Starship Troopers 2 : Héros de la fédération est un traumatisme de gosse.


Je me souviens de cette soirée de 2004 où, alors âgé de six ans, je sortais de ma chambre, livide, en direction du salon. Mes parents, me demandant ce qu'il se passait, ne s'attendaient pas à la réponse : "Papa, maman, Starship Troopers 2... Ca se ramène en magasin, un film?". Honteux, n'est-il pas? Honteux de se dire qu'un si petit film, qu'une si grande insulte à l'oeuvre de Paul Verhoeven m'ait mis dans de tels états.


Pas tant que cela, finalement : il suffit de le revoir pour se rendre compte qu'à contrario de nombre de suites en DTV, celui-ci maintient une certaine efficacité dans son horreur (efficacité possiblement dictée par mes souvenirs d'enfance). Forcé d'en faire un huis-clos, huis-clos qui n'a finalement plus grand chose à voir avec le roman d'origine (faites vos adieux aux grands espaces), Phil Tippett, à l'origine des effets spéciaux du premier (mais aussi de ceux de Jurassic Park, Star Wars et Robocop) joue comme il peut avec le faible budget alloué. Et sans fibre de metteur en scène, lui qui doit composer des plans sans argent, rappelle tristement, à chaque cadrage hasardeux, à chacune de ses compositions sans envergure, la nature bis et low coast de son projet.


Affreusement plat lorsqu'il doit mettre en images les affrontements à plus grande échelle du début, Tippett ne sait pas comment faire passer ses plans de la 2D à la 3D; perdu dans une mélasse d'effets numériques qu'il ne maîtrise ni à la composition ni à la réalisation, il s'embourbe peu à peu dans une mise en scène sans relief ni épaisseur, contrainte au huis clos z pour dissimuler son absence d'ambition et de portée.


S'il fallait la preuve qu'on ne peut pas s'improviser réalisateur quand ce n'est pas notre métier initial, Héros de la fédération en est une preuve irréfutable.


Et pourtant, cela a marché sur moi.


Parce que Tippett, généreux lorsqu'il doit donner vie à ses monstres, ne lésine jamais sur les effets gores et les mises à mort dégueulasses, avec un travail plutôt réussi sur les corps (Kelly Carlson, nue et couverte de sang, qui s'apprête à tuer encore et encore) et des transformations physiques purement cauchemardesques. Il faut dire qu'il présente des CGI pas si honteux pour l'époque et le contexte de sa sortie, que ce soit les arachnides de départ ou les nouveaux parasites, moteur de tension paranoïaque à la The Thing ou Body Snatchers (rassurez-vous, il pompe aussi allègrement sur Alien).


Encore fallait-il savoir les filmer; mais paradoxalement, son incompétence à la réalisation décuple l'efficacité de ses effets horrifiques et répugnants. Nous l'abordions déjà dans la critique d'Urban Legend 3 : l'horreur viscérale, vomitive du film d'épouvante low coast, celle qui, par son manque de talent et de budget, donne lieu à un gore nouveau, sans limite de mauvais goût, toujours plus performante lorsqu'il s'agit de repousser les limites sadiques des mises à mort, le répugnant à son paroxysme.


La réalisation de Tippett, couplée au jeu désastreux des acteurs, tient une place moins importante dans ce phénomène que la photographie gerbante de Christian Sebalt (Resident Evil : Apocalypse, c'était lui), inesthétique au possible, qui ne sait ni gérer les couleurs chaudes ni exposer ses acteurs au clair obscur, et pousse chaque tentative de cadrage du réalisateur au simple stade d'essai navrant de DTV.


Et l'on retrouve, en parallèle à toute cette débâcle, le scénariste attitré de la saga, *Ed Neumeie*r (également à l'oeuvre sur la franchise Robocop), revenu à la charge pour perpétuer le propos anti-impérialisme américain du hollandais violent, et montrer, une fois de plus, comment la fonction du citoyen détruit l'humanité du civil. Dans l'idée, c'était prometteur : le personnage de
Dax, tenu par Richard Burgi (plutôt charismatique et crédible, en fin de compte), impose comme nouvelle approche la dissidence morale, vertueuse face à cette Fédération qui annihile toute humanité chez ses troupes.


Condamné à mort pour avoir abattu le supérieur ayant causé la mort de ses hommes, il évolue comme un fléau autour de qui tout le monde doit mourir : cette malédiction forcée par l'évolution de la guerre ne pouvant disparaître qu'à sa propre mort, il s'impose, durant tout le film, comme l'anti-héros dans sa définition la plus brute, incapable de la moindre touche d'héroïsme brut. C'est, d'une certaine façon, le contraire des protagonistes du premier film; du moins, jusqu'à cette fin en baroud d'honneur, où tout en slow motion et en bouillie de CGI (pas trop dégueulasse pour le coup), il mettra les paroles au bout des actes en mourant pour la mère à venir, l'héroïne, et pas la Mère du peuple, la Fédération.


Cette tragédie, annoncée en filigrane depuis le milieu du film, conduit cette première suite au meilleur moment de son heure trente de durée (ou au moins pire, c'est selon) : le rappel que l'homme n'est bon qu'à servir de chair à canon pour la Fédération (on se félicite d'une naissance comme effort de guerre : le nouveau né comme futur décès), et que le système, suffisamment intelligent pour tourner toute dissidence à son avantage, a suffisamment peu de décence pour recycler l'un de ses déserteurs reconnus comme porte étendard de l'héroïsme et de la démarche à suivre pour être un bon citoyen : mourir en martyr pour que puisse subsister la Fédération et ses Sky Marshals incompétents, passer de vie à statue pour pousser les nouvelles générations à tomber sous les coups tranchants des arachnides.


Pour au moins dix minutes, l'esprit du premier s'est éveillé.

FloBerne

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