Un pont (recouvert) entre les générations.

- QUUOOIIIII ??? TU N'AS JAMAIS VU "SUR LA ROUTE DE MADISOOOOOOOOON ?"
- ben non. Je suis tombé deux fois dessus à la télé mais déjà que la VF et moi ça fait 4, alors en plus le Clint, là, sa voix n'est même pas comme d'habitude (comme dans mes souvenirs d'enfance, donc) et c'est encore plus horrible.
- QUOIIIIIII ? s'écrient de conserve ma femme et son amie qui, je le sens dans leurs yeux peinés, me dévisagent d'un tout autre oeil... un oeil beaucoup moins bienveillant... Surtout ma femme... TOI QUI A NOTÉ TROIS MILLIONS DE FILMS SUR TON SITE, LÀÀÀ, OÙ TU PASSES DES HEURES, TU N'AS TOUJOURS PAS VU "SUR LA ROUTE DE MADISOOOOOOON...????"

Bon OK, on prend un truc frais à boire et on s'y met. Non de Dieu.

Allez ça va. Le film ne manque pas de qualités, même si un poil englué dans des effluves sirupeuses en fin de métrage.
La grande force de cette histoire d'amour est qu'elle met en scène une quadra et un sexa qui ont une bonne partie (si ce n'est l'essentiel) de leur vie derrière eux. D'ou une force inhabituelle dans l'évocation des espoirs, regrets, pulsion, réflexion qu'inspirent aux protagonistes ces quatre jours fous au crépuscule d'une vie.
La distanciation créée par le testament et les notes de Francesca est aussi une bonne trouvaille. Sachant qu'il ne s'est agi que d'une parenthèse lumineuse, l'histoire d'amour n'en tire que plus de force et de puissance dramatique.

Les scènes d'amour entre les deux amants sont d'autant plus intéressantes qu'il n'est pas habituel de voir sur nos écrans deux personnes dans la force de l'âge se faire nombre de petits bisous plein de tendresse et de fougue (et finalement, quand on y songe, même le cul de Meryl est assez rare à l'écran !)

Maintenant, je m'interroge et je mets en garde: combien de ménagère de plus de 50 ans, pour lesquelles TF1 n'a pas manqué de diffuser cette romance du 2ème âge (bien tapé pour Clintou au moment des faits), ont ruiné leur vie pour une journée avec le plombier ? Pour trois heures avec le voisin ? Pensant revivre en accéléré un bout de cette route de Madison? Hein ? Avant de se rendre compte que ce qu'on vécu Robert et Francesca, surtout au terme de leur rêve fou (la décision de l'une et l'acceptation de l'autre) requiert force de caractère (quelle sagesse finement énoncée de la part de Francesca lors de leur dialogue final !) et grandeur d'âme ?

Plus convenu, le chemin parcouru par les enfants de Francesca vis-à-vis de leur mère, possède néanmoins l'avantage, peut-être (on peut rêver), de déclencher une réaction et une réflexion de la part de cette Amérique bien-pensante chez qui la morale ensevelit toute vie d'un chape étouffante et mortifère.
Ce film est, à travers le personnage de Robert, un appel d'air vers (sinon un anti-conformisme viscéral) une forme modeste de liberté individuelle.

Les dernières minutes, sans être ratées ou excessivement lourdes, gâche un poil à mon goût la finesse de l'ensemble en assenant de manière par trop systématique les quelques notes pianistiques du thème principal du film. Ecourtées de ces moments légèrement redondants, le film était à mes yeux une encore plus grande réussite.

Conclusion: quand on est beau et charismatique comme l'est encore le vieux Clint à 65 ans, même en (espèce de) tongs toutes pourries, on peut emballer. La vie est injuste.
guyness

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