Chaque nouvelle opus de la saga Star Wars suscite sa vague de consternation et d'enthousiasme. L'épisode 7 fut pour ma part l'épisode de cette consternation: scénaristiquement parlant ridicule, réalisation peu expressive, un humour grotesque de type pipi-caca et surtout une direction d'acteurs catastrophique si bien que Daisy Ridley, John Boyega, Adam Driver et Oscar Isaac m'avaient indigné. Et ce n'était ni Carrie Fisher, ni Harrison Ford qui ne parvenaient à sauver les meubles.
C'est avec cette appréhension que j'abordais Les derniers Jedi. Force est de constater que le travail de Rian Johnson sur ce nouvel épisode, au regard du précédent, est conséquent et efficace, si bien que Les derniers Jedi est un blockbuster réussi sans être exceptionnel.
Rian Johnson apporte tout d'abord à l'univers de Star Wars une réalisation que l'on pourra qualifier de réussite. La relation scénique que Rian Johnson installe entre Adam Driver et Daisy Ridley et qui a été victime de critiques erronées à son égard par certains aficionados de Star Wars, est selon moi réussite; là où ces scènes auraient pu paraître caricaturale dans le réveil de la force, Rian Johnson a redressé la barre de la direction d'acteurs abyssale que J.J. Abrams avait fixé en créant des personnages crédibles. Quelle joie de voir Adam Driver ne plus apparaître comme le seigneur Sith puéril qu'il avait pu être dans le précédent et de le voir dignement dirigé comme il avait pu l'être pour Jeff Nichols avec Midnight Special et chez Jim Jarmush pour Paterson. Mais plus globalement, la direction d'acteurs est plus réussite même si l'amélioration la plus marquante concerne Adam Driver.
L'humour lourd, marque de fabrique de Disney, qui était un frein pour le réveil de la force, s'avère pesé avec davantage de parcimonies dans Les derniers Jedi. On pourra certes toujours s'indigner de certaines blagues vaseuses qui nuisent au film, mais l'effort consenti au vu du précédent opus s'avère important.
Par certains aspects, le scénario est décevant; des facilités sont prises. On observe le contrôle de Disney qui s'assure de remplir son cahier des charges sans pour autant produire de folie. On est loin du résultat qu'avait produit quelques mois plutôt Denis Villeneuve pour Blade Runner 2049 dans le genre du blockbuster. L'introduction d'un nouveau personnage d'envergure, celui Rose Tico, m'a laissé quelque peu septique, ne s'avérant qu'un simple recours scénaristique croquignolesque et la performance de Kelly Marie Tran (qui interprète Rose Tico) ne marque pas outre mesure.
On pourra aussi citer la mort puis de la résurrection de Leïa, complètement ubuesque et capillotracté. Sur cette séquence, les scénaristes avaient forcé sur le rouge. C'est quelque peu exagéré comme moyen afin de garder Leïa en vie.
Marqueur qui lasse : le "politiquement correct" de Disney. Les messages sont martelés avec une telle force qu'on se demande bien si elle vise à convaincre le spectateur ou Disney eux-mêmes que, oui, nous sommes gentils. Cette bonne conscience pour pas chère agace tant elle apparaît hypocrite et n'apporte rien au propos du film. Finalement, le plus regrettable semble être l'âge auquel Les derniers Jedis s'adressent qui est désormais réserver principalement aux enfants de moins de dix ans, de part l'exposé ci-dessus mais également des dialogues très simplistes.
Les derniers Jedis accumulent les paradoxes et contradiction: d'un côté se trouve un film réfléchi où le propos sur la force et le devenir des jedis dépasse le manichéisme apparent, mais également construit avec intelligence et pragmatisme grâce à une réalisation digne de ce nom; mais de l'autre se réfléchit une partie qui, parce qu'elle se veut de parler aux plus jeunes, est d'une simplicité puérile, avec des dialogues manichéens, et, il me semble, une photographie beaucoup moins travaillé, avec un teint beaucoup plus clair et lisse, imprégné d'une pensée bon enfant. Pour s'adresser aux moins aguerris, il n'était pas nécessaire de considérer les jeunes spectateurs comme tel; c'est fortement regrettable. Heureusement, certains éléments relèvent de peu cette partie, notamment à travers le personnage du hackeur interprété avec brio par Benicio del Toro.
Finalement, Les derniers Jedi s'impose comme un blockbuster réussi, même si la situation abracadabrantesque crée par les deux parties hétérogènes ne passent pas inaperçu.