Un film très joliment réalisé sur la perte de l'innocence et le passage à l'âge adulte. Deux sens différents de l'innocence semblent d'ailleurs y être traités et de manière si littérale que ça en est provoquant et gênant.


Il y a celui de la fin de l'adolescence, la fin d'une période de distanciation avec la famille, avec ce qui nous a formé et constitué jusque là; la fin des sensations repoussantes qui marquent peut-être une crise dans cette période de métamorphose.
Au grès de cette évolution sensuelle que la mise en scène rend systématique, le personnage principal achève la construction d'une personnalité qui a pris forme, entre autre, dans l'apprentissage de la chasse. Mais peut-être que l'auteur a voulu effectuer une métaphore, une identification, entre le thème de la chasse et celui de la vie. Partir à la chasse, partir de chez soi, voilà qui sonne bien, et nous permet aussi de faire le lien avec le deuxième sens du mot "innocence" exploité dans ce film.
India (c'est son nom) est confrontée au cours du film à des sensations qu'elles n'avait jamais éprouvé auparavant; celles d'une adolescente qui éprouve d'avantage un plaisir appelé par ses hormones, mais aussi celles promulguées par l'expérience d'événements tragiques qui se déroulent autour d'elle et à laquelle sa famille semble mêlée.
Park Chan-Wook, le réalisateur, dit s'être intéressé à la part d'ombre de l'espèce humaine; il la compare à la survie dans la nature dans le sens du documentaire animalier, et sous la plume de Wentworth Miller, la conçoit comme l'acte inconcevable de supprimer la vie pour faire sa propre place. La métaphore de la rupture avec la famille est donc illustrée de manière littérale et radicale dans le film. Sous la coupe d'un proche qui s'invite quelque peu aventureusement dans le clan, India découvre cette supposée part d'ombre, et l'intègre comme le reste dans sa personnalité. Voilà une façon bien dérangeante d'aborder le thème du passage à la vie d'adulte. Il n'était certainement pas dans l'intention des auteurs de produire cet effet là, mais je n'ai pas pu m’empêcher de penser au témoignage de Roberto Saviano lorsqu'il explique comment était conçu le fait de "devenir un homme" dans la famille qui l'a élevé.
Pour autant, le film serait plutôt une spéculation sur le thème de la nature. Je ne pense pas en effet qu'une telle histoire soulève véritablement un coté "sombre", immuable, de l'espèce humaine ou de la nature en général si l'on garde à l'esprit que l'espèce humaine évolue, avec le savoir qui est à sa disposition et qui lui permet de définir ce qui est bon ou mauvais.


Reste que la mise en scène ainsi que la photographie sont magnifiques; nous sommes complètement amenés dans la vie intime de India, dans son angle de vue, et dans l'ambiance très végétale qui l'entoure; un aspect renforcé par les particularités et les dispositions psychologiques du personnage, héroïne qui est très sensible à son environnement au début du film, mais qui est peut-être également une sensitive et une introvertie.


Je mets une étoile pour le thème, deux étoiles pour l'image et la mise en scène, deux pour le jeu d'acteur, et deux pour la musique originale.

Greenbat85
7
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le 30 août 2015

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Greenbat85

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