Hollywood Suicide

Sortir un film de super héros aujourd'hui, ou plutôt une adaptation de comics pour être plus précis, est loin d'être l'idée la plus innovante des 10 dernières années. Mais devant le succès public que génèrent ces films, il va de soi que la tentation est forte de ne jamais s'arrêter, de toujours en demander plus. Ainsi avec le temps, on a eu droit à différentes évolutions du traitement du film de super héros. Il y a eu le très bon divertissement que représentait le premier film Iron Man, puis le pan sombre du héros, caractérisé par le Dark Knight Nolan (qu'on a souvent voulu imiter), puis l'ère des Avengers et le retour du grand divertissement avec un savant mélange d'humour et d'action (mais poussé à l'extrême par Marvel jusqu'à nous faire vomir) et enfin, aujourd'hui l'avènement du mélange casse gueule de la "violence" et de l'humour, dans le but créer des personnages hypes et transgressifs qui parleront à l'adolescent rebelle que la vie rejette. Et aussi pour se démarquer, selon eux, de Marvel et de ses codes structurés. Mon cul, le résultat est le même.

Qu'on se le dise tout de suite, Suicide Squad est mauvais, frôlant même la catastrophe artistique. Scénario d'une linéarité affligeante, photographie inexistante, acteurs qui cabotinent, personnages inintéressants et sans profondeur, montage réalisé à la hache, direction artistique d'une incroyable fadeur (ou est l'ambiance fluo promise depuis des mois ??), etc... les raisons techniques et artistiques du plantage sont nombreuses et malheureusement caractéristiques du genre depuis quelques années maintenant. Depuis la mise en chantier de l'univers qui gravite autour de la Justice League, DC a toujours voulu se démarquer du style Marvel, à priori trop enfantin et gentillet à leurs yeux. Mais force est de constater que malgré ces grandes et belles paroles, cette volonté affirmée de faire du mature, les problèmes sont toujours les mêmes. On ne privilégie plus l'individuel, désormais, l'oeuvre cinématographie n'a plus d'identité propre, elle fait parti d'un tout. C'est le plus gros défaut des productions Marvel qui n'ont plus aucun scrupule à produire des bandes annonces de deux heures tous les ans. A raison de deux ou trois par an, sinon c'est pas drôle. Et DC est exactement dans la même optique. Batman vs Superman n'est qu'une bande annonce de la Justice League, Suicide Squad une bande annonce du prochain long sur Batman et, dans une moindre mesure, The Flash.
Par exemple, l'utilisation du personnage du Joker est complètement inutile, alors qu'il était présenté comme l'antagoniste du film, tout comme l'affrontement entre Batman et Superman était un prétexte pour s'orienter vers autre chose (une bouillie numérique en l'occurrence). Donc au final, les différences entre les deux univers sont réellement minimes, et ce côté donneur de leçon que dégage DC m'exaspère au plus haut point. Quand tu vois David Ayer, pauvre mouton qu'il est, crier "Fuck Marvel" à l'avant première du film, tu te dis que les mecs ont vraiment rien compris à ce qu'ils sont en train de faire, ce qui rend le tout encore plus grave.

Et au milieu de ce joyeux foutraque qu'est le film, il y a ça.

Comme pour Batman vs Superman (c'est incroyable à quel point les deux films se ressemblent, ou comment répéter les mêmes erreurs dans deux films sortant à 6 mois d'intervalles), ou a une autre échelle et avec un autre studio, les 4 Fantastiques, la Warner a mis les mains dans le tas et a proposé sa propre version du film, comme cela se fait depuis des années et comme cela continuera encore pendant des décennies. Dire que le film aurait été bien meilleur si Ayer avait eu le final cut est encore à vérifier, mais le gros problème est la raison qui ont poussé le studio à s'impliquer dans le rendu final. Après l'accueil plutôt froid réservé à Batman vs Superman, lui reprochant son approche trop sombre (ceci n'est pas une blague), la Warner a décidé d'organiser des reshoots pour inclure plus de Will Smith et plus d'humour pour rendre le tout plus léger. Une bonne idée puisque n'oubliez pas le succès qu'avait été Deadpool auprès des gens ! Pourquoi ne pas faire pareil ?
Oui mais le cinéma ne fonctionne pas comme ça, et cette façon de faire est le prolongement direct de l'autre principal défaut du film : ce film n'a aucune identité. Une escouade de super vilains ? De tueurs au sang froid ? Oui mais avec des valeurs, on va pas se faire chier à creuser un tant soi peu leur façon de penser. On ne sait jamais sur quel pied danser, sauf pour Will Smith, qui ne joue que l'ombre de Deadshot (pas non plus complètement sa faute, vu l'écriture du personnage...) ou Margot Robbie, qui dissipe vite le personnage d'Harley Quinn pour en faire une sorte de machine à vanne ambulante. Les personnages se retrouvent en parfait décalage avec ce qu'ils sont censés représenter, ce qui implique un montage brouillon et un scénario qui va à l'essentiel sans jamais se remettre en question. Et de fait, on se retrouve affublé de plusieurs séquences qui peuvent provoquer des relents de vomit pour le spectateur non préparé, comme cette marche au ralenti sous la pluie, ou toutes les scènes entre Deadshot et sa fille.

En fin de compte, Suicide Squad a tout de l'accident industriel. Un projet prometteur qui pouvait proposer quelque chose de neuf et de différent (un peu comme les Gardiens de la Galaxie à son époque), mais qui ne fera qu'effleurer le potentiel de ses idées (si tant soi peu qu'il y en ait) pour tomber dans le stéréotype de ce genre de film aujourd'hui. Une oeuvre quelconque sans réel enjeu, sans réelle fin, destinée à teasé le prochain mouton qu'on emmène à l'abattoir. Finalement, c'est encore pire que si Ayer s'était planté parce que quand tu vois le résultat final, tu te dis que les mecs à la tête de tout ça n'ont vraiment aucun scrupule à casser un film pour engranger du pognon. Cette pression qu'a subi Ayer, pour que le film sorte (très) vite, c'est un joli écho à la production de la trilogie du Hobbit que Jackson avait récupéré en catastrophe et qui finalement était extrêmement décevante (pour le dire gentiment).

Hollywood se meurt à grande vitesse et a choisi un chemin très long pour y arriver. Malheureusement pour nous.