Il y 'aurait tant à dire sur cet époustouflant hommage à la beauté plurielle,qui nous offre en à peine deux heures un concentré d'émotion rarement atteint ces dernières années.Naomie Kawase possède ce talent,semble t'il inné,pour nous plonger dans les affres tumultueuses de personnes en proie à des doutes existentiels profondément funèbres.Une telle approche,entre les mains de beaucoup de ses confrères,aurait pu donné lieu à un pensum tétanisant de maniérisme et de platitude.L’Au-delà et le mysticisme,sujets éminemment brumeux dès lors qu'ils sont traités avec paresse et légèreté,façonnent un cinéma de contrefaçon proprement imbuvable.La est la force de la japonaise,qui s'empare de l'imaginaire pour nous conduire à une sensibilité à fleur de peau bouleversante.La nature est pour elle le reflet de notre propre violence et traduit notre incapacité à nous accepter tel que nous sommes.

Ainsi en est il de ces deux beaux jeunes amants,transis d'un amour naissant céleste,mais bien incapables de franchir le pas décisif.Touchants de timidité et d'hésitations,ils ne savent que faire de ce perturbant sentiment,eux qui se découvrent une sexualité abrasive.Elle,prévenante et soucieuse de son partenaire,avance lentement mais surement vers une maturité précoce.Lui,silencieux et secret,se terrant dans une incertitude difficile,garde son passé familial comme un fardeau lourd de sens.L'évanescence de la jeunesse est le contrepoint mélancolique de la dégénérescence adulte.Tandis que les premiers s'ouvrent aux charmes infinies de la vie,les seconds se délitent à petit feu.Le père de la petite reste au chevet de son épouse mourante et la mère du jeune garçon réinvente péniblement son existence.Le cycle de la vie procède ainsi,dans un perpétuel mouvement de balance.De la peine procède la joie et de l'inévitable destinée de chacun émerge la vigueur de l'allégresse.C'est le sens de ces réunions post-mortem ou les vivants célèbrent les âmes errantes dans une profusion de chants ancestraux sublimes.S'en dégage une douceur apaisante pleine de sagesse,propre à la culture asiatique en général et nipponne en particulier.

Viendra alors le temps ou la confusion des sentiments se confondra avec le déchainement exponentiel d'une faune et surtout d'une flore intraitable avec sa Création.Le cadavre d'un homme retrouvé dans la mer tourbillonnante au tout début n'est qu'un simple prétexte trouvée par l'auteure pour tisser une intrigue élégiaque.L'épilogue tendra à une épure des traumatismes en accaparant ses enfants dans un ballet aquatique synonyme de symbiose,symbole de la naissance voir de la renaissance du fœtus Humain.Liquide amniotique duquel naissent les êtres vivants autant que source nourricière de la Planète,l'eau demeure pour la réalisatrice notre élément naturel fondamental.Le souci du détail la pousse à rendre complétement charnelle cette danse nuptiale,caressant avec sa caméra ces corps dénudés avec un érotisme polisson sans une once de vulgarité.Il suffit de se laisser bercer par l'onirisme de la mise en scène absolument splendide pour se lover chaleureusement dans ce long-métrage d'une force inouïe.Succession de cadres composés méticuleusement dans une lumière naturelle pour renforcer la sensation de plénitude qui le traverse,le film à le bonheur de magnifier ses acteurs et n'hésite pas à emprunter des chemins de traverse pour mieux se retrouver ensuite.

Car voila bien le sujet principal:la beauté.Splendeur des décors,attirance physique inévitable pour ces hommes et ces femmes livrés à eux même,élégance évidente des relations de cœur,attractivité de la ville tokyoïte source de solitude mais refuge des laissés pour compte que défend ardemment Kawase.Cette envie de sublimer le moindre fait ou geste anodin pour en révéler sa pulsion de jouissance,la nécessité d’affronter l'horrible pour s'en prémunir,voila ce qui achève de nous convaincre que nous fait face un poème magistral qu'il nous sera impossible d'oublier.Son injuste oubli à Cannes cette année est caractéristique de décisions parfois injustes et contestables.Puisse le public réparer cette méprise en couronnant l’œuvre du succès qu'elle mérite amplement.
Sabri_Collignon
10

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le 2 oct. 2014

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