Ce film est très important pour moi. Il m'a permis de découvrir Jia Zhang-ke, cinéaste majeur actuellement. Un de ces artistes dont la réalisation crée un monde unique, novateur et terriblement pesonnel (donc, soit on accroche, soit on ne supporte pas).
Still Life raconte l'histoire de deux personnages, deux solitaires qui recherchent leur conjoint perdu.

Mais surtout, Still Life, c'est un lieu. Une ville chinoise, jusque à côté du gigantesque chantier du barrage des Trois Gorges. Une ville en sursis, dont une partie est déjà détruite (à cause du lac de retenue, qui monte progressivement) et dont le reste sera également à l'état de ruine sous peu. C'est assez terrifiant de voir le niveau prévisionnel, peint en bleu sur les murs des maisons, dans des rues encombrées de gravats.
Ces destructions sont réelles, mais elles sont aussi à prendre en un sens plus symbolique. Symbole d'une Chine qui avance comme un rouleau compresseur, détruisant tout sur son passage (y compris son propre passé) et ne cherchant pas à voir le mal qu'elle peut procurer à son peuple.

Plus que les deux personnages, le film nous montre deux Chine, celle des vainqueurs, des conquérants, des bâtisseurs, et celle des exclus, des exploités, de ceux à qui l'insolente réussite économique du pays n'apporte rien. Les deux sociétés se retrouvent autour du barrage : ceux qui en sont les promoteurs (et qui s'en réjouissent, à coups de feux d'artifices et de bouteilles de champagne) et ceux qui le subissent (les démolisseurs de maisons ou les expropriés, par exemple).
Et dans cette Chine qui s'est ouverte à l'économie de marché la plus brutale, tout est marchandise, y compris les humains : le personnage principal n'avoue-t-il pas qu'il avait acheté sa femme ? Ne la cherche-t-il pas comme on cherche un objet qu'on a perdu ?

La réalisation est extraordinaire. Des plans très longs et lents, contemplatifs, une photographie absolument splendide. Oui, le film est extrêmement lent, mais cela participe à sa beauté.
Et puis, il y a ce style inimitable, mélange de documentaire, d'onirisme, d'une ironie subtile mais bien présente (on est en Chine : si on veut que le film existe, il faut agir en finesse).
Un superbe film, qui a amplement mérité son Lion D'or.
SanFelice
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le 5 sept. 2012

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SanFelice

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