Critique initialement publiée sur CloneWeb.net
Elle contient quelques petits éléments de l'intrigue qui méritent d'être évoqués mais aucun spoiler ni aucune révélation.


Luke Skywalker est de retour. En 2015, Rey découvrait qu’elle était liée au héros de la Force à travers son sabre laser. Après moultes péripéties, la jeune femme gravissait les marches de l’île d’Ahch-To pour ramener l’arme légende à son propriétaire disparu depuis trente ans. C’est ainsi que J.J Abrams concluait le premier épisode d’une nouvelle saga Star Wars.
Le Réveil de la Force surprenait à sa manière, avec une volonté de s’affranchir des anciens personnages pour proposer quelque chose de nouveau tout en gardant une structure un peu trop vue. Malgré ses qualités, le film était trop proche d’Un Nouvel Espoir, sans réelle prise de risque, comme si la production de Lucasfilm voulait y aller mollo avec les fans. Aujourd’hui, la donne a changé. Les allées des conventions sont pleines de petites Rey et de petits Finn et un seul film a suffit. Alors il est temps de passer la seconde, ce que Rian Johnson fait avec beaucoup de brio, livrant sans doute le film le plus dense de toute la saga. Et tout aussi surprenant, mais par d’autres aspects, que le volet précédent.


Nous avions laissé Rey face à Luke mais ce n’est pas eux que l’on découvre en guise d’ouverture. On replonge plutôt dans l’affrontement entre le Premier Ordre et la Résistance. Repérés, les Rebelles ont commencé à fuir. Mais un vaisseau sur-armé leur barre la route et il faudra toute la bravoure et l’inconscience de Poe Dameron pour leur permettre de de passer en vitesse lumière. Rey, elle, se retrouve face à celui qu’elle considérait jusque là comme une légende. Mais Luke, depuis des années en exil loin de toute civilisation, a bien changé…


On n’en dira pas d’avantage tant les révélations et autres spoilers sont légion. Avec Les Derniers Jedi, Rian Johnson livre un film très riche. Certains éléments de construction du récit font penser à l’Empire Contre Attaque (la fuite des Rebelles, Rey face à Luke comme lui-même face à Yoda dans Empire) et une longue scène rappelle Le Retour du Jedi. On n’est néanmoins très loin du remake. Rian Johnson prend à de très nombreuses reprises son spectateur à rebrousse-poil tout en lui faisant croire qu’il sait où il y va, à l’image d’une scène de conclusion aussi belle qu’inattendue et détachée du récit. La promo est d’ailleurs très bossée, les bandes annonces montrant quelque chose qui est loin d’être le résultat final et planquant le plus possible des éléments clefs d’une intrigue qui mérite d’être découverte en en sachant que le moins possible.


Alors apprend-on des choses dans les Derniers Jedi ? L’Ordre touche-t-il à sa fin ? Qui va basculer du coté obscur ? Et que sait-on des parents de Rey ? Ces heures passées à théoriser sur les réseaux sociaux et autres forums Internet ont-elles servies à quelque chose ? Pas pour l’auteur de ces lignes qui a faux de bout en bout. Mais on peut dire sans gâcher quoi que ce soit que certaines questions trouvent des réponses. Et que d’autres devront attendre.


Rian Johnson livre aussi un film très beau, profitant beaucoup de superbes décors naturels (l’île irlandaise de Skellig Michael n’a jamais été aussi bien filmée) et des possibilités offertes par Industrial Light & Magic. Le numérique permet de faire dans le films des séquences qui n’auraient jamais été réalisables à l’époque des premiers films de George Lucas. Les money shots sont légion et on retiendra en particulier toute une scène filmée dans une pièce composée uniquement d’un siège, de différents protagonistes et de murs rouges vifs. A l’image d’Irvin Kerschner qui avait proposé une vision de Star Wars plus belle que ces collègues, Rian Johnson se surpasse et offre, lui, sa réalisation la plus aboutie et même si quelques micro-détails en matière d’effets spéciaux font tiquer. L’homme aime évoquer le passé et l’avenir, celui qui est toujours en mouvement, et il le prouve une nouvelle fois avec les Derniers Jedi, un film qui insiste beaucoup sur le fait qu’il faut apprendre du passé mais ne pas le retenir coute que coute pour avancer. Être nostalgique ne doit pas nous bloquer dans notre évolution et même si le passé est parfois douloureux, c’est du passé… Un aspect qui peut aussi bien s’appliquer à nous-même qu’à la production en place de l’univers Star Wars.


