Strangeland
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Strangeland

Film de John Pieplow (1998)

Même s’il est réalisé par John Pieplow, obscur cinéaste, Strangeland est écrit, co-produit, et joué par Dee Snider, qui a aussi participé à la bande son. Grande figure longiligne, ce dernier est surtout connu pour avoir été le chanteur et compositeur de Twisted Sisters de 1976 à 1986 puis lors de quelques reformations. On leur doit les endiablés We're Not Gonna Take It et I Wanna Rock qui ont enflammé quelques boums.


Strangeland est donc le bébé de Dee Snider, qui se donne le rôle le plus central de tout thriller horrifique, celui de l’antagonisme pas gentil, de la menace qui fait peur, de la figure à détester. Soit Carleton Hendricks alias Capitaine Howdy, grand fêlé amateur de body art, de tatouages tribaux, de piercings, de scarifications ou de suspensions corporelles, qui estime que c’est dans la douleur corporelle que se trouve le plaisir, une vérité qu’il veut faire partager au plus grand nombre.


Pour cela, C.H. utilise les groupes de discussion sur internet. Alors que Google n’est même pas encore lancé lors de la production du film, il prophétise l’avenir des rencontres en ligne, mais aussi un pendant plus sombre, celui de la manipulation par écrans interposés et de la présence des prédateurs sexuels.


C’est de cette façon que se fait piéger Geneviève, jeune fille qui désirait rencontrer un adolescent charmeur, pas un psychopathe amateur de grosses aiguilles. Heureusement pour elle, elle est la fille de Mike Gage, inspecteur, qui va se lancer à la poursuite de son adolescente kidnappée.


Ce n’est pas le meilleur morceau du film, Capitaine Howdy est encore dans l’ombre, et le tout est terriblement convenu, avec cet inspecteur à la recherche de sa fille, un peu las, aidé par un collègue qui veut bien faire. Ce n’est pas l’incursion dans un bar de nuit peuplé d’amateurs de cuirs, latex et autres déformations corporelles consenties qui procurera l’étincelle nécessaire. Mike Gage est au centre, interprété par Kevin Gage qui le joue alors trop détaché, comme un grand professionnel alors qu’il est question de sa fille.


Cette enquête dure tout de même la moitié du film, et l’ennui est si profond qu’il reste gravé dans la mémoire. Mais la deuxième partie part dans une direction intéressante, où C. H. semble guéri, prêt à faire pénitence de ses actes. Ce que n’accepte pas une partie des habitants, qui décide d’en finir avec lui en voulant le pendre. Il en réchappera, reprendra ses piercings et ses folies corporelles, n’hésitant plus à s’adresser directement à Mike Gage, dont le personnage va être égratigné par cette épreuve.


D’une manière ambiguë, en le présentant comme une victime, mais dont les vieux démons ne sont pas loin, le film nous rapproche de la menace, créant une sympathie fragile mais présente. Dee Snyder est dans la lumière, il peut s’en donner à coeur joie. Penaud en tant que repenti, il retrouvera bien vite le feu de sa folie. Grand guignol taillé comme un fil de fer, il défend ses actes par des divagations spirituelles ou mystiques, sadiennes, dans de grands discours exatiques. Une figure étrange, peu commune, extrême, qui renouvelle le stock des grandes menaces de tels films, même s’il n’a pas marqué à vie le genre de son empreinte.


Sa colère, il l’exercera contre ces braves citoyens qui ont voulu le lyncher. Cette foule avide de haine est menée par Robert Englund, oui, Monsieur Freddy Krueger, mais qui joue ici le rôle d’un homme bête et méchant, un beauf à l’américaine, et qui s’en donne à coeur joie dans l’interprétation, chapeau. C’est tout de même loin d’être le cas de la majeure partie de la distribution, hélas.


Car même si le film aligne quelques têtes vaguement connues (Kevin Gage, Linda Cardellini, Elizabeth Pena), il est tout de même assez difficile à croire que le film soit sorti au cinéma (aux Etats-Unis, pas chez nous). Certes, peu de chaînes auraient pu montrer ces quelques scènes avec des scènes de torture. Même si elles ne sont guère explicites elles restent malsaines. Mais la photographie est assez vilaine, trop éclairée, la lumière est fade, tandis que les plans ne sont guère excitants. Le film se permet même un montage un peu foireux, notamment avec certaines scènes qui arrivent étrangement. A moins que ce ne soit la faute d’un scénario qui n’est pas avare en grosses ficelles et dont l’angoisse est peu présente.


Même la bande-son enrockée ne sera de grand secours, malgré la présence de System of a down, Megadeath, Anthrax, Marilyn Manson ou Pantera. Le film se veut sulfureux, il se montre tout de même un peu trop timide, il fallait lâcher les chiens, car quand on s’ennuit devant, ce n’est pas pour quelques minutes. Captain Howdy est peut-être un personnage qui attire les projecteurs et son emploi est assez intéressant mais ce n’est guère suffisant pour ressortir du film de Dee Snider avec les yeux qui brillent ou des clous dans le ventre.

SimplySmackkk
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le 18 mai 2021

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