Le best-seller d'Amélie Nothomb nous narrait, si cette adaptation est respectueuse, ses tribulations irl de jeune femme belge arrivant au pied d'une pyramide japonaise à huis-clos d'où même la défenestration ne pouvait libérer... Et pour cause.


Je ne l'ai pas lu ce roman mais le film d'Alain Corneau se veut simple et cohérent : la vie des divers protagonistes en dehors de l'entreprise ne sera jamais montrée. Normal, au Japon le travail revêtirait une importance telle qu'il phagocyterait tout le reste, ou presque.
Simple et cohérente, la réalisation s'avère également cheap, et c'est la seule chose que je reprocherais au film : la photo réaliste n'est franchement pas top, sans parler des hideuses incrustations fantasmagoriques d'Amélie s'envolant au-dessus de Tokyo.
En revanche, la voix-off en français et les interactions au sein de l'entreprise en japonais sous-titré se révèlent être le bon choix.


L'histoire ? Une traductrice belge, après avoir bataillé pour obtenir un poste dans une grande compagnie japonaise se retrouve immédiatement mise au placard, ne sachant d'abord pas quel est son rôle, jusqu'à tomber au plus bas de l'échelle après moult taches ingrates et lobotomisantes effectuées. Les bonnes intentions du début laissant rapidement place au masochisme et à la soumission de l'étrangère humiliée.
Autres lieux, autres moeurs... Il faut dire que les codes hiérarchiques japonais semblent des plus rigides, le comble étant qu'on interdira d'abord à la jeune occidentale de parler japonais parce que ce n'est pas respectueux, alors qu'elle avait été embauchée en tant que traductrice à la base. "Cela n'étais pas le bon moment", apprendra-t-on à la fin.


Et c'est là que cette histoire est forte, démontant l'un après l'autre les rouages du monde de l'entreprise (la grande entreprise en tout cas), et pas au Japon seulement, là où l'ordre et l'obéissance priment sur le bon sens et l'efficacité. Là où l'humiliation, la jalousie, le chacun pour soi, la souffrance, l'hypocrisie -et j'en passe- priment sur le respect, le bien-être de chacun, l'esprit d'équipe et tout ce que la vie peut avoir de beau. Le monde du travail, globalement, c'est un monde de merde. Le nôtre. J'y suis personnellement allergique, vous l'aurez bien compris ! ^^
Grosso modo, on empêche beaucoup de gens motivés de travailler, jusqu'au dégoût ; ceux-là même dont on se plaindra ensuite qu'ils n'ont plus envie de travailler, voire qu'ils profitent du système avec leurs allocations, alors que pour bosser, c'est bien connu désormais, il n'y aurait que la rue à traverser. Pas vrai Manu ?


A noter par ailleurs l'excellente prestation de tous les acteurs et pas seulement celle de Sylvie Testud, dont la folie - césarisée pour sa prestation - et les déboires, seront la clé de voûte d'un long-métrage très largement porté sur la psychologie de ses deux protagonistes principales (notamment leur relation sado-masochiste). Les autres pions d'entreprise, le grand patron et l'ange gardien impuissant venant compléter ce paysage pas si manichéen que ça.


Enfin, après avoir savouré une conclusion plutôt mignonne, ce Stupeur et Tremblements, très largement sous-estimé par l'ensemble de nos collègues, me captive toujours autant (3ème ou 4ème visionnage quand même). Une très bonne pièce de théâtre tragi-comique, parfois poétique, taillée pour le petit écran.


NB : le passage avec la scène culte de Furyo fait toujours son petit effet. <3

RimbaudWarrior
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le 29 août 2015

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RimbaudWarrior

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