Strictly Criminal m'a un peu fait penser à La Rage au Ventre dans son déroulement. Ou plutôt, dans ce qu'il m'a donné à ressentir. C'est filmé avec le même classicisme lêché et le même goût, on n'en attendait pas moins de Scott Cooper dont Les Brasiers de la Colère étaient envoûtants. C'est cependant sans grande surprise dans l'intrigue, reprise par de nombreux autres films passés avant lui, avec son lot de loyauté, de balances, d'alliance des deux côtés de la barrière, d'exécutions sommaires, de "gueules" en guise de sbires et autres brèves explosions de violence.


L'interprétation est au diapason. Johnny Depp est pour une fois tout en retenue, faisant aisément ressentir la violence qui bouillonne sous sa fausse impassibilité. Joel Edgerton arrive à jouer malgré son apparence un peu bouffie et pataude. Dommage que des comédiens du calibre de Benedict Cumberbatch, Kevin Bacon ou Juno Temple ne fassent que passer : leur rôle un peu plus développé aurait pu donner naissance à une véritable fresque criminelle. Mais en l'état, Strictly Criminal relève d'une dualité classique entre le gros bonnet et l'agent du FBI dont en faisant son informateur. Leur ascension jumelle est agréable à suivre, bien que menant inéluctablement à une chute vertigineuse. Mais petit hic, Scott Cooper n'a pas voulu entremêler les destinées : la première partie est ainsi clairement dédiée à la montée en puissance et la cassure personnelle du personnage de Johnny Depp, tandis que la seconde partie se focalise de manière soudaine sur la déchéance progressive de celui de Joel Edgerton. Chacun passe du premier au second plan (et inversement), sans crier gare, désarçonnant quelque peu le spectateur.


Etirée sur deux heures, l'alliance du badge et de l'arme dans un intérêt commun est très prévisible et classique, au point de sembler parfois tourner, non complétement à vide, mais sur un rythme erratique que la définition d'autres personnages ou axes scénaristiques aurait pu éviter. Ainsi, par exemple, l'intrigue politique contenue en germe dans la bande annonce est quasi absente, rendant inutile le personnage de Benedict Cumberbatch qui aurait pu offrir un autre contrepoint formidable à Johnny Depp du fait de leur fraternité. L'histoire vraie, si elle aurait pu s'en trouver malmenée, aurait peu être gagné une épaisseur supplémentaire.


Malgré ce point faible dans la structure de son récit, Strictly Criminal n'est pas ennuyeux. Non. Car le travail de Scott Cooper est très agréable derrière sa caméra, lui qui aura réussi à soustraire Johnny Depp de son cabotinage confortable, tout en réussissant à peindre une jolie restitution de l'atmosphère 70's 80's dans laquelle baigne le film. Ce ne sont pas les moindres de ses qualités.


Behind_the_Mask, partner in crime.

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