La plus belle réussite de JJ Abrams est d'avoir conçu, en priorité, un film pour les quadras. L'intention n'est en rien dissimulée. Au contraire, elle apparaît fièrement au détour de sa distribution frappée du sceau "Amblin Entertainment". L'affaire pourrait en rester là et sa nostalgie douce et surannée également si seulement le réalisateur n'avait pas envisagé d'infimes variations sur le tronc cinéphilique commun. Un double exercice artistique consistant à conserver l'esprit d'origine (écriture, format, marketing) tout en utilisant un tempo resserré associé à l'outil numérique.


Si l'on aborde "Super 8" frontalement, l'expérience peut se révéler "Proustienne" pour le plus nostalgique des spectateurs ou à contrario mal digérée. Ce double constat s'exprime par l'approche ultra-référentielle de son affiche : Joe Lamb et Alice Dainard se tiennent par la main. Une triple source lumineuse approche absorbée par une nuit bleutée. Aucune équivoque possible, le marketing se focalise sur la mythologie Spielbergienne en tentant d'en extraire la moelle fantastique. L'analyse en diagonale de la structure scénaristique révèle des pans entiers de comédie des "Goonies", la banlieue est une photocopie première génération de "Poltergeist" et le fétichisme du bicross creuse le dernier sillon de la référence ultime. Le catalogue du Wonder-boy par Abrams s'offre même la panoplie du GI, le tout bouclé en une durée record d'1H42.


Décors et dramaturgie plantés, l'ersatz pourrait très bien renvoyer l'image d'une sinistre scène du musée Grévin. Le petit théâtre d'Abrams ne se contente pas d'agiter le drapeau des symboles empruntés, il s'imprègne de références horrifiques (le zombie movie) et amorce de manière sibylline une réflexion sur l'artisanat cinématographique. "Super 8" n'est pas uniquement un Amblin movie des années 80 dopé aux SFX digitaux. Il adopte l'hybridation naturelle trouvant refuge dans le film amateur de Charles, cinéphage du groupe et proclamé "Director à grande gueule". Le message est clair : La filiation cinématographique est le point de convergence entre Abrams/Spielberg et Charles/Romero. L'idée meta du film dans le film qui torpille aujourd'hui Hollywood trouve ici une saveur particulière. Celle de l'origine cinématographique pré-numérique. Une époque argentique où avec un peu de passion et peu de moyens, les rêves pouvaient se transformer en réalité. La nostalgie de "Super 8" n'est en définitive pas une période donnée mais une ode à la création. Derrière la façade du show tout public, se dresse l'amour du Home movie.

Star-Lord09
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le 15 août 2017

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