Et paf la girafe !

Après un Edmond qui avait surpris tout le monde, étant bien loin du genre auquel Stuart Gordon nous avait habitué, le voici qui revient une nouvelle fois avec sous le bras un thriller particulièrement obscur, et qui n'a pas manqué de se faire remarquer lors du BIFFF 2008 ainsi qu'au San Francisco Indifest.
Brandi (Mena Suvari) est une jeune femme qui vit à cent à l'heure. Une nuit, alors qu'elle rentre d'une soirée arrosée, elle percute très violemment un inconnu (Stephen Rea) avec sa voiture. L'homme vient littéralement s'encastrer dans son pare-brise. Chose incroyable, il respire encore. Mais terrifiée à l'idée de partir en prison, Brandi commet l'impensable: elle décide de le laisser agoniser dans son garage...

Stuart Gordon, c'est pour beaucoup un des maîtres de l'horreur des années 80/90, connu notamment pour son Reanimator ou encore Aux portes de l'au-delà, mais ces dernières années, il a changé radicalement de genre, se concentrant d'avantage sur le thriller, notamment avec le surprenant Edmond. Continuant sur sa lancée, il nous comble à nouveau, ce Stuck s'intéressant comme Edmond aux instincts primaires.
Stuart nous sert une présentation intéressante de ses personnages afin de mieux nous faire comprendre les enjeux ainsi que les natures changeantes, l'un étant un homme lessivé, sans abris, et dont personne ne se soucie, et l'autre étant une aide soignante dévouée à son travail. Le premier, qui n'avait plus de raison d'être, déploiera une énergie considérable pour survivre, et le second, qui a beaucoup à perdre, finira par devenir l'ombre de ce qu'il était, reflétant notre côté animal, instinctif, celui enfoui au plus profond de notre âme, et auquel on aimerait ne jamais être confronté.
Un sujet passionnant, un développement et une écriture intelligente, Stuart nous sert quelque chose de très satisfaisant, au suspense haletant, même si l'on notera de légers faux pas, dont quelques infimes baisses de régime ainsi que certains personnages un peu trop clichés, voire risible (le petit copain black dealer est juste insupportable). Malgré ces faux pas on ne pourra pas oublier le personnage de Stephen Rea, particulièrement attachant, mais si mal en point et malmené par la vie qu'il paraissait avoir été percuté avant même d'avoir rencontré Brandi; on se rappellera notamment la scène à l'agence pour l'emploi, aux States, mais absolument identique à ce que l'on peut voir dans nos chères ANPE.

Bref, Stuck est une très bonne surprise, qui nous prouve une nouvelle fois que Monsieur Gordon est toujours d'actualité, et qu'il a bien mieux réussi à se renouveler que d'autres icônes de la même époque (je pense notamment à John Carpenter et son demi flop, The Ward).
Le film nous rappelle par moment Buried, mais heureusement il se détache des critiques aisées que colportait ce dernier, et se révèle bien plus efficace, notamment grâce à ce duo inattendu. Stephen Rea n'a plus rien à prouver, il l'a déjà fait avec The Crying Game, mais Mena Suvari, dont le seul souvenir que l'on en avait était celui d'une des multiples actrices d'American Pie, réussit à nous montrer qu'elle en a beaucoup plus que l'on croyait dans sa besace.
Le traitement principal observe un certain sérieux, mais Gordon, toujours proche du milieu dans lequel il a brillé, en profite pour glisser subtilement une légère once d'humour macabre au travers de cette situation inextricable qui ne cesse d'empirer au fur et à mesure que la bobine passe.
Le final est à la hauteur du reste, inhumain, ou trop humain, c'est selon les points de vue, mais en tout cas très loin des critères de la « bonté humaine ».
Pour conclure, les fans de Gordon seront une nouvelle fois surpris, en particulier s'ils avaient aimé Edmond. Les amateurs de thrillers noirs seront eux aussi largement comblés, la pellicule méritant amplement le coup d'oeil.
Mention spéciale pour la scène de l'impact, car bien que le budget du film eut été limité, Gordon n'a pas loupé le coche et s'est débrouillé pour nous restituer quelque chose d'assez bluffant.