Le Réveil de la Force présentait des personnages incomplets. On le savait, il fallait attendre une trilogie complète pour mieux les comprendre. Les Derniers Jedi apporte donc des éléments supplémentaires, surtout en ce qui concerne Finn et Poe Dameron. L’ancien stormtrooper hérite d’une mission en compagnie d’un nouveau personnage quand le pilote de X-Wing a cette fois un vrai rôle important, quand le volet précédent ne lui offrait finalement que de l’anecdotique et malgré tout ce qu’on pouvait éprouver de sympathie pour le personnage. Mais la véritable héroïne, c’est Rey. Daisy Ridley excelle dans le rôle d’une jeune femme tenace, pugnace, et qui tient à aller au bout des choses pour obtenir des réponses, elle qui n’a jamais su vraiment qui elle était. La relation qu’elle entretien avec Kylo Ren, ou du moins son envie d’y voir du bon en Ben Solo, est aussi solide que la réalisation est carrée pour raconter cet aspect si particulier qui unit les deux personnages depuis qu’ils se sont affrontés au sabre laser dans une forêt enneigée. La Force est puissante en eux, elle l’est aussi sur l’île d’Ahch-To où quelques très belles scènes permettront à Rey de découvrir la voie des Jedi et à Luke de former cette apprentie inattendue.


Luke est un personnage passionnant. Le jeune héros qui nous a fait rêver n’est plus. Et sa première réaction quand il prend le sabre laser en main va décontenancer. Mais il ne faut pas oublier qu’il est désormais un ermite vivant dans un lieu sacré, coupé du monde, avec tout ce que ça peut impliquer en matière de relations sociales. Alors lui faudra tout le talent d’une téméraire jeune héroïne, lui rappelant forcément lui-même, pour revenir vers la lumière. En parallèle de l’ancien Jedi, Rian Johnson nous raconte la Princesse Leia. Le Général Organa. Et Carrie Fisher. Le réalisateur savait avant même le décès de l’actrice qu’il avait un film à faire sur un frère et sa soeur, et que l’un comme l’autre étaient d’importance égale. Alors il la filme avec beaucoup de classe, lui offrant des scènes là aussi très inattendues. Et le générique de fin n’en est que plus déchirant.


Les Derniers Jedi n’est pourtant pas sans petits défauts. Il faut notamment adhérer à l’humour très moderne du film, à des séquences humoristiques plus présentes qu’auparavant et parfois de trop. Tout ne fait pas mouche. Par ailleurs, certains éléments de l’intrigue font tiquer. Difficile de ne pas spoiler mais les stratégies militaires retenues, les choix de certains personnages ne sont là que pour servir le récit quand il y avait peut-être d’autres choses à faire.


Ca n’empêche pas Les Derniers Jedi d’être la grande réussite attendue, portée par la musique d’un John Williams toujours une coudée au dessus de la concurrence, un film qui joue avec les codes d’une saga, les répète pour mieux les déconstruire et surprendre le spectateur. Sa longue durée ne pose aucun problème tant tous les éléments sont nécessaires à la compréhension d’un récit aussi simple que dense. Certaines scènes resteront dans les annales de la Résistance quand d’autres feront sans doute aussi débat. Quand à Rian Johnson, il a bien mérité ses gallons de pilote du vaisseau Star Wars. Le réalisateur a réussi à faire sienne la saga le temps d’un film jusqu’au-boutiste, tout en l’incluant avec aisance dans un univers en place. On ne sait pas ce que réserve le dernier volet de cette trilogie mais on suivra avec attention le développement de la suivante. La Force est avec lui !

cloneweb
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le 12 déc. 2017

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