Dans un village côtier au Japon, Kaito, un adolescent, aperçoit un corps sans vie, ramené par les vagues. Qui est-il et quelle est la cause de la mort ? A ces questions s’ajoutent des questionnements plus profonds, sur le sens de la vie et sa triste inéluctabilité.


La mère de Kyoko, une amie de Kaito, est mourante. Pourquoi arrive-t-il que les êtres qui nous sont chers partent trop tôt, laissant un vide insupportable ? Cette question peut paraître simpliste, mais pourtant qui ne se l’ait pas déjà posée lorsque que des proches s’en vont ? Dans un premier temps, elle ne veut pas croire à cette issue, elle se raccroche à des chimères. Sa mère est en effet une chaman, l’intermédiaire entre les mortels et les Dieux, elle n’est pas censée mourir. Sauf les Dieux meurent aussi… Elle est bien forcée alors d’accepter ce qu’on aimerait ne voir jamais arriver. Les aïeuls de la famille la rassurent, si le corps lui disparaît, l’âme reste. Dans une magnifique scène où des proches viennent jouer des partitions de musique qu’elle adorait, la mère mourante sourit à sa fille, malgré sa fin proche. Elle sourit car elle sait qu’après son départ, la vie va continuer au travers de sa fille, qui la perpétuera à son tour.


Comment vivre alors, tout en sachant cette inexorable fin ? C’est un autre ancien qui donne des éléments de réponse. Profiter de la vie, trouver ce qui nous fait plaisir, explorer le fond de la mer à la recherche de ses secrets et de ses mystères, avant que notre corps ne le puisse plus.


Dans les contrées asiatiques, le rapport à la mort est différent de celui des occidentaux. Dans notre culture, la mort est vécue comme une disparition brutale plongeant les proches de l’être décédé dans le plus profond désarroi. En Asie, la mort est d’avantage perçue comme faisant partie du cycle de la vie, et est donc mieux acceptée. Si elle provoque évidemment une grande tristesse, c’est différent du déchirement subi dans les contrées occidentales.


Toute personne meurt donc un jour. Comme les arbres, qu’un engin mécanique vient déraciner. Signe de l’inéluctabilité du temps qui avance, indifférent à l’impact sentimental de son passage.
Tout a une fin, comme les relations amoureuses. Kaito ne s’est jamais remis du divorce de ses parents. Comment des personnes qui s’aimaient, finissent par ne plus s’aimer et à se séparer ? Comment s’engager pleinement dans une relation amoureuse, si tout peut finir plus tard ? Il n’a jamais pardonné à sa mère de continuer à vivre et de voir d’autres hommes. Perturbé, il est incapable d’accepter l’amour de Kyoko, elle pourtant si désireuse de se lier à lui. Derrière ce jeune garçon plutôt impassible, au regard se perdant dans le lointain, se cache un cœur aussi tourmenté que les tempêtes qui traversent régulièrement le pays. Le jeune homme devra affronter ses peurs pour s’ouvrir à la vie.
Magnifiques scènes où les deux jeunes adultes, se livrent l’un à l’autre, s’ouvrent à la nature, libérés de leurs chaînes, nus comme au premier jour dans l’océan primordial.


Séismes, typhons, le Japon est un pays confronté à plusieurs catastrophes naturelles variées. S’est ainsi développé dans la culture de ce pays un profond respect pour la nature et ses diverses manifestations. De nos jours encore, divers rituels, des danses cérémoniales pour invoquer les esprits protecteurs, continuent d’être suivis. Ce respect et cet émerveillement de la nature, dont la contemplation semble pouvoir apporter une meilleure compréhension du sens de la vie, se ressent pleinement dans « still the water ». Il semble d’ailleurs que ce soit un des thèmes phares de la réalisatrice Naomi Kawase.


« Still the water » est éminemment contemplatif, de ce genre de film qui peut rebuter beaucoup de monde tout en marquant profondément d’autres. De ce genre de films qu’il vaut mieux il est vrai ne pas visionner en étant fatigué, dont on aimerait que certains plans soient plus courts (les gros plans sur les visages durent effectivement un peu trop longtemps), dont on se demande si le film ne gagnerait pas à avoir quelques scènes en moins, qui semblent pouvoir être supprimées sans que cela impact le film.
La poésie qui se dégage est manifeste, la beauté des paysages, la musique d’une douce mélancolie produisent un effet envoûtant certain. Les personnages, une fois que l’on a cerné leurs tourments, deviennent attachants. Si l’on veut bien céder aux chants des sirènes et oublier la lenteur de l’embarcation, le voyage pourrait bien être magique.

Enlak
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le 2 janv. 2019

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