Swagger
6.7
Swagger

Documentaire de Olivier Babinet (2016)

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Swagger est un film documentaire qui surprend par sa structure narrative et son approche. Dès le départ on ne comprend ni vraiment la démarche ni ce que ça cherche à démontrer. Plusieurs enfants, plus ou moins jeunes mais jamais majeurs, dévoilent devant la caméra une partie de leur vie, une partie de leur enfance. On assiste à une succession de témoignages sur la vie familiale, scolaire et quotidienne de ceux-ci. Tous grandissent dans des cités défavorisées de France. Chacun cependant le vit différemment. Ils ont des rêves, des souhaits, une sensibilité et un avis global sur leur situation. Certains enfants font preuve d’une maturité très avancée quand d’autres démontrent que ce n’est pas si simple de grandir.


Olivier Babinet nous invite à suivre la vision d'une poignée de jeunes enfants au sujet de leur vie familiale et quotidienne, des avis très enrichissants qui ne manquent pas de surprise. La démarche d’Olivier Babinet est plutôt inhabituelle. En général lors d’un documentaire, on s’attache plus à interroger des adultes voire des personnes âgées. C’est leur expérience qui nous intéresse et dont on cherche à s’inspirer. Ici, quelle expérience peut bien avoir un adolescent de moins de 15 ans ? Et pourtant les jeunes nous surprennent. Même si la majorité d’entre nous vivons dans des familles modestes avec leurs lots d’inconvénients sociaux, on se rend compte de la diversité de vie et de culture de chacun. Lorsqu’une des enfants nous confie avoir peur de Mickey, ce n’est pas du tout la licence à laquelle on s’attendrait puisque nombre d’entre nous avons grandi avec lui. Même s’il est quelque peut différent, le documentaire rappelle High School de Frederick Wiseman. Car au final, nous suivons les enfants au sein de leur établissement scolaire, et de ce fait, leurs relations, leur entourage, leurs amitiés, influent sur leur état d’esprit. On ne cherche pas véritablement à savoir ce qu’apporte comme valeurs l’éducation chez ces enfants. On cherche à savoir comment ils perçoivent cette éducation, à l’école comme entre eux. Là où Frederick Wiseman se centrait du côté de l’établissement, ici ce sont exclusivement les enfants qui sont au centre de l’attention. La portée n’est donc clairement pas la même. On apprécie néanmoins suivre l’avis très éclectique de ces jeunes. L’un pense déjà à son avenir alors qu’il n’a que 14 ans, une autre souhaite avant tout se faire des amis du fait de sa timidité, encore un autre pense à la mode etc. Bref, on navigue au milieu d’avis divers et variés qui ont pour objectif d’élever nos critères de vie, d’aspirer à quelque chose de noble. Ce qui trouble énormément c’est aussi de constater l’écart ahurissant qu’il y a entre les sujets de réflexion d’un enfant et ceux d’un adulte. Certes en grandissant on gagne en responsabilité, on met des avis, des plaisirs, des relations de côté car on ne peut plus s’en occuper. En grandissant on doit s’occuper de certaines choses, et bien souvent pour nos propres enfants. Mais parfois on ne fait pas les bons choix, que ce soit la société qui nous les impose, notre famille (parents/conjoint(e)) ou nous même. En parallèle de ça, il est déstabilisant de constater qu’un être qui, à priori, n’a pas l’expérience d’un adulte, semble avoir une vision probablement plus intéressante, plus logique et plus pertinente de certaines choses. Un discours de la part des jeunes qui laisse assez pantois.


Le petit souci est que chaque enfant ayant une vie particulière, et pas nécessairement celle que l’on a puisque tous ne grandissent pas en cité (ou n’ont pas grandi en cité), on ne sait pas forcément ce qu’ils vivent exactement. Le garçon qui est en famille d’accueil vit une situation très singulière que peu d’enfants vivent finalement. Lorsqu’il se confie, difficile de mesurer l’ampleur de sa situation comme ça, de but en blanc. C’est aussi ce qui fait la sève de ce documentaire, la diversité des histoires. D’ailleurs à ce sujet, pour rendre plus dynamique l’histoire, le réalisateur tente d’ajouter en toile de fond une fiction mettant en scène ce que les enfants racontent. On se retrouve de temps en temps, entre deux témoignages, devant une petite scène avec ou sans effets spéciaux, qui met en scène l’univers de l’adolescent. Le problème c’est que ça s’inscrit très étrangement dans la continuité du documentaire. Lorsqu’on voit apparaître les petits drones robotiques par exemple, la scène sort de nulle part et on ne saisi pas clairement où sont les intentions de cet écart. Ce n’est pas approfondi, c’est un choix qui semble purement esthétique. Pourtant, concernant Paul Turgot (le jeune garçon typé indien), sa scène s’inscrit magnifiquement dans son imaginaire. On peut également ajouter le début d’histoire raconté par Régis N’Kissi et Salimata Gonle, où l’on apprend qu’une bagarre violente semble avoir eu lieu mais sans en savoir plus. C’est extrêmement dommage car ce sont de petites pastilles proposées vraisemblablement par Olivier et qui n’apportent pas grand-chose au fond du discours si elles ne sont pas plus exploitées. En tant que spectateur on se prend au jeu mais on reste sur sa faim. On attend que l’histoire se développe et que les enfants donnent leur vision des choses. S’ils la donnent au final, comme on ne connait pas vraiment tous les tenants et aboutissants de l’histoire, on ne comprend pas forcément. Et s’ils ne la donnent pas, on espère presque avoir leur avis sur des sujets un peu plus ambitieux, un peu plus conséquents, auxquels ils ne sont pas forcément habitués. Des sujets qui interviennent dans leur vie de manières ponctuelles.


Swagger est un film documentaire très intéressant et original. C’est assez inhabituel d’avoir un avis aussi pertinent de la sorte par des jeunes. La mise en scène est assez intéressante puisque chaque élève est à un endroit différent mais dans un périmètre réduit. On peut donc s’amuser à voir les discours des uns pendant l’interrogatoire des autres. Cependant la volonté d’ajouter de la fiction n’est pas forcément maîtrisée. L’avis des jeunes étant suffisamment passionnant pour s’imaginer des situations soi-même, on s’en contentera facilement.


Critique disponible sur Rétro-HD

Notry
8
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le 14 mars 2019

Critique lue 369 fois

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