« Sur mes lèvres » est le troisième film de jacques Audiard et le moins que l’on puisse dire est que le réalisateur ne manque pas de courage. Délaissant le cinéma bobo à la mode ou la comédie bien épaisse, le cinéaste réalise un film noir digne des réalisations hollywoodiennes (c’est devenu un gros mot). Il en reprend tous les codes. A commencer par la description sociale d’une PME immobilière, repaire d’arrivistes qui n’hésitent pas à s’approprier le travail de l’assistante dans le style « Working Girl » de Mike Nichols (1988). Comme la dite assistante n’a ni le physique ni la voix de Mélanie Griffith, sur son bureau s’entassent tous les dossiers en retard et le mépris de ses collègues. Néanmoins, son patron lui permet d’embaucher un assistant. Il a vingt cinq ans, sort de prison et est aussi à l’aise dans ce monde qu’un poisson en plein Sahara. S’entremêleront vengeance, gros coup et romance. Bref, tout y est. Mais de plus l’assistante brimée au physique moyen est sourde et le bas de plafond retrouve tous les neurones la nuit, dans la rue comme dans les bars. Emmanuelle Devos et Vincent Cassel offrent à leur personnage cette partie de flou qui renforce l’ambiguïté dans leur manipulation réciproque. Cela aussi rappelle de grands moments hérités de ‘The Asphalte Jungle’ de John Huston ou d’ Hathaway, Tourneur, Lang et Hawks. Devant tant de qualités il est permis de regretter quelques scories qui tiédissent la tension, comme l’inutile caractère meurtrier du probateur de Paul (qui de plus complique inutilement la fin) et une musique parfois peu pertinente. Ces défauts de jeunesse ne doivent pas masquer une volonté affirmée et réussie de développer complètement l’histoire (qualité presque disparue dans le cinéma français contemporain), si bien que la scène finale, surprenante de sensualité, donne envie d’applaudir.