Haha, le ralenti de fin est quand même bien marrant : c'est le comble de la niaiserie en quelques sortes.


Ce qui est dommage, pour commencer, c'est le manque de crédibilité de ce film. On ne croit jamais à cet univers, à ce centre... les éducateurs ont l'air encore plus largués que les enfants qui y résident, de plus on ne se focalise que sur 4 d'entre eux, comme s'il n'y avait personne d'autre. Ah si, on parle parfois des thérapeutes avec le boss (qui n'a pas l'air de foutre grand chose, soi dit en passant, à part téléphoner et toucher sa lampe) pour n'en dire que du mal (ils font mal leur boulot, les éducateurs en revanche sont plus aptes à dresser un portrait psychologique du gosse, d'ailleurs, leurs remèdes fonctionnent vachement mieux que les prescriptions toutes saugrenues des professionnels). C'est vraiment dommage de n'avoir pas cherché à aborder de manière plus réaliste ce système, ça n'aurait pas empêché de traiter des mêmes thèmes, c'est juste que l'histoire aurait alors paru plus crédible.


Mais bon, que ce soit réaliste ou pas, finalement, c'est secondaire : à partir du moment où on me raconte une histoire, ok, je suis prêt à accepter les fantaisies. Donc ce n'est pas si grave, au final, si les éducateurs font ici tout tout seul, même si on ne sait pas trop comment ils s'organisent à 4 pour faire les nuits (visiblement la black fait des journées de 24h puisqu'elle est là quand les blancs partent et elle est toujours là quand ils reviennent au petit matin... donc je suppose que même si elle n'en fout pas une dès que les héros sont là, elle se tape tout le boulot en solo pendant qu'ils règlent leur problèmes de couple ou qu'ils dorment)... Là où ça devient ennuyant, c'est dans la manière de résoudre le peu de conflits. Déjà, y-a-t-il beaucoup de conflits ? Pas beaucoup. Les auteurs flirtent plutôt avec le misérabilisme, c'est-à-dire des ennuis face auxquels on ne peut pas grand chose : le mal-être existentiel. Un conflit, un vrai, il est résolvable : c'est pas exemple récupérer une vieille relique piégée dans un vieux temple indien. Cela n'empêche pas d'avoir des conflits moraux (internes), mais ils sont souvent couplés avec des conflits physiques (externes). Et dans tous les cas, il ne suffit pas de parler un peu pour qu'un conflit interne soit résolu...


Et c'est là-dedans que se vautrent les auteurs. Tous les conflits pourtant misérabilistes se voient résolus par la force des mots ou des petites attentions. Des tensions, on passe aux joies de la vie en un clin d’œil, il suffit de se serrer les coudes, de parler un peu, pleurer éventuellement et émettre des raisonnements express. C'est vraiment agaçant de voir avec quelle facilité chacun va s'en sortir. Cela donne l'impression que les enjeux sont faibles, voire inexistant.


Il faut tout de même reconnaître de la qualité d'écriture : le passage de la tristesse à la joie se fait naturellement. On y croit un peu sur le moment, les auteurs savent bien agencer leurs dialogues, amener les petites choses touchantes. Le génie de ces ado (l'un qui pond un texte de rap, l'autre qui écrit un conte) fait sourire (quand je parlais de chose pas crédible... être malheureux ne forme pas systématiquement des artistes géniaux or c'est ce que les auteurs donnent comme impression) mais c'est amené de façon à arracher les larmes. Je n'ai pas pleuré, mais j'ai été touché par certaines scènes, avant de me rendre compte que... quoi c'est tout ? il suffit d'un poème, d'un partage, d'une anecdote partagée pour que tout aille mieux dans le meilleur des mondes ?


Le scénario est donc très faible parce qu'il ne permet pas d'approfondir l'univers présenté ni l'univers réaliste. Les situations comportent de bonnes idées mais la manière de résoudre les conflits est trop simple, trop irréfléchie. Les personnages aussi agacent : soit ils sont vides soit ils ont un passé très trouble mais rien n'est savamment exploité.


Mais ce qui est vraiment très bête, c'est que ça démarre avec l'arrivée d'un nouvel éducateur : l'occasion idéale (et classique narrativement parlant) pour pénétrer un univers, apprendre à le connaître. Mais ce personnage est vite mis de côté : il n'est là que pour montrer les petites erreurs que l'on peut faire dans le métier (sans que cela n'ait de grosse conséquence ceci dit), amener un peu d'humour et parfois, éventuellement, servir d'identifiant ou plutôt de référence au spectateur incertain de savoir s'il doit trouver tout cela difficile ou juste amusant (ainsi donc il s'épanche souvent pour dire combien c'est difficile).


Reste une mise en scène réussie, qui va là où il faut pour amplifier l'aspect émotion. Le ralenti m'a fait rire mais c'est clairement le truc qui fonctionne pour un tel produit. Il est d'ailleurs étonnant que le réalisateur n'ait pas cédé à cet artifice plus tôt durant le film. La photographie, typique du genre indie (jusqu'à la conception graphique de l'affiche), fonctionne assez bien, le tout accompagné d'une bande-son appropriée. En fait, le film dit indépendant est depuis plusieurs années déjà devenu un genre en soi, avec ses codes et ses règles, et les auteurs s'en servent finalement assez bien pour faire leur film.


Pour en revenir au centre assez mal exploité, cela se ressent aussi dans le décors : en fait, on sait qu'il y a une salle commune, un jardin, des chambres et deux bureaux... mais à part ça ? les pièces sont finalement anonymes alors que ça aurait été l'occasion d'approfondir ces personnages-gosses (qui eux aussi passent pour la plupart à la trappe au profit des éducateurs). Si, ils sont montrés quand ça sert l'histoire, comme le gag du pénis... mais c'est tellement faible.


Le casting est bon : chacun joue son rôle sincèrement, sobrement, efficacement. Brie Larson est toute mignonne en jeune femme ayant été abusée par son père dans sa jeunesse. Les gamins jouent bien aussi, c'est d'autant plus dommage de ne pas les exploiter davantage.


En fait, ce film m'a rappelé "Hippocrate" : on nous présente un corps de métier en nous brossant des portraits étincelants de personnalités fortes et justes (parce que finalement, malgré le comportement excessif de l'héroïne, elle a tout de même raison sur toute la ligne, c'est du moins le point de vue adopté par les auteurs). Jamais on ne met en doute la profession qui en bave déjà assez avec les difficultés propres à la profession (sans parler des collègues médicaux qui font mal leur boulot et les empêche d'être efficace) ; sauf que dans "Hippocrate", le pathos est moins exagéré (l'auteur a choisi de mettre de la distance) et l'univers hospitalier un poil plus réaliste (même si à nouveau les infirmiers et les médecins sont tous des gens bien, ce sont les directeurs qui font mal leur boulot).


Bref, je ne me suis pas ennuyé devant ce film, il est suffisamment bien écrit et réalisé pour empêcher cela, mais la facilité avec la quelle les personnages s'en sortent et le traitement superficiel et pas assez neutre du sujet en font un film au final assez peu intéressant.

Fatpooper
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le 13 oct. 2016

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