Dans le chaos de l'Histoire en pleine écriture (II)

En deux longs-métrages, Laszlo Nemes a su définir ce qui faisait son expression cinématographique : une focalisation resserrée sur le protagoniste principal, un goût pour la reconstitution minimaliste de l’Histoire où la simple évolution de ce même protagoniste au sein de l’espace doit suffire à engendrer une impression de réel, un recours aux plans longs qui embrassent l’ampleur d’une action sans en organiser ni la logique ni la dynamique par le biais d’effets de montage. Sous la forme d’un processus, son cinéma est donc à la fois très enfermé sur lui-même et s’ouvre pourtant aux hasards que le destin individuel rencontre. Ce destin, c’est la machine sociétale en pleine expansion, c’est le fracas des constructions humaines porteuses de destruction, c’est l’errance d’un être au sein de cette Histoire, perdu dans la recherche d’un lien familial à restaurer.


Sunset capte le déchirement d’une famille sur fond de déchirement politique : le parcours d’Irisz Leiter dans un empire austro-hongrois en pleine décadence pose la question de la fraternité dans un monde rongé par la conspiration et les rivalités intestines. Encore une fois, le titre annonce le point de vue prédominant qui n’est donc pas strictement celui d’Irisz mais celui du crépuscule, période pendant laquelle le soleil embrase l’horizon de ses rayons rouges. On est en droit de penser que le soleil sur le déclin, c’est la belle Irisz qui envoûte chaque scène par sa grâce naturelle et rayonnante. Le plan-séquence qui vient clore le métrage témoigne d’ailleurs de la mort de la constellation solaire, réduite à un visage plein de boue enterré tout au fond d’un boyau. Nemes est très fort pour donner vie à une période historique qu’il ne reconstruit pas de manière classique, mais qu’il épouse par le corps de son actrice. Malgré quelques longueurs centrales qui, si elles n’attentent guère au ravissement du spectateur devant une beauté ambiante, nuisent quelque peu à la dynamique de l’ensemble, Sunset confirme l’immense talent de son cinéaste Laszlo Nemes, dont la future réalisation est attendue avec impatience.

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le 21 mai 2019

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