toute subtilité s'est évaporée depuis...


## Un reboot assumé? ##


Le pire dans cette histoire, c'est que je m'étais préparé à tout ça. Les exagérations, le facilité soudaine d'utilisation de la Force, le pilotage d'engins spatiaux en mode "easy"...


Ce que j'avais pas anticipé, c'est le manque total de risque pris par JJ Abrams... Au final, Star Wars 7 s'impose plus ou moins officieusement comme un beau reboot du IV. Les similitudes y sont tellement évidentes qu'on se dit finalement "pourquoi pas, il nous refait la série à sa sauce". On reprend les mêmes choses, mais on grossit un peu les choses, on est en 2015 quand même bordel ! Ok les gars ?


-Début sur une planète sableuse comme Tatouine ? Check
-Petit Droïd mignon ? Check
-Passage dans la Cantina du coin, avec musique et aliens chelous ? Check !
-Planète détruit par canon laser ? Check, mais on multiplie par 3, ça fait plus badass.
-Ultra arme de la mort ? Check, mais en fait, c'est carrément une planète, ça fait plus badass !
-Petit point faible dans la structure de l'arme ultime ? Check bien sûr ! Les mecs créent des machines capables d'aspirer le Soleil, de détruire des planètes situées à des années lumières, de contrôler des armées de millions d'hommes, par contre, il faut toujours qu'il y ait un petit problème de soudure au niveau du moteur, et si possible, faire en sorte que l'univers entier soit au courant, sinon c'est pas marrant.
-Héros sympa et un peu paumé qui découvre avoir des pouvoirs ? Check
-Fille rebelle qui sait se battre ? Check
-Gros méchant avec une armure noire qui défonce et qui fait peur ? Ch...


Attendez ? On va parler quelques instants, s'il vous plait, de Kylo Ren. Le fils énervé de Han Solo et Leia Organa. Le petit Kévin qui avait demandé le costume de Dark Vador pour Noël, mais qui est dégoûté, car il n'a reçu que la sous marque chinoise du déguisement.
Oui, rappelez-vous, Dark Vador. Le Jedi déchu, vivant sous une armure impressionnante, car gravement brûlé lors du combat contre son mentor... Celui qui impressionnait autant ses alliés que ses ennemis...
Kylo Ren donc, grand fan de Vador, a lui aussi son armure, avec son casque qui filtre sa voix... Sans aucune raison. Pour jouer au méchant, peut-être.
Kylo Ren commet d'ailleurs beaucoup de bourdes au cours de l'histoire. Notamment celle d'enlever son masque en cours de film, et de dévoiler sa tête prépubère sans aucun charisme et rongée par l’acné, à mi chemin entre un jeune Rogue, pas encore professeur à Poudlard, et un adolescent émo sous tranxen. La grande classe.
Dommage, car, au final, l'histoire du Sith torturé, l'attirance, cette fois-ci, vers le côté clair, et l'installation progressive d'un bad-guy "en devenir" sont une véritable originalité. Peut-être le seul élément couillu du film, mais clairement sous exploité par le jeu médiocre d'Adam Driver et sa bouche en cul de poule.



Pas de tour de Force



Oui, disons le clairement, malgré ses beaux effets, ses protagonistes attachants, pour la plupart, et son lot d'anciens acteurs, Le Réveil de la Force manque de peps. Certes, le film a le courage d'aligner 800 scènes d'actions nerveuses et rythmée. Mais pas celui d'oser. Oser créer de nouveaux vaisseaux, comme les superbes Naboo fighters dans la première trilogie. Oser montrer de nouveaux paysages, et non des repompes de Hoth ou Tatooine.


Alors voilà... Star Wars VII est un bon film d'action. Mais est-il un bon Star Wars ?
La véritable question qui fâche est : qu'est-ce qu'un bon Star Wars.
Pire... On pourrait se demander : qu'est devenu Star Wars...


Alors, tout de même, j'attends, car malgré tous mes dires, le film reste globalement de qualité. Alors, autant garder espoir.


Seuls les épisodes suivants pourront confirmer nos impressions. Rétablir un certain équilibre dans la Force et permettre à l'intrigue et à ce film, pas foncièrement mauvais, de proposer autre chose que la refonte en HD d'une légende.

CaliKen
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le 30 déc. 2015

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