Dix sept souvenirs de ma jeunesse.

En quittant la séance du dernier Desplechin, j'étais particulièrement triste ; ça flottait dans l'air, ça coulait avec la pluie du printemps, jusqu'au plus profond de ma tête. Le film aurait dû être beau, mais il était tristement raté. Alors je suis allé voir autre chose. Au hasard.


La réussite d'un film, étonnamment, se tient dans les détails. Trois souvenirs de ma jeunesse avait tout pour me plaire, un début inquiétant, une première partie vraiment chouette, une fin grandiose, brutale, méchante et destructrice. Mais cet amour intact méritait de rester caché sous le chagrin intact, sous la fureur intacte. Le ridicule, la lourdeur, de la réalisation, de ces acteurs, rien dans ce bazar ne pouvait garder, de Comment je me suis disputé, la beauté, la douceur. Rien, sauf peut-être cette fin, quelques mots, comme s'ils avaient su, Desplechin, vieillissant, se rendre compte du ridicule de cette histoire d'adolescent, comme s'il s'était, mais trop tard, après plus de deux heures de montage, rendu compte de l'ineptie de son propre récit.


Mais je m'égare en déception, le film qui aurait pu être si parfait s'effondrait sous les détails ; le souvenir de ma propre jeunesse s'abîmait avec lui - parce que quand même, tout n'est souvent que très personnel - et c'est ce film qui devait finalement la faire renaître.


Figurez-vous que malgré la tristesse et la grisaille, le temps - celui qui passe, pas celui qui pleut - le couvre désormais d'un éclat doré, d'un rayon de soleil éternel. Ce film, douceur lituanienne, probablement trop sucrée pour vos estomacs, ne plaira sans doute qu'à moi, mais je ne vous en veux pas ; comme Desplechin, la réalisatrice en fait toujours un peu trop, dans les effets, comme dans les ficelles : cette histoire d'avion agace plus qu'elle n'intéresse, ces deux jeunes filles semblent si vraies et si fausses, j'ai un peu honte d'y mettre un cœur, mais il était d'une légèreté salvatrice, d'une dureté nécessaire, d'une beauté calme et tranquille.


A la dix-septième ligne, je serai loin.
Et de chacune, je garderai la trace intacte.

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le 30 juin 2015

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J. Z. D.

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