Il y avait à peu près tous les éléments pour me rebuter et ne pas me donner envie de voir ce film dans les critiques négatives :

- La nouvelle vague coréenne vampirisée par hollywood : des créateurs de génie obligés d'aseptiser leurs talents pour coller aux attentes du spectateur américain moyen, et de bosser sur les résidus de scenars calamiteux dont personne ne veut (Je pense notamment au "Dernier rempart" de Kim Jee Woon, même si je n'ai pas osé le voir pour m'en faire ma propre opinion).

- Un film décrit comme "pesant", "lourd", où "il est moins question d'une histoire que de l'éveil sexuel d'une adolescente", autant dire des choses qui me passionnent éminemment.

Et pourtant, je dois être con, mais dès les premières minutes de générique (ahh ces arrêts sur image), j'ai senti toute la roublardise, mais aussi toute la créativité et l'amusement de Park Chan Wook aux manettes, comme un enfant taré qui s'amuse avec son jouet, et je n'ai pas pu m'empêcher de me marrer comme un bossu (enfin le plus discrètement possible pour ne pas gâcher le plaisir de ceux qui regardaient ce film au premier degré) durant tout le film (et de fait je me suis senti parfois un peu seul, puisque visiblement ça n'est pas sensé être un film marrant).

D'abord Mia Wasikowska dans le rôle d'une autiste, et son allure de Camille Muffat
la nageuse championne olympique ( http://www.senscritique.com/film/Stoker/critique/22203555 ).

Ensuite Nicole Kidman hilarante en demeurée totale.

Et enfin, le visiteur psychopathe monstrueux et sa bonne bouille d'hibou inquisiteur : le génial Matthew Goode qui fait dans le sourire pervers à la D-Day Lewis. Acteur que je n'aime pas vraiment en plus de ça, avec ses côtés snobinards grande perche, mais qui ici est fabuleux.

Pourquoi?

Parce que les acteurs, tous sans exception prennent un plaisir fabuleux à jouer leur rôle, je trouve que ça transparaît à l'écran, ce qui rend le film d'autant plus jouissif.
Plaisir de réalisateur aussi, Park Chan Wook s'amuse comme un fou, à partir d'un scénario sans grand intérêt qui aurait été converti en navet sympathiquement chiant s'il avait été réalisé par un quidam d'hollywood.

Ici c'est la claque d'un réalisateur totalement inspiré, qui se joue gratuitement des codes de films de suspense, de vampire (ahhh cette scène proprement géniale où le visage du personnage de Mia se "téléporte" par surprise en arrière-arrière plan derrière la vitre d'un salon où dansent langoureusement le duo Kidman/Goode sur l'air de Summer Wine), qui fusionne des tonnes de références (Carrie au bal du diable, la féline, les hitchcock ...), en peinture (les cheveux peignés qui se transforment en prairie), en musique (Quelle BO géniale bon sang! La scène du piano avec du Philip Glass en accompagnement s'il vous plaît) , qui fait preuve d'une virtuosité proprement hallucinante, avec un nombre invraisemblable de trouvailles de mise en scène, d'expérimentations baroques (même si les procédés de montages alternés sont un peu systématiques). A un moment donné, il faut se résoudre à l'évidence, la construction de certaines scènes est juste hallucinante de créativité, et jamais ça ne nuit au film à mon sens.

Car là où dans un mauvais De Palma, les procédés formels peuvent durablement nuire, en alourdissant excessivement ses films, et en les faisant littéralement tourner à vide, ici justement contrairement aux critiques que j'ai pu lire, le film n'a rien de lourd ou d'épais, grâce à une subtile alchimie, alors qu'il ne raconte pratiquement rien en 1H40, il réussit l'exploit d'être aérien, léger, surréaliste, parfois très angoissant, et délirant (d'où pour moi l'excellente comédie).

Un vrai plaisir de cinéma, qu'il ne faut pas avoir peur de découvrir.

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le 6 mai 2013

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KingRabbit

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