Ce qui est frappant dans ce film, c'est la façon dont on identifie immédiatement les sources d'inspirations visuelles, selon certaines personnes, ce film est une sorte d'hommage à Fellini, eh bien c'est totalement vrai.


Nous découvrons un Allen claustrophobe, coincé dans un wagon (voici qui nous rappelle l'intro de "8 1/2", avec Marcello Mastroianni pris au piège dans une auto), l'éclairage dur, le noir et blanc et le tic-tac précis d'une horloge nous donnent pêle-mêle des références entrecroisées au cauchemar qui ouvre le film d'Ingmar Bergman "Les Fraises Sauvages". S'agit-il des scènes précises qu'Allen avait à l'esprit au moment d'écrire le film? Probablement, mais peu importe, il entend clairement faire de Stardust Memories son propre "8 1/2", et le développe comme un autoportrait un brin plaintif, et trop largement dans la métaphore et la fantaisie.


Stardust Memories est un film qui a beaucoup divisé à sa sortie, considéré comme le premier "faux pas" cinématographique de Woody Allen. C'est un film avec beaucoup de qualités, mais aussi beaucoup de problèmes. Parmi les problèmes sont parfois cachés des moments merveilleux, bien souvent trop éclipsés cependant. Il s'agit clairement d'un film imparfait.


Pour parler un peu du scénario, Woody Allen joue Sandy Bates, un réalisateur de cinéma de renommée à la recherche de changement. Il est invité à une rétrospective de ses films, où il est confronté avec les fans et critiques. Ce qui le fait réfléchir à une relation passée qui s'est mal terminée, et qui le hante toujours, il tente depuis de trouver le bonheur avec une nouvelle partenaire.


Le point le plus intéressant du récit, c'est le parti pris plutôt radical que prend Allen. Il s'agit d'un portrait noir et amer de son public, un public qui, à l'époque, l'adorait. Le public est en grande partie stupide, va se moquer pour un rien, ne comprend rien à ses œuvres, manque de finesse, est grossier et intrusif.


Et ces attaques font partie d'une grande question: Qu'est-ce que la vie? Parfois on dirait qu'Allen s'interroge sur ce que cela signifie d'être un cinéaste tout simplement.


Le film est très sévère, mais a beaucoup de bons moments également. La blague subtile des images dans l'appartement, reflétant ce que les gens pensent. Les films de Bates, tous les sketches drôles qui auraient pu se retrouver dans ses propres films. La scène avec les étrangers est par ailleurs l'une des meilleures de la filmo de Allen.


Charlotte Rampling est plutôt envoûtante en tant que Dorrie. Elle est très belle et fragile, et on a l'impression de ressentir chacune de ses émotions. La photo est très réussie, c'est Gordon Willis, qui a également travaillé sur Manhattan et Annie Hall, qui se charge d'embellir le film avec son savoir-faire. On peut encore citer du côté du casting, un assemblage de visages étonnants (y compris deux guests, qui n'étaient pas encore stars à ce moment-là: Sharon Stone et Daniel Stern). Woody Allen a toujours aimé le jazz et la grande musique populaire américaine dominante. Il y en a beaucoup dans Stardust Memories, mais pas utilisé de la même manière que dans ses autres films, généralement la musique amplifie, ou accompagne la scène chez Allen, ici elle la survole. Il y a une scène en particulier, où Allen se souvient d'une magnifique journée de printemps passée avec un ancien amour (Charlotte Rampling), il regarde dans son appartement, la voit, et pendant un moment estime que sa vie est parfaite. Pendant qu'Allen nous montre ce moment, Louis Armstrong chante "Stardust" en fond, ce point précis est quelque peu dérangeant, car notre attention est presque entièrement portée au phrasé jazz d'Armstrong et pas à la scène.


Parfois cependant, le film semble s'enclencher et tout cela fonctionne à merveille. Les visuels magnifiques, la musique, et le fantasme prennent le relais. Allen est confiant dans sa réalisation, use de beaucoup de longs plans, et flaire bien le dramatique par sa mise en scène. La fin du film est finalement édifiante, en plus de faire écho avec celle de Manhattan.


Le film est-il autobiographique? Pas selon son réalisateur, mais il est difficile de ne pas voir de nombreux éléments de sa vie et de son expérience dans ce film. Un pessimiste face à l'adoration presque universelle. Une personnalité recluse accédant soudain à la célébrité. C'est sans doute exagéré, mais Allen semble parfois afficher une sorte de naïveté de par ce qu'il nous montre dans ses films, comme si ils trahissaient sa propre personnalité.


On en vient presque à avoir quelques regrets au final, si seulement le film avait été mieux coupé. Si seulement la structure n'était pas si bizarre. Si seulement il n'y avait pas un trop grand nombre d'astuce de montage, et de tics de réalisation. Si seulement tant de parcelles du film n'étaient pas placées sans but réel. Le sens de la vie est un sujet vaste et sur lequel il y a beaucoup à dire. Mais malheureusement ce n'est pas très bien traité dans ce film. Et il n'a pas l'humanité des meilleurs travaux d'Allen.


Woody Allen a toujours été en admiration devant les grands metteurs en scène européens, et c'est très bien, mais qu'est-ce que ce film peut nous apporter de plus que "8 1/2"? pas grand chose. Dans le film de Fellini, le héros était entouré de flagorneurs, associés d'affaires, futurs collaborateurs, épouses, maîtresses, de vieux amis, qui font tous appel à son humanité. Dans l'imagerie de Stardust Memories, il manque une profondeur, un contexte personnel.


Ici, l'amour de Allen pour le cinéma européen semble écraser son propre film, et par conséquent ce que nous aimons dans les films de Woody Allen. Mais il vaut mieux le considérer comme un travail imparfait qu'un film vraiment mauvais. Et finalement tout de même assez beau.

Schwitz
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le 27 oct. 2016

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