Vu lundi dernier en cinexperience (merci SC pour ça...), le très remarquable STYX, de Wolfgang Fisher.
Remarquable pour plusieurs raisons, et pas des moindres. En premier lieu, par sa forme cinématographique (et comme ça fait du bien...). Dès les premières scènes, on sait qu'on a un cinéaste derrière la caméra. Un sens du cadre très tenu, une puissance visuelle instantanée, un travail sur le son très très fin... l'entrée dans ce film est l'une des plus fortes qui m'est été donné de voir cette année. Deux petites scènes, l'air de rien, assez décrochées du reste du film d'ailleurs, qui vous plongent tout de suite dans un univers, dans un propos, dans du cinéma, et du grand cinéma. Pas de dialogue bien sur, ce n'est pas nécessaire pour camper une situation ni un personnage n'est-ce pas ? Je ne vais pas développer l'intrigue qui suit, vous la découvrirez si vous avez la chance de voir ce film. Mais ce réalisateur sait clairement tenir un film de bout en bout. Sa maîtrise de la mise en scène est complète, parcourue de fulgurances visuelles et sonores brillantes (saluons au passage la partition musicale, qui vous attrape dès la premiere minute et vous accompagne jusqu'au bout du bout, jusqu'au bout du générique... bravo, je n'ai pas le nom du compositeur (ou de la compositrice) en tête, mais bravo bravo bravo !). J'ai vraiment découvert un cinéaste avec ce STYX, et j'espère qu'il pourra tourner un maximum de films, ce monsieur en a clairement sous le sabot !!
Je serai injuste si je ne tressais pas aussi des lauriers à l'actrice Suzanne Wolff qui tient le film sur ses épaules de façon extra-ordinaire. C'est une sacré performance, et c'est une actrice qu'il faut suivre je crois.
Maintenant, le propos. Et la raison du titre de cette critique.
à l'issue de cette séance, nous avons eu la chance de participer à un échange entre le public et le réalisateur. Et l'une des toutes dernières questions m'a véritablement interpellé. En substance, la personne qui posa cette question disait au réal : "**votre film décris très bien une situation, un dilemme qui peut certes vous toucher, mais vous n'apportez pas de solution, vous ne nous dites pas ce qu'il aurait fallu faire à sa place (de la protagoniste)*". Ce qui en gros pourrait se résumer par "votre film c'est bien gentil, mais ça ne sert à rien". Et bien non. Un film, le cinéma, ce n'est pas là pour apporter des solutions. Ce n'est pas là pour donner des leçons, dire ce qui est bien ce qui est mal, ce qu'il faut faire ce qu'il ne faut pas faire; ça, ce n'est pas du cinéma, c'est de la propagande. Un auteur qui respecte son spectateur (et là on ne parle plus que de cinéma) se doit de le laisser réfléchir par lui-même, de sonder ses propres questionnements et d'y apporter ses propres solutions, individuellement, profondément, intimement. Il lui laisse la place d'exister, de penser. Il est là pour mettre en lumière certains aspects des choses qui lui semblent importante de voir, de regarder, de reporter. Il ouvre des portes, propose des chemins de traverse, dégage des points de vue divergeant, souligne, sur-ligne, caricature, efface, minimise, tout ce que vous voulez, mais ne dit pas ce qui doit être fait ou pensé. Un cinéaste n'est pas là pour donner des réponses mais poser des questions (et c'est en substance, et de façon particulièrement diplomatique, la réponse qu'a fait Wolfgang Fisher). C'est quand on demande à un art d'apporter les réponses qu'on commence à le dévoyer, à le sortir de sa mission pour le pervertir, en faire un simple outil de manipulation. Non, le cinéma n'est pas, et ne doit jamais être un tract propagandiste manichéen borné offrant du prêt-à-penser, ce quelque soit la cause qu'il souhaite servir.
Et STYX n'est vraiment pas ça, il est ce que le cinéma a de plus grand à nous offrir. Il vous permet de penser par vous-même en vous immergeant dans une situation que vous n'avez pas vécu dans votre chair mais qui, vue en tant que spectacle (et quel spectacle, en ce qui concerne ce film...) vous permettra de faire évoluer vos pensées intimes, vos convictions, vos opinions.
Alors, merci Wolfgang Fisher, allez donc nous faire pleins de films aussi fins et aussi réussis que ce STYX, pleins de films pour nous aider à vivre !

Pierre_Mercadier
9

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur.

Créée

le 20 mars 2019

Critique lue 258 fois

1 j'aime

Critique lue 258 fois

1

D'autres avis sur Styx

Styx
sseb22
8

Aide en haute mer

DISCLAIMER : Vu en avant-première via une Cinexpérience organisée par SensCritique Rike est médecin urgentiste. Rike a un rêve. Rike va (presque) réaliser son rêve. Son rêve est de rejoindre l'île de...

le 19 mars 2019

9 j'aime

Styx
Fêtons_le_cinéma
8

L'urgence sourde

Le voilier dessine une fenêtre sur l’infini qu’il parcourt, forme un cadre dans le cadre où se projettent les rêves de paradis puis l’effroi de la réalité. Styx saisit l’urgence dans ce qu’elle a de...

le 18 mars 2019

9 j'aime

Styx
Flora_Goldgran
8

Embarquez à bord du bateau de Charon

Médecin urgentiste, Rike embarque sur son voilier en direction de l'Île de l'Ascension, paradis sauvage et artificiel perdu au milieu de l'Atlantique Sud. On ne sait rien d'elle. Elle est Rike. Elle...

le 19 mars 2019

7 j'aime

Du même critique

Anna Karénine
Pierre_Mercadier
10

eux et nous

Tostoï est trop grand pour que je puisse écrire quoi que ce soit pour lui. Mais avez-vous remarqué quelque chose ? il existe une catégorie de personnes toutes particulières... des gens qui peut être...

le 5 juil. 2018

4 j'aime

9

Nos souvenirs
Pierre_Mercadier
2

Mais il est où ?

tellement à côté de la plaque qu'on se Deandre si vraiment Gus : a écrit lui même le scénario ou la même relu une fois avant de se lancer et s'il a vraiment été sur le tournage... quand au montage,...

le 20 avr. 2018

2 j'aime

4